A Glasgow, les cinq musiciens de Mogwai font office d'étranges et incontournables petits princes : des monarques occultes de la cité. Normal, après tout, pour ce groupe qui, en une poignée d'albums quasi instrumentaux et autant de tournées mondiales, s'est imposé comme l'un des seuls rescapés du post-rock et a imposé sa ville comme un épicentre crucial du rock abrasif des années 2000. Rien, pourtant, ne semblait prédestiner Mogwai à ce rôle d'éminence écossaise, réussissant le tour de force de vendre près de 150 000 exemplaires de son précédent album, Rock Action : un exploit, dans une industrie musicale mondialisée et formatée à l'extrême. Le nouvel album de Mogwai, Happy Songs for Happy People, ne devrait pas changer le cours de l'histoire. Sauf pour quelques illuminés qui voient dans ce groupe la quintessence de ce que devrait être le rock : une sorte de mur du son décomplexé, une marmite bouillonnante où l'on plonge à loisir les ingrédients les plus poivrés, sans jamais chercher à les intellectualiser. Très organique, mais aussi plus lent et posé que par le passé, le nouvel album de Mogwai donne l'impression d'avoir été conçu par un groupe de noise-rock inspiré par les constructions horizontales de la musique électronique et les contrées abrasives du stoner et du doom, ces bâtards du metal élevés au Valium et à l'héroïne. Souvent décrié pour son apparente simplicité brute, Mogwai s'est raffiné avec l'âge, incorporant dans sa musique les influences les plus éparses. Le groupe est également plus apaisé et fait jouer des violons au milieu de ses guitares, s'inspirant ouvertement d'un classique contemporain du post-rock nocturne, l'album Mi Media Naranja de Labradford, un de leurs disques de chevet. Dans dix ou vingt ans, Mogwai sera sans doute encore là, raffinant toujours son rock cosmique, comme si rien d'autre n'importait, jouant sans se fatiguer des ballades apocalyptiques pour gens heureux, ainsi que le suggère le titre de leur nouvel album. (Inrocks)


Depuis les premiers arpèges de Young Team, la musique de Mogwai se nourrit d'une ambivalence singulière. D'un côté, elle puise son énergie au coeur d'une tourmente heavy rock oppressante dont seules les sonorités et les ambiances obscurcissent chacun des recoins de ce quatrième Lp. De l'autre, elle distille dans un éther suave ses mélodies fluides et langoureuses. Ce mélange improbable des stances de Durutti Column, Joy Division et Mercury Rev réécrites par les guitares de Neurosis n'aura jamais été aussi pertinent. Ni aussi abouti. Car là où les albums précédents (Rock Action et surtout Come On Die Young) semblaient fonctionner en circuit fermé jusqu'à paraître parfois lénifiants et souvent confus, Happy Songs For Happy People est un disque résolument ouvert. Ainsi, même lors de leurs envolées progressives, jamais Stuart Braithwaite et les siens ne ferment la porte au néophyte attiré par ces mélodies romantiques (Golden Porsche), des arrangements délicats (Killing All The Flies) ou des sonorités chaudes et profondes (l'impeccable production de Tony Doogan). Bien sûr, les habitués de la maison y trouveront aisément leur compte. Mieux, ils seront subjugués par certaines pièces maîtresses. À commencer par le prologue, Hunted By A Freak : une perle pop onirique et vaporeuse, véritable chaînon manquant entre Air et Fugazi. Toujours au chapitre des chansons, Boring Machines Disturbs Sleep est une ballade capiteuse qui tient fièrement tête au Goodnight Lovers de Depeche Mode. Ailleurs, sur Moses? I Amn't et I Know You Are, le groupe de Glasgow tisse un canevas sonore soyeux et enivrant. Autant de sommets qui font de Happy Songs For Happy People un disque riche et ô combien savoureux. Le meilleur de Mogwai à ce jour. (Magic)
L'album de la maturité. Cette expression de chroniqueur inspiré m'a toujours fait hurler de rire en même temps qu'elle éveillait en moi une appréhension (la plupart du temps justifiée) : les albums ainsi qualifiés ressemblaient le plus souvent à de pauvres ersatz bedonnants d'un premier album fougueux et magique. Et pourtant... Je vais me risquer à utiliser à mon tour cette phrase, force est de constater qu'elle convient parfaitement à "Happy songs for happy people", le nouveau Mogwai. Non que le groupe ait pris de la brioche (Stuart, faudra quand même penser à couper cette moustache, c'est pas très mature tout ça !) mais plutôt qu'il soit revenu du bruit et de la fureur des premiers essais (de maître) pour mieux imposer sa vision apocalyptique de notre société (les titres des chansons sont très explicites : "Kids will be skeletons", "Ratts of the capital", "I know you are but what am i") uniquement par leurs mélodies (éparpillées naguère parmi une rage dissonante). Mogwai continue sa progression dans la droite lignée de "Rock Action" en faisant cette fois-ci un disque de vraies chansons et non des interludes entrecoupées de chansons. "Happy songs for happy people" derrière ses teintes plus apaisées (la maturité ?) et électroniques révèle comme jamais la puissance musicale incroyable du groupe ainsi que des orientations surprenantes (le voyage spatial à la Sigur Rós sur "Boring machines disturbs sleep", le métal avec "Ratts of the capital" et "Kids will be skeletons" dont le riff est piqué à Cure). Et pourtant, le novice devra se tourner vers les premiers opus pour commencer sa mogwai-thérapie sous peine de trouver celui-ci un peu trop convenu au premier abord. Il n'en est pourtant rien, Mogwai par la vision large et marginale de son post-rock se place plus que jamais en tête de cette mouvance pourtant surpeuplée. (Popnews)
“Happy songs (f)or happy people » est l’un des disques les plus attendus cette année…et Mogwai fait donc son « fat come back » avec un album totalement achevé et des titres magnifiquement maîtrisés.« Rock Action », le précédent album des post rockers était l’embryon de la mutation du groupe. « Happy Songs for happy people » en est vraisemblablement l’accomplissement. Les titres sont moins longs, le son est plus habillé, la production plus présente, plus chaude, les voix toujours aussi peu en avant, le vocodeur a fait son apparition, le son est moins brut…Voilà pour l’examen clinique.. Mogwai se fait plus touchant, plus subtile, moins rentre dedans…Bien sur certains pourront lui reprocher d’être surfait, bien loin des « Xmas steps » et des premiers essais du groupe. Ils pourront enfoncer le clou, dire que la bande est pervertie par la société de consommation, que leur seul but est de toucher aujourd’hui le grand public et que la vente de « Summer » pour une publicité pour une marque de Jeans les dégoûtent…Ils pourront continuer en cherchant des failles à cet album. Facile de dire que les grands moments sont maintenant loins, facile de dire qu’ils ne savent plus exploser, que l’autosatisfaction a pris le dessus…En attendant certains seront convaincus que Mogwai a sorti ici un grand disque. Toute cette chronique n’est qu’un avis. Le débat sera sans fin, l’objectivité sera toujours un idéal. Point. (liability)
bisca
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le 5 avr. 2022

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