Les mini-séries sont irréprochables dans une approche concrète et directe. Pourtant, la plupart sont dotées d’une richesse implacable, notamment lorsqu’il s’agit de biopics et de faits historiques. Evidemment, nous pourrions penser à la dernière surprise d’Adam McKay (Vice) qui exploite un filon politique dans la forme d’une comédie intelligente. Mais pour Tom McCarthy (Spotlight) et Alex Metcalf, il s’agit surtout d’agiter davantage une ruche, pleine de souffrances silencieuses et d’une dénonciation indirecte des jeux d’influences dans le milieu professionnel. Le cas Roger Ailes semble tout à fait correspondre à ces situations, qui résonnent encore derrière les murs de Fox News et tant d’autres infrastructures. Une nouvelle frontière s’est lentement dessinée entre le genre masculin et féminin, par la suprématie d’un parti que nul ne peut moralement soutenir.


Dans la peau du fameux prédateur, Russell Crowe enfile parfaitement la couche de latex pour insuffler à cette masse du charisme et il y parvient. Pas de faille dans son jeu, nous découvrons ainsi un personnage odieux, qui ne jure que par sa sainte vérité et croyance de l’information. Son ascension à Fox News en témoigne, car un jeu malicieux se construit sur les manipulations et la place qu’il occupe sur l’écran et dans une structure instable. Il a de l’ambition, certes radicale, mais sa démarche est décortiquée bout à bout afin que l’on comprenne l’étendue de son influence et de son contrôle sur la chaîne télévisée la plus écoutée depuis des années. Et c’est justement sur des moments clé que l’on distingue la gestion de l’information par un Ailes très rancunier et investi dans ses croyances politiques. Il n’est pas nouveau de constater les informations manipulées par les médias, mais ce qu’à apporter Ailes lors de la grande crise du 11 septembre 2001 est un témoignage fort de son passage sur le plateau. Il n’y a que des intermédiaires dans son entourage, car c’est bien cet homme qui est à l’initiative des mots, du décor et du succès de l’entreprise. Mais à force de vouloir manger plus qu’il ne devrait, il s’est lui-même enchaîné à son bunker psychologique et il en oublie le pouvoir de la parole.


Filmé comme un ogre, avec ce qu’il faut de subtilité afin de mieux désacraliser la mauvaise image qu’il dégage. Les épisodes nous ramènent souvent au renfort médiatique dans les campagnes électorales, d’Obama à Trump. D’un certain point de vue, Ailes est un visionnaire qui s’est créé l’opportunité de diriger le monde qui l’entoure et ce monde interagit et finit malgré tout par revenir à lui, comme le soulignent les accusations à son égard. Le cycle se referme ainsi sur sa carrière hallucinante et pourtant provocatrice vis-à-vis de collègues qui ne savent plus s’il faut continuer à rester fidèle ou professionnel. L’affaire de famille prend ainsi une tournure dramatique qui s'attarde davantage sur sa détresse que sur sa réelle chute sur le plan médiatique. Le tribunal populaire est écarté pour nous garder dans ces enceintes, remplies de yeux et d’oreilles qui jugent et qui condamnent à tort.


Ce qui est tout de même regrettable, c’est bien entendu la gestion des personnages secondaires, une fois la riposte de Gretchen Carlson (Naomi Watts) engagée. Il n’y a que Roger qui compte et c’est sans doute une phase qui aurait dû l’enterrer symboliquement. Au lieu de cela, on se contente d’une illustration passive aux côtés de son épouse, première dame à s’être enrôlée dans une guerre qui n’était évidemment pas la sienne. Nous sommes constamment et profondément touché par les attouchements de l’ex-président de Fox News, lui qui s’est bâti un empire à partir de son élocution écrasante. “The Loudest Voice” décrit parfaitement la puissance de son sujet, notamment grâce à un véritable travail sur le hors champ et les ellipses. On ne laisse pas de doute en insérant des images d’archives qui prennent souvent le relai pour poser un contexte ou pour les raccorder aux actions d’un Roger Ailes impitoyable. Sujet inévitable et d’actualité, mais recommandable pour sa position en faveur des victimes d’un homme qui rafle tout, même les miettes. Ce chaînon n’est pourtant qu’une partie de la vérité, car en regardant au-delà de cette série stérilisée entre un Spotlight et un Vice, nous débouchons sur le prochain gros chapitre, à peine deux ans après les accusations de Carlson, que sera Harvey Weinstein, producteur Hollywoodien...

Cinememories
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le 28 janv. 2020

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