Community
7.7
Community

Série NBC, Yahoo! Screen (2009)

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Saisons 1 à 5



Les upfronts sont chaque année la période de l’hécatombe et des réjouissances pour les amateurs de séries. Les networks annoncent entre autres les renouvellements et les annulations de leurs shows préférés et détestés, et cette année plus qu'aucune autre, de nombreux destins allaient se jouer. Le suspense venait d'ailleurs principalement de chez NBC, dont les séries très appréciées Hannibal et Community étaient en grand danger : l'une comme l'autre a su se former une aura culte autour d'elle, et ce malgré des piètres audiences. Si la première vient d'obtenir une saison 3, Community, elle, vient d'être envoyée à la poubelle. L'annulation d'une série fait toujours l'effet d'un choc : déjà parce qu'il est rare qu'elle ait une vraie fin, et d'autre part parce que la nouvelle arrive presque sans crier gare.
Community c'est la folle création issue de l'imagination de Dan Harmon, auteur de quelques séries discrètes et du scénario du film Monster House avant de se lancer dans la-dite série, qui conte le quotidien d'un groupe d'étude dans une fac publique ("Community College"). Alliant délires meta et références geeks, s'inspirant ouvertement de Arrested Development, la série s'est rapidement forgée une fanbase assez importante, mais ne l'a jamais empêchée d'être relativement inaccessible pour une bonne partie du public non-réceptif à l'humour et aux références du show.


Beaucoup ont souvent comparé Community à The Big Bang Theory. Il est vrai que le lien peut être facilement fait : références geeks (même si celles de Community sont nettement plus recherchées et subtiles), deux personnages très similaires sur la forme (Abed et Sheldon). Pourtant il existe une différence en apparence anodine mais pourtant capitale entre la série de Chuck Lorre et celle de Dan Harmon : là où The Big Bang Theory rit des geeks et des "obsessions", Community rit avec les geeks. On prend par au délire des protagonistes au lieu de rire de ces délires comme le fait The Big Bang Theory.
Et c'est là qu'arrive le génie de la série. La notoriété de Community vient en grande partie de ces « épisodes spéciaux » où on est soudain plongé dans une partie de Paintball aux allures de FPS bon marché ou de western spaghetti, ou même une partie de Donjons & Dragons qui devient une version light du Seigneur des Anneaux. Sans rien voir venir, vous serez face à un épisode réalisé en stop motion ou en animation en référence à G.I. Joe - avec un tel taux de renouvellement, la série a su garder sa fraîcheur pendant trois excellentes saisons (le climax étant atteint avec la magistrale saison 2). Qu'en est-il des deux dernières ? Il faut savoir qu'au crépuscule de la saison 3, en raison d'audiences dérisoires, Dan Harmon, créateur et showrunner du show est évincé au profit de total nouveaux venus. Résultat : une quatrième saison navrante qui en a dégoûté plus d'un de la série. Rappelé à la rescousse pour la saison 5, Harmon livrera une (ultime) saison en demi-teinte : les premiers épisodes renouaient avec le génie des premières saisons, la deuxième partie était plus que décevante. S'achevant ainsi sur une mauvaise note, on peut toujours espérer un sauvetage par une autre chaîne/plateforme ou un final en beauté au cinéma.


Usant à merveille sa galerie de personnages tous aussi bien exploités les uns que les autres, Community a su briller de par son utilisation du comique de situation et de l’interaction de ses personnages. Car si beaucoup retiennent les épisodes Paintball (entre autres), on a tendance à oublier qu'une autre moitié des épisodes de Community se déroulait autour d'une table, à discuter. Et c'est dans ces épisodes là qu'on retrouve l'écriture d'un Mitchell Hurwitz dans la manière qu'a la série d'allier des dialogues à cent à l'heure et un montage épileptique sur les visages des participants. Ces épisodes valent d'ailleurs tout autant les autres, et c'est l'un des problèmes des dernières saisons : virant à moitié dans l'auto-parodie, la série n'a fait plus qu'enfiler des épisodes hommages / délires / méta qui oubliaient l’interaction et les scènes plus posées. Community s'est perdue en cours de route, car à vouloir souligner son originalité, elle a fini par perdre son charme.
Deux dernières saisons qui ont par ailleurs été embrumées par des départs à foison. On pense à Chevy Chase, qui n'a jamais apprécié la série et s'est barré en milieu de saison 4, mais aussi à Donald Glover qui est brusquement disparu en milieu de saison 5. Si leurs absences ont été vainement comblées par John Oliver et surtout Jonathan Banks (Mike de Breaking Bad), certes convaincants, on était plus vraiment devant le Community des débuts.


Alors que penser de cette annulation ? D'un côté, on est triste de voir la série partir, qui plus est sans réelle fin... Mais ces deux dernières saisons auront été des déceptions, et il aurait été encore plus difficile de voir la série se ridiculiser dans une sixième salve. Alors oui, on aura pas respecté le fameux Six season and a movie de notre bien aimé Abed, mais au moins, on aura pris notre pied pendant pas loin de soixante épisodes au milieu des élèves de Greendale. Quelques chutes, quelques erreurs de parcours, mais au final beaucoup de coups de génie, quelques chefs d’œuvres, et probablement l'une des meilleurs sitcoms de notre époque à la clé. Il est certain qu'on ne les oubliera pas de sitôt. Au revoir Jeff, Britta, Shirley, Abed, Annie, Troy, Pierce, Doyen Pelton et Chang, This was kinda like Breakfast Club, and it was great.
★★★★★★★★☆☆



Saison 6



Après avoir été sauvée d’entre les morts par Yahoo – qui se lance en 2015 dans la production de contenu original – Community remet donc les crampons, avec ce qui lui reste de son casting original, pour une saison 6, certes inquiétante à la vue du passé récent de la série, mais attendue de pied ferme par sa communauté de fans. Après treize épisodes, Greendale referme ses portes à nouveau. Pour toujours, cette fois-ci ? Même si la porte est laissée ouverte pour un futur film, cette saison 6 semble bien avoir été conçue comme la dernière.


Difficile de parler de la saison 6 de Community sans évoquer les changements créatifs ayant été opérés depuis l’an dernier : les épisodes sont plus longs, il y a de nouvelles têtes, mais Dan Harmon reste au gouvernail. Quelle saison inégale, tout de même. Community a souvent été remarquée par sa qualité en dents de scie d’un épisode à l’autre, mais pour cette saison 6, c’était parfois au sein d’un même épisode que la série alliait le génial et le très mauvais. L’ensemble était, il faut le dire, étrangement rythmé : la faute aux épisodes de trente minutes ou à une nouvelle dynamique d’écriture de la part d’Harmon ? Sans doute un peu des deux. Moins vivante, certes, Community a pourtant su éviter la catastrophe : même les moins bons épisodes de 2015 étaient tout de même un cran au-dessus des meilleurs de la saison 4. On s’embêtait un peu d’ailleurs, oubliant parfois de regarder le dernier épisode en date, comme si Community avait finalement lassé.
Puis, alors qu’on avait presque complètement perdu espoir après ces trois dernières saisons anecdotique, est arrivé ce final. Ah oui c’est vrai, le fameux « Six seasons and a movie » nous était presque sorti de la tête : cette saison 6, c’est la dernière, et ce cent-dixième épisode de Community sera le dernier. Et c’est alors que, prenant tout le monde de court, dans une tentative inattendue si ce n’est inespérée, la série nous livre un très grand épisode. Une conclusion parfaite, touchante et drôle, jouant avec ironie et auto-dérision sur elle-même sans avoir l’air cynique. Ce dernier épisode est d’autant plus un épisode sur Community plutôt qu’un épisode de Community, qu’il apparaît comme brouillant plus que jamais la frontière entre spectateur et écran. Du méta, du méta et encore du méta, pour une fin admirable qui restera dans les mémoires.
Arriver, dans cette dernière demi-heure, à donner du sens non seulement à ce que Community a pu proposer en terme narratif, mais aussi aux aléas créatifs ayant mouvementé son évolution six années durant, c’est à la fois surprenant et bienvenu. Encore faut-il appréhender le personnage mégalo qu’est Dan Harmon qui, derrière la grande estime qu’il peut avoir de lui-même, parvient tout de même à avoir un recul inédit sur sa propre œuvre et sur ses propres erreurs. Ce final est parfait parce que plus que de simplement briser le quatrième mur, il prend conscience de sa qualité de série télévisée, de son existence en tant qu’œuvre. Au départ, Community faisait des références à la culture populaire. A la fin, Community fait des références à Community, aux saisons de Community et aux fans de Community. C’est en tout cas bel et bien là la preuve que la série de Dan Harmon s’est définitivement fait sa place dans ce panthéon qu’elle chérissait tant.


Objet de culte par excellence, on est bien sur tristes de devoir dire au-revoir à Greendale. Et malgré qu’on puisse regretter que la série n’ait pas toujours été du même niveau, cette excellente conclusion n’aurait pas eu le même impact si elle n’avait pas été précédée de trois saisons d’une qualité plus que discutables. C’est là le génie de Dan Harmon et de ses scénaristes : faire de ses erreurs, de ses défauts, de ses faux pas et de sa gloire passée une composante même de sa diégèse, de sa portée incroyable en tant qu’objet télévisuel. On en viendrait presque à croire que la saison 4 était un coup de bluff, que cette annulation était une illusion, que tout ce qui est arrivé à Community depuis tout ce temps était prévu depuis le départ. Une leçon d’écriture sérielle.


★★★★★★☆☆☆☆ (10/10 pour le final)

Créée

le 9 mai 2014

Critique lue 1.3K fois

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13 commentaires

Vivienn

Écrit par

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