Dorohedoro
7.6
Dorohedoro

Anime (mangas) Tokyo MX (2020)

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Au rayon des mangas inclassables, Dorohedoro figure très probablement en tête de liste. Créé par le mangaka Q Hayashida, le manga original fut publié de 2000 à 2018 et, s’il n’a jamais vraiment cartonné dans les librairies, a bénéficié cependant de la fidélisation d’un lectorat suffisamment important pour assurer sa publication pendant de nombreuses années.

En 2019, Netflix chargeait le studio MAPPA (responsable de la quatrième saison de l'anime L’Attaque des Titans) d’adapter le manga de Hayashida en anime. La série, diffusée sur 23 épisodes en 2020, est sans surprise passée inaperçue dans le large catalogue de la plateforme et son audience restreinte a contraint la production à ne pas renouveler le programme pour une seconde saison. Ce qui est un peu dommage quand on sait que la conclusion de l’anime ne résout quasiment aucun des enjeux de son intrigue.


Je ne m’étendrai pas ici sur une quelconque comparaison avec le manga puisque je n’en ai lu que les trois premiers tomes. Je sais cependant qu’à la différence de l’anime, le manga trouve une véritable conclusion. Plus jeune, les couvertures des tomes grands formats des éditions Soleil m'avaient fait forte impression. La couverture du troisième surtout, avec le personnage de Shin, colosse en costard, tenant un marteau ensanglanté à la main et dont le visage était caché par un masque représentant l’anatomie d’un cœur humain. Ne sachant alors pas que l’intrigue de Dorohedoro était si particulière, sa lecture fut pour moi quelque peu laborieuse, parfois décevante, mais fascinante. Je restais séduit par l’esthétique de cet univers si singulier.


Bizarrement, au vu de l’ensemble de l’anime, c’est un peu le même sentiment qui prédomine. Dorohedoro est une œuvre clairement délirante mélangeant les idées les plus glauques et farfelues au service d’une histoire volontairement labyrinthique. Dans un monde alternatif, les humains vivent à Hole, une sorte de cité décharge glauque et miséreuse, vérolée par la violence, les gangs et les sorts. Oui, les sorts. Les humains sont chaque nuit la proie de mages qui viennent perfectionner dans leur ville leur technique de sorcellerie en jetant au hasard des sorts sur les humains/cobayes via la fameuse fumée noire que peut produire tout bon mage qui se respecte. Ces derniers ont donc le pouvoir de venir à Hole mais habitent dans une autre dimension, une sorte d’antichambre lumineuse de l’enfer régie par le mage le plus puissant d’entre tous, En, une sorte de caïd à la chevelure de Saiyen et aux inclinaisons foncièrement bourgeoises. Autant dire que les mages ne sont donc pas particulièrement appréciés à Hole et que certains humains s’organisent en milice pour traquer et tuer chaque mage qui viendraient à s’aventurer dans leur monde. Caïman vit dans cette sinistre parodie de cité urbaine. Amnésique depuis qu’un mage mystérieux lui a lancé un sort, il ne se souvient plus de son identité ni même de son visage, celui-ci ayant été métamorphosé en faciès de lézard carnassier. Aidé de Nikaido, une restauratrice aussi séduisante que combative, il tente de retrouver le mage qui lui a jeté ce sort. Le procédé est des plus déroutants : à chaque fois qu’il met la main sur un mage, il enfourne la tête de celui-ci dans sa gueule afin que ce dernier y rencontre le même étrange humain qui se cache dans les ténèbres de son gosier. Après quoi, Caïman retire la tête du mage et lui demande ce que lui a dit l’habitant de sa gueule. Ce dernier répétant inlassablement aux infortunés mages « Tu n’es pas lui », le colossal Caïman met alors en pièces lesdits mages. Dans sa quête pour retrouver son identité, Caïman va bientôt croiser la route de Shin et de Noi, les deux principaux tueurs à la solde de En, l’un et l’autre chargés de trouver le monstre qui décime les mages.


Résumer les prémisses de Dorohedoro est déjà une gageure en soit tant son intrigue croûle dès le début sous les idées les plus improbables et délirantes. A vrai dire, on a parfois l’impression que l’œuvre a été imaginée par un artiste sous acide qui aurait tourné le dos à tout bon sens pour imaginer une intrigue sans réelle logique. Preuve en est, la particularité de l’antagoniste de l’histoire, En, qui est capable de tout transformer en champignon (humains ou villes tout entières) quand bon lui semble (on appréciera d’ailleurs un des génériques de fin reproduisant un Doom-like en graphisme 16 bits du point de vue de En qui y évolue dans des couloirs sans fin en transformant tous ses ennemis en… champignons). C’est grotesque, sombre et parfois terriblement violent et c’est aussi absurde et tiré par les cheveux que la chevelure de Raspunzel. On ne comprend pas toujours tout dans cet univers régie par des lois aussi farfelues et où la plupart des personnages portent des masques tous plus dérangeants les uns que les autres (cœurs humains, têtes de morts, démons, masques cuirs SM), Caïman lui-même portant une sorte de masque à gaz censé dissimuler son faciès reptilien. Ce qui est assez amusant quand on sait qu’il n’a rien du monstre le plus terrifiant hantant cet univers.


Certes, il semble a priori difficile d’apprécier une intrigue aussi déjantée que Dorohedoro. Mais le charisme de ses protagonistes, leurs design, la colorimétrie généreuse (les épisodes se déroulant durant la Blue Night sont un véritable festival de couleurs) et la qualité de l’animation (superbe travail du studio MAPPA), la richesse de cet univers complexe, son humour noir et absurde, et la folie de ses scénarios confèrent finalement à l’ensemble une identité si singulière que l’anime en devient presque fascinant à suivre. On se situe clairement ici dans un imaginaire underground, lorgnant autant sur le splatterpunk que sur la dark fantasy. Un univers où le danger rôde à chaque coin de rue, où la ville elle-même s’effondre sous le poids du sordide, où les personnages masqués ressemblent tous à des psychopathes de slashers, où les têtes décapitées parlent encore dans leurs sacs poubelles et où les magiciens flirtent gaiment avec les natifs de l’enfer. Ne croyez pas par ma note plutôt positive que je vous recommande son visionnage. D’autant que beaucoup abandonneront au cours du premier épisode avant même d’avoir vu son générique de fin. Mais perso, j’ai bien aimé toute la folie régissant cet univers et le fait que ce dernier ne ressemble absolument à aucun autre. Ne me reste plus qu’à découvrir la fin voulue par Hayashida dans le manga original pour peut-être savoir (ou peut-être pas) qui est vraiment Caïman.

Buddy_Noone
7
Écrit par

Créée

le 17 août 2023

Critique lue 255 fois

3 j'aime

Buddy_Noone

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