Haschich, champagne et rapides.... retour à l'époque 1974

Montréal Novembre 1974
“Genesis sort un double album la semaine prochaine”. Le jour bénit nous nous rendons à L'Alternatif, Le Disquaire à l'époque à Montréal, achetons et retournons comme des gamins à la maison. Tout cela en étant encore sous le choc de la tournée de SEBTP vu 2 fois à Montréal en avril de la même année avec Hammill en première partie...difficile de faire mieux comme show !

Dans le métro déjà déstabilisés par la pochette mais aussi envoutés par elle je lis... Ouf ! pas facile comme d'habitude. Arrivé à la maison c'est “Back to Hasch” et je mets le disque.

Qu'est-ce que c'est que ce premier morceau ? une horreur Américaine sans nom ! oui Genesis a découvert les États-Unis l'année précédente (ou à peu près) et mon Dieu ils y succombent ! Où sont nos Anglais qui jouaient au croquet en attendant que le souper sois prêt ? mais où est passé la boîte à musique et son vieux en manque de sexe ? Oui vraiment : Can you tell me where my country lies ?

L'album défile, nous errons dans les rues de New-York, parmi la poisse, les rats et les chambres froides de la ville n'ont aucune sortie d'urgence. Nous restons pétrifiés. Ce n'est pas possible, c'est un désastre ! Ce rock primaire ! Nous les snobs du rock-progressif qui n'écoutons que la crème de la crème , où Yes et Supertramp ne sont que des putes prêtes à tout pour le fric , voici que Genesis ,monstre sacré, succombe lui aussi à l'appât de la facilité! C'est pas possible! Non c'est un cauchemar !

On est intransigeant quand on a 17 ans !

Il y a bien quelques titres qui se démarquent dans cet océan de ”slime oozing out from my turntable” (pour paraphraser Zappa): In the Cage est le premier, puis bien mélangé ici et là: Anyway, Carpet Crawlers, The Lamia et c'est tout.... Complètement dépité, le double reste boudé pendant des semaines. À peine quelques écoutes, quelques essais d'ouverture d'esprit mais non c'est pas possible cet album est raté !

Tout cela nous a jeté dans des rapides auxquels nous n'étions pas prêts.

Toujours est-il que j'achète des billets pour le show de décembre à Montréal au Forum. Un pour moi et deux pour mes amis qui m'ont fait découvrir Genesis.

Avant le concert une dernière écoute...ça passe définitivement pas...

15 décembre 1974/ Montréal

Quel horreur : Le Forum ! après le très bon Centre Sportif de l'Université de Montréal d'avril, nous voici donc dans ce temple mythique du hockey , assez nul pour la musique. Une chance nous sommes sur la glace, en plein centre, 8ème rangée. Une bouteille de champagne , un “dime” de hasch et des coupes.

Le sentiment qu'il me reste de ce concert c'est une immense déception, un ou deux éblouissements: la cage qui tourne, le tunnel duquel Gabriel émerge, le costume au pénis géant et l'attente de l'ancien Genesis. Ni le haschich, ni le champagne aideront... Même le rappel avec The Musical Box sera une déception après cette attente de l'ancien Genesis , trop longue, trop peu , trop tard...et puis c'est du déjà vu...

Quand les lumières se rallumèrent mes amis et moi n'étions que déception, Genesis était fini. Genesis nous avait emporté dans ses rapides sur un frêle esquif, sans bouée de sauvetage et nous avions réussi à sauter hors de l'embarcation et à nous enfuir dépité !

19 juillet 2020
Il me fallut bien des années pour aimer The Lamb, pour me départir de l'ancien Genesis, pour perdre mon snobisme de jeune amateur de prog de 17 ans.... Van Der Graaf Generator renaîtrait de ses cendres dans un an et accaparerait TOUT mon univers musical pour les 3 prochaines années et Hammill pour les 25 prochaines...sans oublier Kevin Ayers, Robert Wyatt, Renaissance, Strawbs, Neil Young etc.

Aux oubliettes donc Genesis et ce si décevant double....

Et un jour, le miracle opéra, je plongeai dans les rapides et je réalisai à quel point ce double album était le meilleur du rock-prog....le haschich et le champagne étaient toujours là mais trop tard pour jouir du concert...

Its only rock and roll but i like it.....