Moon Knight
5.7
Moon Knight

Série Disney+ (2022)

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Benjamin Gates et le Mystère de la Super-Momie

Tout est ma faute, je sais.


Etant d'un naturel plutôt conformiste, comme tous les vieux cons de plus de trente ans, je m'étais préparé à visionner une adaptation télévisuelle de la licence Moon Knight. Le titre de la série m'a induit en erreur mais quelle idée, aussi, de se fier au titre ! Nous sommes en 2022 ! Nous sommes sur Disney + ! Ce genre de considérations n'a plus lieu d'être ! Stop aux vilains réactionnaires ! Umbrella Academy, Locke and Key, The Watch, Foundation, The Wheel of Time... on devrait le savoir, à force : adapter un truc, par les temps qui courent, c'est acheter le titre, récupérer deux ou trois gimmicks à coller dans la bande annonce, puis partir en roue libre n'importe où et n'importe comment en laissant des générateurs automatiques de twists et de persos gérer le contenu, quand ce n'est pas carrément Cleverbot ou Akinator qui sont mis à contribution. De toute façon, qu'est-ce qu'on s'en tape, de l'écriture ? On a des CGI ! Pourquoi s'enquiquiner ? La série sera oubliée dans les vingt minutes parce que le pige... spectateur sera tombé sur une vidéo de poney qui jongle avec des tortues enflammées sur TikTok.


Oubliez, donc, tout ce que vous pensiez savoir sur Moon Knight, c'est bon pour les boomers. Vous allez suivre les aventures de Steven Grant (Oscar Isaac, magnifique dans son jeu tout en nuance et en retenue), un anglais qui, à l'instar de tous les anglais, bouge et parle comme Mister Bean, et qui vend des souvenirs au British Museum sous la houlette castratrice d'une méchante cheffe de service abusive (rendez-vous compte ! Elle se fâche dès qu'il arrive le matin avec plus de deux heures de retard, c'est-à-dire tous les jours, et elle n'a même pas installé un bar à céréales dans la salle commune. Mais que font les Prud'hommes ?). Comme toutes les personnes affligées de pertes de mémoire suspectes, il se découvre au centre d'un conflit cosmique opposant deux divinités égyptiennes par être humains interposés (la base), une sorte de reverse-Pokemon grandeur nature, mais sans l'épilepsie, c'est plus civilisé qu'un banal mano-a-mano à dix heures le lundi au pied du Sphinx. Pire : Steven a une autre personne dans sa tête appelé Marc Spector, qui est américain et qui, à l'instar de tous les américains, fait toujours une tête de six pieds de long en fronçant les sourcils (Oscar Isaac, bouleversant de justesse) et qui collectionne les fusils d'assaut sur son temps libre. Il découvre qu'il est marié à une jolie égyptienne, ça tombe bien, qui est aussi trafiquante d'art à ses heures perdues, mais ça compte pas (dit-elle) vu que l'Angleterre a pillé l'Egypte la première, c'est pas du vol, c'est du karma (c'était la minute "random discours engagé et culpabilisant", merci de votre patience, c'était dans le cahier des charges). Ils doivent divorcer mais en fait non, parce que ta gueule c'est l'amour, tu sais, là, comme dans le Roi Lion. Awimbawé et tout ça. Et donc pour combattre les forces du greater good (parce que le mal, c'est so 1980), Steven/Marc peut invoquer le costume magique de Moon Knight, la super-momie, qui lui donne des turbos pouvoirs de folie et le rend virtuellement invulnérable. Mais comme Marc est un mâle alpha qui n'écoute que ses testicules, à l'instar de tous les américains, et que Steven n'a pas de testicules du tout, à l'instar tous les anglais, il va devoir compter sur sa pas très douce ni pas si tendre pour le tirer d'affaire et l'aider à sauver le monde. Ceci, en courant après des sarcophages au Caire (les sarcophages n'étant pas, je le précise à toutes fins utiles, des personnes se nourrissant exclusivement d'anciens présidents de la république française, ce qui est puni par la loi) et en résolvant des énigmes à zéro picarats, émaillant ce périple de blagounettes carambar et crises identitaires rigolol à la Jim Carey dans The Mask.


Jusque là, tout va bien, le comics est respecté à la lettre. Quel comics, ça, par contre, l'histoire ne nous le dit pas, mais sûrement pas Moon Knight, aux abonnés absents.


Pour ceux qui ne connaitraient pas, replaçons le bonhomme dans son contexte en quelques lignes : personnage originellement mineur conçu pour faire concurrence au Batman de DC, dont il est le quasi-copié-collé (il est la nuit, il est la vengeance, il est riche, il a un Mooncopter en forme de croissant de lune, il a des armes sophistiquées, il a un pseudo-majordome qui le seconde dans ses aventures, il veut que les malfrats aient très peur quand ils le voient... juste, il veut qu'ils le voient de loin, lui, alors il s'habille en blanc-pétant-Le-Chat-Machine, comme ça c'est pas du plagiat), le vigilante Moon Knight, a.k.a. Marc Spector, va petit à petit s'étoffer pour devenir l'un des super-héros les plus ambigus et les plus fascinants de l'écurie Marvel. D'abord, parce que Marc Spector traînant derrière lui un sanglant passé de barbouze, qui a une fâcheuse tendance à le rattraper plus souvent qu'à son tour, il juge bon de se créer deux alter-ego "publics" afin de faciliter sa lutte contre les méchants dans les rues de New York, qui est sa Gotham City à lui : le millionnaire philanthrope Steven Grant, et l'homme de la rue Jack Lockley, modeste chauffeur de taxi. Trois alias, trois vies parallèles qu'il va tenter de concilier tout en obéissant à la volonté du dieu Konshu, jusqu'à ce que sa psyché fragile finisse par craquer et sombre dans la schizophrénie, ces trois identités se succédant dans sa caboche sans plus savoir qui est qui et pourquoi. Au point que la réalité de Konshu lui-même finit par être sujette à controverses. Peut-être n'a-t-il toujours été qu'une personnalité parmi d'autres ? Mystère. C'est précisément ce qu'il y a de fantastique, avec Moon Knight : on ne sait jamais si le surnaturel est de la partie ou si Marc a tout dans la tête.


Niveau super-pouvoirs, c'est vite plié, par conséquent : il n'en a pas. Son costume, il se l'est fabriqué lui-même au club couture de sa MJC de quartier, et il l'enfile comme moi mes charentaises le soir au coin du feu de la Table Ronde d'Elden Ring. Pour le combat, il peut compter sur son excellente condition physique, son entraînement de barbouze et ses moon-gadgets, tous volés à Batman et peints en blanc. Il n'invoque rien, il n'a pas les yeux lumineux qui font des appels de phare quand ils clignent, il ne ressemble pas à une momie, il ne fait pas des bonds de six mètres, il saigne, il souffre, il encaisse, il ramasse. Beaucoup.


Sentimentalement, il fut/est en couple avec Marlene, une américaine bien blonde et plantureuse comme on n'en fait qu'en Amérique, dont il a jadis sauvé la vie en affrontant son ex-associé dans un combat à mort. Marlene dont la Layla de la série reprend le background à son compte, mais pas la plastique de poupée Barbie, rapport au fait que l'apparence physique et l'ethnie n'ont pas d'importance, en 2022, que c'est le personnage qui compte.


_ Mais du coup, pourquoi les avoir changés, s'ils n'ont pas d'importance ?
_ Ta gueule sale facho.
_ Ok d'accord.


Alors oui, une adaptation peut, voire doit prendre des libertés par rapport au matériau d'origine, c'est même tout l'intérêt, mais enfin quand tout ce qu'il reste du matériau d'origine, c'est le carton d'emballage, on se dit que la liberté des uns commence là où s'arrête la propriété intellectuelle des autres, ou à peu de choses près. Non parce que là, c'est un peu comme si la concurrence sortait une série de Batman dans laquelle l'intéressé se transformerait en Power Rangers et serait capable de tirer des rayons lasers avec les yeux. A ce stade, ce n'est plus de la liberté, c'est une adaptation directe de la chanson de la Reine des Neiges. Ajoutons à cela (encore que ce soit plus proche de la soustraction, dans les faits) le jeu lamentable d'Oscar Isaac qui est soit très mal dirigé, soit très mauvais acteur, soit les deux ; ainsi qu'un scénario d'une ringardise aux proportions Benjamin Gatesienne (les vrais savent), émaillés de combats mollassons et d'incohérences (volontaires) dont la stupidité tient de l'insulte au spectateur, on obtient une série de divertissement vaguement médiocre, un de ces produits lyophilisés tournés à la chaîne et qui se veulent faussement décalés, singeant sans honte le Legion de Noah Hawley mais sans le talent (big up, encore, à Umbrella Academy, The Watch, et Cowboy Bebop).


Morceaux débiles choisis :


_ Holalala, Marc, on va convoquer l'assemblée des dieux pour les convaincre que Evil Mac Méchant du clan des Mac Méchant ourdit de sombres complots sur son temps libre, il va falloir être très très persuasif ! Du coup, j'ai une idée pour être pris au sérieux ! ET SI JE GUEULAIS TOUT LE TEMPS COMME UN PUTOIS QUAND TOUS LES AUTRES PARLENT NORMALEMENT ! ? Je pense que je serais tout de suite plus pris au sérieux, et que je ne passerai absolument pas pour un malade mental ! (et en plus ça donnera à Oscar Isaac l'occasion de faire une nouvelle démonstration embarrassante de ses compétences en matière de Francis Huster).


5 minutes plus tard :


_ HO BEN ILS NOUS ONT PAS CRU ! JE ME DEMANDE BIEN OU CA A MERDE !


_ Peut-être que c'est quand je me suis effondré comme une loque en réclamant une aide psychologique ?


_ OU BIEN C'EST MA GROSSE VOIX ? C’ÉTAIT PEUT-ÊTRE DE TROP ? !


_ En même temps, on n'avait aucun moyen de les convaincre que Evil Mac Méchant du clan des Mac Méchant ourdit de sombres complots sur son temps libre !


_ C'EST VRAI, CA !


_ Après, je me disais... on n'aurait pas été complètement cons, on leur aurait parlé du tatouage sur son avant bras. Celui avec la balance qui bouge et qui boit les âmes...


_ HA OUAIS, PAS CON. MAIS BON. CA N'AURAIT PAS MARCHE, DE TOUTE FAÇON !


_ Ha bon ? Pourquoi ?


_ IL PORTAIT UNE CHEMISE A MANCHES LONGUES !


_ Ha oui, merde. Remarque... on n'aurait pas été des boulets cosmiques, on aurait pu leur demander de lui demander de retrousser sa manche...


_ TU PENSES TROP, MARC. ON EST EN 2022, SUR DISNEY+. AUCUN SPECTATEUR NE PEUT SUIVRE TES RAISONNEMENTS, INTELLECTUELLEMENT PARLANT.


L'assemblée des dieux, parlons-en : ils font un coucou lumineux comme les yeux de Moon Knight parce que Konshu provoque une éclipse de soleil et "ça c'est pas bien parce que ça peut révéler leur existence aux yeux du monde", mais alors Evil Mac Méchant, il peut bien vider ses victimes de leur souffle vital dès qu'il a un pet de travers, ou invoquer en ville des chacaux ninjas de l'espace, ça, les dieux, par contre, bizarrement, ils le sentent pas. Et en même temps, ça s'explique sans problème : c'est que des dieux, après tout. ça peut pas tout sentir non plus. En plus il restait trois épisodes à meubler et va trouver un poney qui jongle avec des tortues enflammées, en Egypte.


En conclusion, si vous avez le mot MARVEL tatoué sur la fesse gauche, vous pouvez y aller sans crainte, vous allez surkiffer. Si vous cherchez la qualité, par contre, vous frappez à la mauvaise porte, et pas assez fort.


Konshu lui-même a été tellement déçu du script qu'il a quitté la série au troisième épisode.


Comme quoi il est le seul du show à avoir à peu près la tête sur les épaules. Quand bien même est-ce un gros crâne de corbeau tout sec.

Liehd
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le 14 avr. 2022

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Liehd

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