Seinfeld
7.4
Seinfeld

Série NBC (1989)

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His whole life revolves around Superman and cereal

Fin des années 80 à New-York, Jerry Seinfeld et Larry David, deux comiques de stand-up déambulent dans les allées d'une épicerie. Après une énième plaisanterie sur la composition d'un produit, Larry David, ancien auteur de sketchs pour le Saturday Night Live, s'écrie "ça pourrait faire un show marrant, juste des "small talks" comme ça". Il ne le sait pas encore, mais cette virée en supérette alimentée de conversations anodines et de private jokes est sur le point de faire naître la plus grande série comique de l'Histoire de la télévision (oui, je le dis sans trembler des genoux).


Le duo va saisir parfaitement sa chance en proposant à NBC une série à l'écriture archi travaillée, aux personnages irrésistibles le tout porté par une audace sans pareille.


"That's gold Jerry ! Gold !"


Le pilote "Seinfeld chronicles" est diffusée pour la première fois durant l'été 89. Sa forme est très classique et rien ne laisse penser qu'une révolution s'opère. Rires enregistrés, décors à peine plus réalistes que ceux de "Dingue de toi", générique avec une ligne de basse déjà ringarde à l'époque. Les deux premières saisons bénéficient d'une discrète diffusion derrière les grands succès de la chaîne (Cheers).


Les thématiques prisées du binôme David-Seinfeld sont alors inexploitées par la concurrence, car incongrues et insignifiantes : Les règles tacites sociales, les astuces du quotidien, les mesquineries microscopiques, les offenses disproportionnées, l'éternel stratagème de la séduction, la vacuité de la vie de célibataire, les conventions absurdes du monde du travail...


Dis comme cela, c'est peu original, mais dans les faits ça se traduit par un épisode entier à attendre qu'une table de restaurant chinois se libère, à confronter un collègue qui joue les malentendants pour éviter de bosser, à acheter une pommeau de douche surpuissant pour ne plus avoir les cheveux plat en sortant de la douche... Ces problématiques au ras des pâquerettes forment l'univers de la série. Et la source semble inépuisable. On a fini par baptiser "instants Seinfeld" les situations générées dans ces moments là. Des moments qui sortent de l'ordinaire d'une manière inattendue où malchance et mauvaises intentions sont mêlées.


Une mine d'or que des générations d'auteurs de sitcom paresseux ou sans le talent suffisant ont dédaigné. Il était plus facile alors de développer des intrigues conventionnelles axées autour des valeurs familiales et des grands thèmes de société. Le plus souvent à grand coup de morale et d'étreintes théâtrales.


"It's not a lie... if you believe it"


Rien de tout cela dans le Lower East side. Les vilenies sont rarement punies, en fin d'épisode on apprend pas de son erreur, tout au plus apprend-t-on à ne pas se faire poisser la prochaine fois. Une école de la petite incivilité avec des profs monumentaux:



  • Jerry un vaniteux, suffisant, puéril et misanthrope.

  • Kramer, un voisin fou et parfois dangereux, hédoniste sans complexe qui tourne en rond dans l'immeuble et met tout le monde dans l'embarras par distraction.

  • Elaine, une freak contrôle intolérante, midinette dans l'âme tiraillée par son désir d'affirmer son indépendance et sa recherche de l'homme idéal.

  • Georges Costanza alter ego de Larry David une sublime incarnation des névroses de l'homme moderne occidental : frustré sexuellement, insatisfait professionnellement, paranoïaque, radin, tire au flan, superficiel, lâche, susceptible, égoïste et menteur. La barque est trop chargée ? Avec un acteur de la trempe de Jason Alexander non, il est le plus grand personnage de l'histoire des sitcoms.


Et malgré tout ça, le quatuor réussit l'exploit d'être sympathique et passionnant, un tour de force alors qu'on ne compte plus les séries qui mettent en scène des parangons d'honneur et de vertus, auxquels il est difficile de s'identifier. Larry David et Jerry Seinfeld sont parvenus à créer un lien direct intime avec le spectateur, en rendant original à la télévision des événements d'apparences dénués de reliefs, des travers indicibles et dérisoires avouables seulement à un ami proche.


"Master of my domain"


Pour réaliser cet exploit, ils ne se sont pas contentés de soigner le fond, ils ont crée un miracle sur la forme. Contourner la censure en faisant un épisode sur la masturbation sans jamais prononcer le mot, pondre un épisode à rebours (bien avant Memento de Nolan), traiter des enfants bulles belliqueux, des bébés hideux, des ménages à trois, des femmes avec des mains d'hommes, du montant du pourboire idoine, des doigts dans le nez, des faux cigares cubains, des livreurs chinois zélées, des massages entre hommes, de John John Kennedy...


Pour certains esprits chafouins, la série vieillierait mal et n'aurait pas le sex-appeal des concurrents (en gros "Friends" qui a pillé sans vergogne son grand frère). Est-on vraiment une personne digne de confiance si l'on préfère se farder les mimiques de Jennifer Aniston plutôt que les divines lamentations de George Costanza aux prises avec une compagne qu'il suspecte de se faire vomir dans les toilettes de restaurants qu'IL paye ? J'en doute.


Oui le mulet de Seinfeld est une insulte à l'oeuvre de Franck Provost, les robes d'Elaine sont aussi sexy qu'une tasse de thé à la verveine entre les mains Line Renaud, et les chemises hawaïennes de Kramer confortent à tort les pires hipsters que la clé du style se trouve dans la laideur affirmée.


Mais dans l'écriture et la mise en scène, la série est un véritable bijou. En moins de 22 minutes, 1000 idées sont parfaitement concrétisées, et les dialogues cultes encore dans toutes les têtes plus de 20 ans après. Le show bénéficie également de l'apport de seconds rôles mémorables. Les familles, les voisins, les patrons, les commerçants les avocats aucun maillon faible à noter.


Laughing and lying


9 saisons et un final injustement décrié (car ce procès est un épisode totalement visionnaire qui annonçait avec un temps d'avance considérable la judiciarisation de l'humour, et le règne des offenses en "phobies"), mais était-il possible de conclure un objet pareil ? Il ne s'agissait pas de mettre un terme à n'importe quelle série, mais de détruire un univers, vivant et indépendant. C'est un peu comme essayer de se remettre d'une sale rupture, être lâché par l'être aimé et se voir condamner à ne jamais le revoir, en ayant conscience qu'on ne retrouvera jamais mieux. Car c'est officiel, on ne trouvera jamais mieux. Vous aurez beau essayer les plus ou moins amusants Parks and recreation, the office US, It's always sunny in philadelphia, scrubs, big bang theory ou How i meet your mother, ça ne comblera jamais le vide, le fossé est trop grand.


On peut toujours tenter de trouver la sérénité en revoyant les 9 saisons en DVD de cette série indispensable, et rire comme au première visionnage.

Negreanu
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le 5 janv. 2019

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