Que dire ? Par où débuter ?


Nietzsche dans le "Gai Savoir" explique en substance que l'art exige parfois d'accoutumer ses sens à la nouveauté, à une étrangeté qui peut passer pour exentricité voir pour absurdité. Face à un album concept et au rock progressif qui s'affranchit de la pesanteur des codes tradtionnels, face à la créativité débordante, désarçonnante des seigneurs du pro. rock/ art rock, nous devons habituer notre oreille à quelque chose qui au départ peut paraître dissonant, inhabituel. Cela peut faire surgir ensuite une véritable passion envers ce dont on pouvait initialement se passer...


Dans cette perspective, je déconseille à un néophyte de commencer directement avec cet album et j'invite à l'écouter en 2 fois (CD1 puis CD2). De toute façon, pour savourer à sa juste valeur la subtantifique moelle, le nectar d'un chef d'oeuvre, cela exige de s'immerger complètement dans l'univers du groupe en écoutant chronologiquement ses pépites. Les 2 premiers sons sont pour moi les moins prenants pour installer le décor et n'ont pas acrroché mes oreilles. Un temps d'adaptation nécessaire justement ?


Genesis est reconnu pour sa



musique au structures complexes mais très mélodiques, entre folkvmusique, classique et claviers omniprésents**, mais aussi pour ses paroles, qui racontent diverses histoires saugrenues : pour n'en citer qu'une The Musical Box l'infirmière jouant au criquet avec des têtes. Autrement dit, des histoires cruelles, mais au final dans une atmosphère plutôt sympathique, non sans un soupçon d'ironie.



(Poule Mouillée sur senscritique) Cet album est la consécration ultime après le chef d'oeuvre "Selling England by the Pound" de leur univers musical.


L'ensemble de l'œuvre raconte l'histoire de Rael, jeune New Yorkais d'origine portoricaine et de son voyage dans des mondes fantastiques imaginés par le chanteur Peter Gabriel.


Prenez donc une chanson au hasard (claustrophobes... s'abstenir !)
"In the Cage" : Rael vient juste de se réveiller dans une sorte de grotte avec une envie de déglutir ("I got a Shunshine in my stomach"). Complètement déboussolé, les stalactites et les stalagmites de la grotte se resserrent autour de lui formant une prison impossible à fuir. En dehors de la cage de pierre, il aperçoit son frère John. Il l'appelle au secours... en vain. La cage se resserre toujours plus jusqu'à ce que l'oppression de la cage ne lui permette plus de respirer, celle-ci disparaît.


Horrible ? Absurde ? Oppressant ? Mais extraordinairement beau... Des répétitions au clavier oppressantes, lancinantes, une voix qui exprime la solitude puis.... Des fulgurances immémorables, jouissives qui vous font décoller au synthé' dans un monde cauchemardesque et pourtant si attirant... Le retour sur terre de la gravité avec quelques sons inquiétants.... La répétion au clavier initiale qui revient en accéléré pour refléter l'enfermement progressif de la cage mais avec une addictive envie de revivre le moment.


Un morceau avant, "Cuckoo Coon" nous accueille dans un cocon avec ses flûtes, son clavier, cet espoir de trouver la sortie, le sens de la vie, toujours avec un fond légèrement inquiétant.. Ce mot "Cuckoo Coon" prononcé comme dans une cour de récréation avec une voix mi-étouffée, mi-lointaine... Il résonne en moi encore une semaine après. Cette oeuvre musicale m'habite étrangement.


2 morceaux + tard, retrouvons "Hairless Heart", un morceau instrumental planant qui me tire les larmes, dont les frissons me parcourent l'échine, me secouent d'émotion pour évoquer l'errance de Rael dans ce monde étrange et lointain de New York.


Dès le morceau suivant, une vitalité musicale retrouvée, un amusement du conteur pour nous livrer la première expérience charnelle vécue et ratée pour notre héros maladroit.... Des sons distordus enfantins à 2"30, le mot ZIP répété comme si nous étions dans une cour de récréation.


"The Carpet Crawlers" : "We've got to get in to get out"... Un son d'une profondeur abyssale par son jeu de voix sur cette phrase. Rien à ajouter.


On continue ce voyage absurde, fantastique à travers quelques titres mais pas si dénué de sens du moins muscialement parlant !


"Anyway" : on se pose des questions sur la vie et la mort sur un air de piano exceptionnel...
"Here Comes The Surnatural Anaesthesist" : à mi-chemin entre de du rock et de l'électronique d'ambiance, planant... Voyage intergalactique assuré. Directement dans l'espace pour rejoidnre Thoams PESQUET en s'épargnant le temps de trajet en fusée..


Ensuite, je fais face à un manque de vocabulaire pour exprimer mon ressenti. Chaque son qui défile jusqu'à la fin vous emmène dans un imaginaire inscoupçonnable avec des fulgurances de synthé notamment addictives.


Dans un style radicalement différent, Genesis me rappelle parfois le côté fête forraine, amusement délirant de King Crimson. C'est une véritable kermesse mi-folkorique mi-symphonique, un carnaval de sons mélodieux mais également désarçonnants parfois !


C'est un peu le cas de "Riding The Scree" sur certains passages dont les solos de synthé resteront gravés dans votre mémoire auditive comme un fossile dans du sédiment.


L'ensemble est presque teinté d'ironie, de dérision avec ces jeux de voix (graves, distordus, lointaines), ces petits cloches, ces sons fulgurants et distordus, les jeux de répétition.


Cet album... C'est une véritable parade musciale, une fête foraine, une boîte musicale qui alterne questionnements inquiétants (au sens pascalien et latin : ce qui vous sort de la quietis - le repos) vains, doux espoirs et égaiements enfantins voire absurdes tout ça avec un condensé de fulgurances aigües inoubiable au clavier !


Conditions d'écoute : qualité FLAC via Deezer, casque fermé "ELEGIA" de la marque FOCALE avec un DAC Dragon Fly.

Sapir-Whorf
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le 2 mai 2021

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Sapir-Whorf

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