Seinfeld
7.4
Seinfeld

Série NBC (1989)

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Culte aux USA, Seinfeld a fait un bide en France lorsqu'elle a été diffusée sur Canal Plus. Pourtant, cette sitcom mérite vraiment le détour. Ecrite par le très atypique Larry David (Curb Your Enthusiasm, Whatever Works), elle se démarqua très nettement de la concurrence et marqua la télévision américaine pour toujours. Oubliez les gags lourdingues et les morales à 2 balles en fin d'épisode, Seinfeld est une comédie cynique et très contemporaine, malgré ses 20 ans d'âge.

Mais au fait, Seinfeld, c'est quoi exactement ? Et bien on y suit la vie somme toute banale de Jerry Seinfeld, un comédien de stand-up new-yorkais en devenir. A la différence des autres héros de sitcoms, Jerry est assez égocentrique, mesquin, et il manque d'empathie pour le monde qui l'entoure. Il passe de femme en femme, et passe le clair de son temps à manger des céréales. Il n'en reste pas moins très attachant, car au final, il est juste un grand enfant dans un corps d'adulte. Trois autres personnages principaux partagent l'affiche avec lui. Tout d'abord, on trouve son ami d'enfance George Costanza (Jason Alexander) : petit, chauve et aigri, il remet tout en question et s'énerve pour un rien. Il n'a pas vraiment de succès avec les femmes, et il cherche à se défaire de l'influence de sa mère. Elaine Benes (Julia Louis-Dreyfus) est quant à elle l'ex-petite amie de Jerry : absente des premiers épisodes, elle est arrivée dans la série à la demande de NBC pour toucher un public plus féminin. Bien que très jolie, c'est un personnage féminin atypique, dans le sens où les auteurs ont toujours écrit ses dialogues comme s'il s'agissait d'un homme. Enfin, Kramer (Michael Richards) est le voisin loufoque et pique-assiettes de Jerry : il ne travaille pas et se retrouve toujours fourré dans l'appartement de son voisin pour un oui ou pour un non.

Après des débuts difficiles, la série prend son envol en milieu de saison 2, et jusque la fin de la saison 5, l'essentiel des épisodes s'articule autour de discussions dans un restaurant ou dans l'appartement de Jerry. Comme le dit Larry David dans un l'épisode "The Pitch", cette sitcom ne parle de RIEN : on y suit juste la vie de Jerry et de son entourage, et on les écoute palabrer sur tel ou tel sujet, un peu comme des discussions qu'on pourrait avoir entre amis. Mais alors, il est où l'intérêt me direz-vous ? Et bien là où ça devient génial, c'est que les dialogues sont extraordinairement bien écrits : Larry David, Jerry Seinfeld et Larry Charles ont un sens aigu du détail et ils bâtissent la plupart de leurs intrigues autour d'anecdotes absurdes qui leur sont arrivées dans la vraie vie.

Jerry, s'il était le principal personnage lors des premiers épisodes, s'est vite effacé pour laisser briller Michael Richards ou Jason Alexander, bien meilleurs comédiens que lui. Seinfeld, sur le papier, était une série peu ambitieuse et vouée à l'échec. D'ailleurs, les audiences ont commencé à décoller uniquement à partir de la saison 4. Mais la qualité de l'écriture et l'alchimie entre acteurs font que la sauce prend, et que chaque épisode ou presque devient jubilatoire. En avance sur son époque, Seinfeld était également une série qui osait prendre des risques, quitte à déplaire à NBC ou au comité de censure. Ainsi, comment oublier les épisodes dans le restaurant chinois, dans le parking, ou ceux consacrés à la masturbation et à l'homosexualité ? Seinfeld n'était peut-être pas la première série à aborder ces thèmes, mais elle parvenait toujours à les traiter avec humour sans jamais tomber dans le graveleux ou la vulgarité. La qualité des seconds rôles n'était en outre pas en reste : Newman, Oncle Leo, les parents de Jerry et de George, l'avocat Jackie Chiles ou encore les restaurateurs Babu et Poppie contribuent tout autant à la légende de la série que ses 4 personnages principaux. Ils ont pour la plupart de vraies gueules et un talent comique indiscutable.

Toutefois, la série a sensiblement évolué au cours de ses 9 saisons. Comme je le disais préalablement, la première saison est assez déroutante : les auteurs sont encore en phase de rodage, Jerry est trop présent, et les scènes manquent souvent de rythme. Lors de la saison 2, la série monte lentement mais sûrement en puissance : les auteurs trouvent enfin leur style, l'humour s'affine, et lors d'un des derniers épisodes, Michael Richards change brusquement son interprétation de Kramer pour le rendre plus intelligent, plus excentrique et moins apathique. Les saisons 3 à 5 sont à mes yeux les meilleures de l'histoire de Seinfeld : les dialogues sont ciselés, les épisodes cultes s'enchainent semaine après semaine, et George entame une descente aux enfers professionnelle qui le rend plus drôle que jamais.

A partir de la saison 6, les choses commencent à changer : Larry Charles ne fait plus partie de l'équipe des scénaristes, et chaque personnage possède désormais sa propre trame, malheureusement pas toujours passionnante. Les scènes banales de discussion dans l'appartement de Jerry ou au restaurant se font plus rares, et la série devient plus physique qu'autrefois : il y a désormais plus de décors, plus de personnages, et un coté moins cheap qu'auparavant. Les saisons 6 et 7 restent très bonnes, mais je dois avouer que la plupart des scènes avec Elaine m'ont agacé. Ce personnage peut être drôle lors d'une joute verbale avec ses amis, mais quand on la voit au bureau avec Mr Pitt ou Mr Peterman, j'ai souvent envie de zapper la scène : contrairement à un Jason Alexander ou à Michael Richards, Julia Louis-Dreyfus n'est pas un talent comique naturel, et beaucoup de ses scènes tombent à plat quand elle essaie de trop en faire. Dans un commentaire audio du DVD, elle avoue d'ailleurs que le succès leur est monté à la tête à cette époque, et qu'ils se prenaient à tort pour les Shakespeare de la comédie... Il faut également noter que Seinfeld a forgé sa légende grâce à des expressions devenues cultes (ex : "Not that there's anything wrong with that"), mais après la saison 5, on sent que les auteurs cherchent à créer de nouvelles expressions de manière un peu trop ostentatoire, et comme le dit Larry David dans un commentaire audio, c'était assez stupide et prétentieux de leur part...

Mais le pire vient à partir de la saison 8 : Larry David, le co-créateur de la série, est alors parti, et Jerry Seinfeld se retrouve désormais seul aux commandes. A la fois auteur, producteur et acteur, il est surchargé de travail, et la qualité de la série en pâtît lourdement. Les scènes de stand-up disparaissent, George (dont le personnage était inspiré de la vie de Larry David) devient extrêmement fade, et les gags visuels se font de plus en plus nombreux, au détriment des dialogues. La série ne s'intéresse plus ou presque aux petits détails du quotidien, elle perd énormément en réalisme et tout semble désormais exagéré : les situations sont burlesques, le montage est plus rapide, et bon nombre de scènes peinent à nous décrocher un sourire. Il n'y a rien de plus triste que de voir des acteurs qui se croient drôles quand ils ne le sont plus, et si tout n'est pas à jeter lors de ces 2 dernières saisons, on sent malheureusement que l'âge d'or de la série est passé et que la fin est inéluctable.

Pour résumer, on peut dire que Seinfeld était une sitcom au dessus du lot et dont la qualité d'écriture reste à ce jour inégalée dans le registre de la comédie. Rediffusée en boucle aux USA depuis son arrêt, son succès ne se dément pas avec les années, et pour peu que vous ne soyez pas allergiques aux sitcoms, je ne peux que vous conseiller les saisons 2 à 7, en V.O. bien entendu !

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le 29 nov. 2010

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chtimixeur

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