True Detective
8.2
True Detective

Série HBO (2014)

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Saison 1

Il est toujours intéressant de revoir des séries qui ont marqué leur époque et fait le buzz à leur sortie, ça permet souvent d'avoir un regard neuf et de voir si notre avis a changé ou pas, s'il a été influencé par la popularité de la série. Dans cette catégorie, la saison 1 de True Détective est une championne : je me rappelle encore des éloges qu'on lui avait faîte (et auxquelles j'avais participé). Mais alors pourquoi on avait trouvé ça si bien à l'époque?

On a déjà évoqué depuis longtemps le rapprochement entre le petit et le grand écran. Le premier a même réussi à se hisser au niveau du second aujourd'hui grâce à des productions solides, maîtrisés, dans le fond comme dans la forme, qui empruntait beaucoup au cinéma et ont fait passer les séries TV dans une autre dimension. True Detective a fait partie de ceux là. La série de Nick Pizzolatto emprunte tout d'abord les codes du cop show avec son duo de flic mal assorti. C'est un grand classique qui fonctionne toujours, le tandem que tout oppose : ici le sombre, mystérieux et misanthrope Rust Cohle fait équipe avec le plus terre à terre Martin Hart. Mais l'intrigue, elle, lorgne plutôt du côté des thriller US à la Seven avec son meurtre rituel et ses croyances païennes. Mais très vite, la série quitte les chemins balisés : plutôt que de parcourir les rues de New York ou de n'importe quelle autre grand centre urbain, c'est plutôt du côté des bayous sudistes de la Louisiane, chez les paumés, les rednecks, qu'on pose nos valises. Plutôt que de servir une enquête linéaire, la série fait des allers-retours dans le passé et le présent, à travers les témoignages des deux personnages principaux, laissant le spectateur découvrir progressivement l'enquête dont il est question et la relation entre les deux flics.

Et c'est d'ailleurs presque celle ci qui est mise en avant plutôt que l'enquête. Après la découverte du corps, l'enquête fait un peu du surplace et pendant au moins la moitié de la saison, c'est la vie personnelle de Cohle et Hart qui tient le haut de l'affiche, à tel point qu'on en oublie presque l'enquête... qui se réactive dans le dernier épisode quasiment. D'ailleurs, celle ci s'achève de façon assez anti-spectaculaire, restant ainsi cohérente avec le reste du show. True Detective n'est pas une série policière, c'est une série qui se repose avant tout sur des personnages et c'est ce qui a fait toute sa singularité. Une série d'acteurs aussi, avec un Woody Harrelson fidèle à lui même, c'est à dire toujours sur la corde raide, à la limite du surjeu, même dans les moments les plus sobres. Et puis surtout, un Matthew McConaughey étonnant dans ce rôle à contre emploi, qui incarne à merveille ce personnage misanthrope, presque mystique, avec un jeu d'acteur très minimaliste, qui contraste là encore avec celui de son camarade. Et on va pas se mentir, la série n'aurait pas le même goût sans celui ci.

C'est aussi assez marrant de se souvenir des théories à propos du Yellow King alors que finalement rien (ou presque) ne vient accréditer la théorie fantastique.

Bref, cette saison 1 mérite tout le bien qu'on en a dit à l'époque et reste un grand moment de télé


Saison 2

Difficile de passer après une première saison qui a été un succès critique et public. Difficile de se confronter aux attentes des gens, qui vont faire la comparaison, qui vont attendre quelque chose de plus ou moins similaire. Et au début, on fait un peu la gueule. Il faut dire qu'entre Colin Farrell et sa moustache dégueu, Taylor Kitsch qui a toujours autant de charisme qu'un meuble Conforama, Vince Vaughn qui tira la gueule tout le long et une Rachel McAdams méconnaissable, ce n'est pas l'entrée en matière la plus flamboyante. Ajoutez à ça une intrigue pas forcément hyper excitante, éclatée entre trois storylines et vous obtenez une entrée en matière un peu décevante.

Mais en plein milieu de ce premier épisode, la série nous rappelle qu'elle garde quelques arguments convainquants en réserve : une virée nocturne sur les routes dans les hauteurs de L.A et un mystérieux personnage à l'arrière d'une voiture créent un feeling très Lost Highway et la découverte d'un corps horriblement mutilé permet à la saison d'entrer dans le vif du sujet.

Si la saison précédente lorgnait plutôt du côté du thriller US, celle ci va plutôt chercher du côté du polar pur. Flics corrompus, mafieux et gangsters modernes, bar miteux et putes d'Europe de l'Est...

On y parle beaucoup de masculinité et de virilité. This is a (half) man's world. Les personnages ne sont plus que la moitié de ce qu'ils furent dans le passé, ils essaient de se convaincre qu'ils ne sont pas devenus l'ombre d'eux mêmes : Velcoro a vendu son âme au diable après le viol de sa femme, sombrant dans l'alcool, la drogue et les basses œuvres pour Frank Semyon, un mafieux qui perd tout, pas seulement son argent mais tout ce qu'il avait bati pour s'extirper de son statut de petit gangster. Paul Woodrugh est un officier de la police de la route qui n'assume pas son homosexualité. Et même Bezzerides se comporte plus comme un homme. On y parle beaucoup du rapport au père et de la paternité. On y retrouve l'aspect anti spectaculaire de la saison précédente mais celle ci va même plus loin : là où la première saison avait quand même la figure magnétique de Rust Cohle, ici on est vraiment dans une volonté d'anti glamour. Il n'y a pas de héros et peu d'espoir, les personnages les plus vertueux ne survivront pas (la mort de Woodrugh est cruelle : il avait réussi à s'en sortir seul contre tous et il tombe au dernier moment, alors qu'il s'échappe, poignardé dans le dos). Tous les personnages ou presque sont corrompus d'une manière ou d'une autre, des politiciens aux forces de l'ordre. La série quitte les marécages de la Louisiane mais reste dans le sud, elle choisi un environnement un peu plu urbain, L.A, la cité des anges, sauf qu'ils ont du plomb dans l'aile les chérubins, ils en ont gros sur la patate et ils rêvent de vengeance. On retrouve une gallerie de personnages haut en couleur. Des personnages qui sont toujours au centre de la série même si cette fois l'enquête tient une place beaucoup plus importante du début à la fin. Une enquête plus retors que la précédente, qui ne livre ses réponses que très tard. C'est aussi une saison avec des personnages plus complexes, je trouve, plus nuancés et qui vont évoluer tout au long des 8 épisodes, là où le duo Cohle/Hart restait bien installé dans leur rôle. Une saison à Los Angeles mais pas le côté brillant de la ville, non, la série préfère ses chemins de traverses, son désert, ses quartiers pauvres où s'entassent les immigrés mexicains, ses friches industrielles... la L.A désenchantée. Et puis il y a toujours l'écriture de Nick Pizzolatto et une grosse scène de gunfight en plein milieu, qui n'a rien à envier à celle de son aînée.

Pas étonnant non plus que le public ait préféré la saison précédente : vous en connaissez beaucoup des fins avec un tel goût de cendres. Et bien noires les cendres. Pizzolatto charge d'ailleurs un peu trop la barque. Pas de happy end cette fois ci, pas de héros et être du bon côté de la barrière ne paie pas. This is a fucked up world et les pourris s'en sortent toujours.

Et puis une série qui s'ouvre sur du Léonard Cohen dans le générique ne peut décemment pas être mauvaise.

Alors moins bonne que la précédente celle ci? Sûrement pas. Moins immédiate.

Moins immédiatement séduisante. Moins grand public. Mais sûrement pas moins bonne. Au moins aussi réussie que la première saison. Si ce n'est plus. Plus riche en tout cas.

DocteurBenway
8
Écrit par

Créée

le 31 mars 2024

Modifiée

le 20 avr. 2024

Critique lue 23 fois

DocteurBenway

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