A la centrale nucléaire de Tchernobyl, près de la ville de Pripiat, une nuit d'avril 86. Une explosion se fait entendre, le PC de sécurité est en état d'alerte.
"Alors camarade Toptunov, qu'est-ce qui passe dans le bâtiment 4 ? pourquoi qu't'es tout rouge et que tu pèles des mains comme ça ?"
"Camarade Dyatlov, c'est inimaginable, il y a une fuite du réacteur, les ouvriers tombent comme des mouches, je me sens pas bien là".
"Pfff tu rigoles, j'ai vu bien pire, allez camarade Akimov, va baisser les potars là-bas..."
"Mais camarade Dyatlov, c'est que ça sent pas bon là, les commandes répondent plus, il y a un problème là... je pense que c'est dange..."
"Justement camarade Akimov, comme ça tu me fais un compte rendu sur ce qu'il se passe là-bas..."
10 minutes plus tard, Akimov reviens le visage écarlate, vomissant tripes et boyaux
"Camarade Dyatlov, le camarade Toptunov disait vrai, plus rien ne marche, je (vomissements), crois que le cœur du réacteur a explosé, et ça me gratte, y a mon eczéma qui revient."
"Ahaha sacré camarade Akimov, et comment cela pourrait être possible un réacteur qui explose, t'as déjà vu ça mon con ?"
"Attendez Dyatlov, si c'est le cas c'est gravissime !"
"Oui camarade Brazhink, y a qu'un moyen de savoir, vous allez voir l'état du réacteur... prenez un homme pour vérifier le refroidisseur..."
"Mais je..."
"Pas de discussion !"
J'exagère un peu certes, mais le premier épisode de cette passionnante mini série d'HBO comporte bien quelques dialogues ahurissants à la limite d'un sketch inédit des Monty Pythons. Or la tragédie était bien réelle et la façon dont la crise a été gérée par les responsables de la centrale puis de l'état-major soviétique fait froid dans le dos.
HBO a mis des moyens impressionnants pour permettre une reconstitution minutieuse. Les acteurs anglophones sont chevronnés : Emily Watson, Stellan Skarsgard, et surtout Jarred Harris impérial comme d'habitude. Et si l'on a pu regretter pendant les premières minutes qu'HBO n'ait pas confié les rôles à des acteurs locaux, on ne peut que s'incliner devant la qualité de l'interprétation et devant la réalisation inspirée du clipeur suédois Johan Renck.
Et les conditions qui ont permis cette tragédie sont restées peu connues du grand public. La fierté de l'URSS imposait un secret (mensonge) total autour de la plus grande catastrophe nucléaire de l'histoire de l'Humanité. Au delà de la blague sur le nuage qui se serait arrêté à la frontière française, et qui est d'ailleurs la seule chose que les Français ont en tête à l'évocation de cette catastrophe, les révélations concernant les causes de l'accident font l'objet d'un réel suspense.
Le déroulé de la crise, heure par heure nous fait réaliser que nous avons évité une catastrophe de bien plus grande ampleur. Sans le dévouement et le courage extrême d'une poignée de volontaires, pompiers, et mineurs, la catastrophe aurait transformé la plus grande partie de l'Europe en monde dépeint dans le film "la route".
C'est tellement réaliste que le spectateur est sidéré, presque à chaque scène. Que ce soit au cœur de cette centrale nucléaire infernale ou dans les réunions au sommet de l'état avec des membres du parti qui ne mesurent en rien la gravité de la situation, ou pire qui méprisent l'affolement des experts (ah cet ancien directeur d'usine de chaussures...).
Le spectateur est placé dans un inconfort qui rend "cette fiction" encore plus poignante qu'un documentaire. Fidèle comme un documentaire et plus terrifiant qu'un John Carpenter. Une série historique qui risque de vous hanter.