C'est fou comme à chaque fois que je me dis que Riad Sattouf nous livre-là la meilleur autobiographie que j'ai pu lire, il me ressort un nouveau volume de sa série encore meilleur que le précédent. C'est simple, dans l'Arabe du Futur, on retrouve toute la sincérité d'un auteur racontant son enfance, tout en y instaurant nombreuses réflexions sur les cultures si différentes de notre monde.


Alors je vais vite fait résumer en quoi les trois premiers tomes sont pour moi des bijoux de la BD, histoire que vous ayez pas à lire mes trois précédentes critiques.


Dans L'Arabe du Futur, on suit la jeunesse de Riad Sattouf, fils d'une mère bretonne et d'un père syrien ayant pour projet de construire une villa dans son village natal. Les Sattouf s'installent donc en Syrie, mais le père ambitieux est confronté à de nombreux obstacles, tandis que sa femme s'impatiente d'une vie entourée de musulmans alors qu'elle-même ne parle pas arabe. Tandis que le jeune Riad est persécuté par ses cousins persuadés qu'il est juif. Les livres décrivent d'une façon claire et précise le vécu de l'auteur de son passage en Syrie, ainsi que l'incroyable écart entre l'Occident et le monde arabe.


Le regret que j'ai concernant ce récit, c'est qu'il ne montre pas vraiment le monde arabe sous un bon angle, c'est le regard d'un jeune qui y a vécut ici ses pires années, mais qui n'oublie pas de mentionner les amis qu'il s'y est fait, et les moments de bonheurs qu'il y a vécu.


Si jusque-là, les trois premiers tomes se contentaient d'expliquer ce tiraillement du jeune Riad entre la culture français conformiste représentée par sa mère, et la vie arabe dure et parfois pauvre de son père, ici, tout est amplifié par un aspect : la religion.


On s'attaque alors à un sujet très épineux : le dévouement d'une religion et les conséquences d'un tel choix de vie dans une famille. Le père qui jusque-là était religieux, mais pas pieux au point de faire ses prières matin et soir a fini par se rendre à la Mecque et sa vision de la religion s'en est retrouvée changée. Passant d'un père minable et ambitieux, celui-ci est devenu un homme respectable auprès des siens car pieux, mais méprisé par sa femme car il fait passer sa religion avant sa famille. Il va jusqu'à réclamer à son fils la lecture du Coran, enchaînant les propos racistes sur les juifs et les noirs, et punissant sa femme de refuser sa religion.


Alors attention, je ne critique en AUCUN CAS la religion, que ce soit l'islamisme ou le christianisme, ça n'a jamais été l'intention de ce livre. J'ai toujours considérer qu'une religion avait pour but de transmettre des paroles de paix, et que toute violence qui en découle est issue de mauvaises interprétations ou d’extrémisme, ce qui est le cas dans ce livre. Or ici, on parle aussi d'une vision de la religion qui est propre à tout un peuple, qui paraît à nous, occidentaux mauvaise, mais qui ne l'est pas forcément pour ceux qui l'a vive.


Cependant, voir un père tout donner à la religion allant jusqu'à blesser sa femme, voilà justement, la critique qu'émane du livre, c'est les différentes interprétations d'une religion menant à la destruction totale de communication entre deux cultures radicalement différentes. Deux cultures qui cohabitaient malgré les soucis pendant les trois premiers tomes. Hors ici, la mère n'en peut plus de cet extrémisme de la part de son mari, tandis que le père trouve dans le monde occidental une société de consommation dérisoire et surtout hypocrite.


C'est ça aussi que transmet Riad Sattouf lorsqu'il raconte ses déboires dans un système éducatif français. Si on pouvait voir les difficultés qu'il rencontrait à l'école en Syrie, à savoir des jeunes violents l'insultant de juif, en France, la souffrance est autre, plus psychologique. Car en France, tout le monde joue au jeu du plus fort et du plus beau. Les garçons jugés beaux et forts passent leur temps à embrasser des filles, tandis que les moins beaux se font martyriser psychologiquement à coup de moqueries voir d'insultes.


Ainsi, en critiquant les deux cultures que l'auteur a vécu dans sa jeunesse, il prouve les limites du monde arabe, mais aussi du monde occidental, ainsi que la détérioration des relations entre les deux. Le tout ponctué par un final des plus inattendus, déchirant, terrifiant même car tout cela s'est réellement passé dans la vie de Riad Sattouf. Avec un final pareil, je n'ai envie que d'une chose, que le prochain tome apparaisse !


Car bon sang, avoir un livre aussi beau dans sa démarche, avec une histoire aussi poétique que la jeunesse d'un garçon, tout en offrant un regard sur le choc des cultures à la fois nuancé et juvénile, bordel, on en trouve peu ! Pour toute la subtilité de son écriture, il faut lire l'Arabe du Futur ! Il faut tout lire, c'est drôle, intelligent, divertissant, émouvant, à ranger parmi les grandes œuvres de la BD francophone. En bref, un chef d’œuvre !

James-Betaman
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le 4 oct. 2018

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D'autres avis sur Une jeunesse au Moyen-Orient (1987-1992) – L’Arabe du futur, tome 4

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