Mogwai n’était-il finalement qu’un groupe comme les autres ? Le jugement peut paraitre sévère, mais c’est bien la première pensée qui nous assaille à la fin de notre écoute de ces chansons joyeuses pour gens heureux. Ils auront beau se cacher derrière leur ironie, cela ne change rien à leur musique qui est devenue drôlement stéréotypée depuis quelques temps.


Si Rock Action était le début d’une aseptisation de leur son, ce disque en est l’affirmation. A force de flirter avec l’ambient et d’étaler leur mélancolie lunaire lourdement inspirée de Galaxie 500, ils ont fini par perdre toutes idées de rugosité pour épouser un spleen aérien, joli mais aussi factice. Compositeurs honnêtes à leurs débuts, ils étaient transcendés par une fureur et un mur de son qui aura transformé leur première œuvre en une BO dépressive et urbaine de notre époque. A l’image d’OK Computer ou des meilleurs sorties du post-punk, même leurs moments les plus dépouillés et tristes atteignaient leur cible. Certainement parce qu’une envie, une âme ou n’importe quel détail mystérieux les habitaient. Ce petit plus faisant la différence entre les skeuds pas mauvais et les albums marquants.


Les années ont passés et elles confirment, hélas, à quel point Mogwai n’a pas su réellement rebondir après un tel coup de maitre. Préférant devenir des techniciens sonores plutôt que des compositeurs émérites, ils s’enfoncent un peu plus dans une musique d’ambiance guère transcendante que le public leur réclame, pourtant, à tort et à travers.


C’est frustrant, car Happy Songs for Happy People possède des qualités. Rien que « Hunted by a Freak » déjà. Un de leurs rares titres qu’on peut légitimement considéré comme un énorme hit. Puissant, majestueux, immédiat et accompagné d’un vocoder superbement utilisé car tout à fait dans le propos. « I Know You Are But What Am I? » réussit également à dégager une certaine émotion avec seulement quelques notes de piano. « Stop Coming to My House » renoue avec la puissance sonore faisant de ce groupe une formidable machine de scène et, sans être essentielle, « Moses? I Amn't » pourrait être l’idée que cette bande se fait de la musique de chambre.


Ces quelques bons moments sont-il suffisants pour pousser à l’indulgence ? Pas vraiment. Les natifs de Glasgow s’enlisent dans des morceaux dont l’écriture est clairement insuffisante pour accrocher. Les sonorités ont beau être plus variées qu’à leur débuts (et plus électroniques, dont ce vocoder qui intervient de nouveau sur « Killing All the Flies »), elles ne sont pas non plus suffisamment oniriques pour faire rêver. Même les avalanches de décibels (leur point fort, pour rappel) sont téléphonées dans un tel contexte (« Ratts of the Capital » tombe un peu à plat). Et ce n’est pas les quelques expérimentations dissonantes (« Boring Machines Disturbs Sleep ») qui relèvent le niveau.


La formation cherche tellement à explorer différentes voies tout en restant fermement attachée au son éthéré et minimaliste du post-rock, qu’elle ne parvient qu’à créer une musique tiède au final. Le rapprochement stylistique avec les Islandais de Sigur Rós n’a d’ailleurs jamais été aussi proche. Ce qui explique, en partie, pourquoi tout cela ne s’apparente qu’à une vulgaire soupe atmosphérique.


Étrangement, penser une telle chose semble être à contre-courant, puisque ce 5ème travail studio de Mogwai est perçu par leurs fans comme une de leurs sorties les plus importantes. La vérité, et elle est sûrement très dure à admettre pour leurs admirateurs, c’est qu’il s’agit d’un des disques les plus surestimés du post-rock (courant qui n’en manque pas d’ailleurs) et l'un des plus faibles de la troupe Écossaise. Consolidant cette désagréable sensation que leur musique devient de plus en plus amorphe et dont le talent d’écriture se révèle particulièrement limité.


Si certains albums renfermés sur eux-mêmes, au point d’être autistes, gagnent en force et en charme avec le temps, Happy Songs for Happy People ne fait malheureusement pas partie de cette précieuse caste. Des violons lacrymaux et des mélodies naïves n’étant clairement pas suffisants pour rendre des compositions intéressantes. Mogwai se doit de réagir pour éviter de se noyer dans une mélasse sentimentale dont la mièvrerie n’est pas excusable.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 24 févr. 2016

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