Purple
7.3
Purple

Album de Stone Temple Pilots (1994)

A la recherche d’une légitimité

Ne m’emmerdez pas avec vos arguments comme quoi Stone Temple Pilots ne pouvait pas être affilié au post-grunge. Avec leur second effort studio, Purple, on y est désormais en plein dedans. Dans ce hard rock alternatif dopé aux gros refrains afin de pouvoir être diffusé à la radio.


Du coup, leur évolution de précurseur à un statut de tête d’affiche d’un courant autant commercial que décrié est logique. Ils ont cartonné avec Core après le triomphe de Pearl Jam en rendant le grunge plus accessible pour la ménagère. Deux ans après, ils font de même à l’instant où Live et Candlebox vendent des disques par palettes. Un opportunisme qui serait très gênant si Purple n’était pas bon. Ce qui n’est pas le cas, parce qu’il est sacrément bon ! Cependant, ce n’est pas pour des raisons similaires à celles de leur premier succès.


Core envoyait du gros son dès ses premières mesures tout en étant crâneur, car les chansons étaient des tubes en puissance. La spontanéité du groupe les embellissait alors qu’elles n’étaient que du grunge calqué sur les best-sellers du genre. D’accord, Scott Weiland avait une voix d’une puissance expressive peu commune. Mais il n’était finalement d’un frère vocal d’Eddie Vedder. Même chose pour ces riffs et cette rythmique pachydermiques qui faisait la particularité d’Alice in Chains.
Ce skeud était réjouissant par la grâce de ses compositions et de ses interprètes. Sauf qu’il était également compliqué de ne pas penser que tout cela sentait la copie en moins bien (à l’exception des meilleurs morceaux qui permettaient à toutes ces appréhensions de s’envoler).


Avec Purple, STP tente de se refaire une virginité. Sans renier ce grunge qui l’a porté au sommet (les grosses guitares, même lissées, restent présentes), on peut entendre leur envie de se démarquer. De nouvelles sonorités apparaissent (la superbe introduction de « Army Ants ») quand ce ne sont pas de récentes influences (les couplets country du magnifique « Big Empty » ou l’aspect psychédélique de « Lounge Fly »). Le quatuor veut donc s’éloigner de ce qu’il a fait connaître afin de gagner une légitimité auprès des personnes qui les conspuaient, c’est-à-dire les critiques. Quitte à faire aussi dans l’autodérision (cette piste cachée dont on se serait, néanmoins, passé). L’album est donc travaillé, inspiré et toujours efficace pour ne pas perdre les fans qu’ils ont gagnés avec le premier jet. En résulte une homogénéité qualitative très plaisante et renforçant cette idée que Purple pourrait être, effectivement, le chef d’œuvre des Californiens.


Seulement, ce n’est pas si simple. Car si ce disque gagne en maîtrise, il perd en aspérité et en puissance brute. Du coup, sans aller jusqu’à le qualifier d’arty (c’est du post-grunge après tout), c’est presque le genre de sortie qu’on écoute avec ses lunettes sur le nez alors que Core était d’un hédonisme décomplexé (il suffit de réécouter les "haaahoooo" de « Naked Sunday » pour s’en convaincre). D’ailleurs, si la formation souhaitait s’émanciper, tant que ça, de l’image d’un grunge FM, pourquoi ne pas avoir poussé encore plus loin cette idée d’un heavy rock intello ? Parce qu’au final, Purple reste radiophonique et ne ferait pas tâche à côté des morceaux les plus musclés des gros vendeurs de cette époque. En plus, l’excellent « Pretty Penny » annonce le futur virage glam et britpop qui leur a permis de rester dans le coup.


N’écoutez donc pas les oiseaux de mauvais augure qui désignent cette œuvre comme étant celle d’une véritable naissance artistique pour Stone Temple Pilots. Leur recette reste la même qu’avant. La différence étant le résultat : plus d’originalité pour moins d’hymnes rock galvanisants. A vous de voir ce que vous préférez chez eux, puisqu’il s’agit bien d’un match nul pour désigner leur magnum opus.
Toutefois, une chose reste certaine : Purple est un des rares bons albums du post-grunge et également un de ses sommets.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
7
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le 25 nov. 2017

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