Hey Stoopid
7.2
Hey Stoopid

Album de Alice Cooper (1991)

1991, tout va bien pour Alice Cooper ! C'est rare de pouvoir dire ça après l'errance, après le fond du panier, après la disette. Pourtant, avec les résultats encourageants des trois derniers albums, Alice a retrouvé la forme, la crédibilité et l'appétit, c'est donc en invité d'honneur qu'il vient se servir au grand buffet du rock et remplit son assiette de collaborations bien juteuses pour agrémenter le festin auquel il se livre sur cet album : un peu de Steve Vai, un peu de Joe Satriani, du Nikki Sixx, un peu de Slash et même un peu d'Ozzy Osbourne pour le dessert.

Enfin, écoutons plutôt ce que ça donne au lieu de considérer ce look plus ou moins réussi.
Ca commence par le morceau titre, "Hey Stoopid" en forme de cri de ralliement auquel il est difficile de résister. dés les premières paroles "hey bro, take it slow, you ain't livin' in a video" on sent un retour à l'humour acide qui fait plaisir à retrouver. La chanson met en garde contre les formes d'autodestructions, choses plutôt bien connues de notre ami, mais pas forcément sur un ton très réconfortant ni avec des arguments dans le sens du poil. Le morceau est musicalement musclé, propice au défoulement et au chant en choeur lors des concerts. Les choeurs comportent d'ailleurs l'ami Ozzy Osbourne tandis que Satriani et Slash se partagent les guitares. On a vu entrée en matière moins luxueuse.
"Love is a Loaded Gun" a tout du hit, très gunsn'rosien avec des guitares dégingandées et des paroles amères sur le thème d'un couple en pleine séparation. Excellente chanson, où les talents d'interprête de la Sale Sorcière font merveille, passant de la vulnérabilité à la violence comme si de rien n'était. Jusqu'ici, ce "Hey Stoopid" est déjà très généreux.
"Snakebite" est un peu plus classique, dans cette veine heavy-metal que le chanteur semble avoir adoptée depuis les années précédentes. Très ancrée dans son époque (et même dans la décennie précédente) mais avec des riffs particulièrement bien sentis, la chanson passe encore très bien. Comme sur tous ces derniers albums, les solos sont particulièrement soignés et satisfairont les amateurs du genre.
La ballade, power ballad même, "Burning our Bed" remplit le quota obligatoire désormais. Sans être mauvaise, la chanson ressemble un peu trop au "Only my Heart Talkin'" sur "Trash", on s'attend presque à entendre le refrain de celle ci à la place du nouveau. Ca reste honnête, surtout grâce aux interventions en aparté un peu désabusées que place le chanteur ça et là, comme le "oh it wouldn't be the first time" après la phrase "baby I might lose my head" : la guillotine est toujours un élément important des concerts du Coop.
"Dangerous Tonight" et son thème de psychopathe habituel est un morceau particulièrement puissant, tendu et nerveux. Il commence sur quelques notes d'orgues qui rappellent curieusement le "Hard Hearted Alice" sur "Muscle of Love" d'heureuse mémoire". On y retrouve ce genre de personnage cher à Alice Cooper, un vampire qui plus est, menaçant mais non dénué d'humour. Bon, c'est loin d'être mon morceau préféré mais il effectue une transition qui contraste avec la seconde power-ballad reglementaire.
Qui est : "Might be as Well on Mars". Bien plus convaincante que "Burning Our Bed", tout à fait dans l'esprit de ce tout début des années 90 avec ses guitares et ses choeurs, la chanson nous décrit un triste personnage au bord du vide, littéralement, trop loin de la personne dont il est récemment séparé, hésitant à parcourir en sautant du toit la distance qui les éloigne. La reprise du refrain fait très cliché, mais ça fonctionne assez bien il faut le dire. Les choeurs et les cordes ne ménagent pas leurs efforts pour donner une ampleur décuplée à cette ballade douce amère. On n'est d'ailleurs pas très loin de la sombre intimité qui règnait sur l'étrange "DaDa" qui n'avait pas soulevé autant d'enthousiasme.

"-Tu veux aller au backstage ?
-OUAAAAIIIS ! Ok si on y va maintenant on passe devant les autres !"
Combien d'entre nous auront découvert Alice Cooper en regardant ce vibrant hommage à cette époque révolue qu'est "Wayne's World" ? Je suis plus ou moins dans ce cas. En tout cas la première chanson que j'ai pu entendre du Coop est bel et bien ce "Feed My Frankenstein" que les deux personnages du film ne prennent même pas le temps d'entendre en entier finalement. Classique parmi les classiques du chanteur, la chanson réunit de nombreux éléments pour sa réussite : rythme musclé, guitares du trio Steve Vai, Joe Satriani, Stef Burns, basse de Nikki Sixx mais surtout paroles très drôles, bourrées d'allusions sexuelles évidentes (mais aussi référence à Méret Oppenheim au passage) et interprétation survoltée (c'est le cas de le dire hein) d'Alice Cooper. Un hymne façon glam-metal très inspiré. C'est à ne pas manquer, et un élément immédiatement incontournable lors des concerts.
"Hurricane Years" poursuit sur cette lancée, très enervé sans rivaliser avec la précédente et pas forcément mémorable, on ne peut pas réussir à tous les coups. "Little by Little" est elle aussi assez kitsch, très proche de certains morceaux de "Constrictor" ou "Raise Your Fist and Yell" (la basse fait presque penser à "The Man Behind the Mask". Le refrain et ses "wohoho oh oh" est entêtant, mais plutôt dans le genre un peu pénible.
Et là "paf" troisième power-ballad ! "Die for You" respecte les codes du genre à la lettre dans la forme comme dans ses paroles accumulant les clichés. Ce n'est pas désagréable mais on ne s'en souviendra pas très longtemps.
On revient à une énergie très rock, très Mötley Crüe aussi, pourtant pas de Nikki Sixx sur cette composition, avec "Dirty Dreams". On retrouve encore les allusions avec cette fois des rêves très très humides, c'est très amusant et très bien vendu avec ce riff implacable.
Le thème des rêves revient avec bonheur dans l'univers d'Alice Cooper et c'est avec un frisson de plaisir qu'on entend débuter le morceau final "Wind Up Toy" avec son intro de boîte à musique déglinguée. C'est sans conteste, et à mon humble avis, le morceau le plus réussi de tout cet album. Tout y est parfaitement en place. D'abord les guitares acérées sur une rythmique tout à fait dans le ton de l'époque mais pas pour autant dépassées, ensuite la voix du chanteur qui se fait par moments fluette et vulnérable (et même doublée par celle d'une Calico Cooper, fille-de, âgée alors de 10 ans) exactement comme il savait le faire au temps béni de "Welcome to my Nightmare". Enfin, le thème, celui d'une enfance difficile et des troubles de la personnalité fera dresser les poils de toute personne qui a suivi de près la carrière du chanteur. La mélodie est imparable, le refrain terriblement entraînant, surtout lors de la dernière reprise où tout est fait pour inciter à suivre en choeur. Vraiment, une petite merveille qu'on n'avait pas vu venir. Et puis, cerise sur la cerise de la cerise : la toute toute fin, avec ces voix d'adulte et d'enfant qui se fondent puis, après un silence, cet enfant qui appelle "Steeeeven !" Tous ceux qui ont suivi les aventures de cet avatar du Coop au long de "Welcome to my Nightmare", "Goes to Hell" et un peu "DaDa" réprimeront difficilement leur jubilation et se laisseront aller à imaginer la possibilité d'une suite de toute beauté.

Porté par des titres forts, l'album est une vraie réussite. Il n'est pas le plus tarabiscoté de sa discographie, mais il est d'une efficacité sans faille, ce qui fait de lui une excellente introduction à l'oeuvre d'un chanteur à la carrière si variée. C'est pourquoi je le recommande chaleureusement à ceux qui souhaiteraient se pencher sur le cas Alice Cooper pour la première fois. L'album n'est donc pas très exigeant pour l'auditeur, il a pour lui d'être facilement assimilé et particulièrement digeste même si les amateurs de compositions excentriques et de concepts inventifs comme il a pu en proposer auparavant devront lorgner vers les albums des années 70. A travers "Hey Stoopid" et de triomphales tournées, Alice Cooper a fait plus que redorer son blason, il s'est définitivement acquis un statut de premier plan, de légende même. De nouveaux venus iront par ailleurs piocher quelques pépites dans les albums les plus anciens, de "School's Out" à "Welcome to my Nightmare" pour redécouvrir l'artiste. La suite sera plus mitigée, car, sans perdre de son aura ni de sa sympathie désarmante, Alice Cooper ne renouera plus que modestement avec le succès commercial, devant se contenter de labels moins prestigieux. L'arrivée du grunge y sera pour quelque chose, déboulonnant les idoles du passé. Mais heureusement, notre Sale Sorcière pourra compter sur ses fans pour faire briller son étoile encore très haut, sinon dans les ventes, au moins dans les coeurs.

I Reverend

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9

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