C'est une période historique vécue par Asturias durant son enfance et son adolescence, la dictature d'Estrada Cabrera, qui est le support de cette fiction. Elaborée selon trois mouvements, dont les titres insistent sur la temporalité indéfinie de la dictature, cette oeuvre reconstruit à merveille le climat de dégradation morale d'une société broyée par la terreur.
Le récit s'organise autour de l'assassinat d'un colonel proche du dictateur, prétexte pour entamer la persécution de deux opposants au régime, un général et un avocat. A cette trame s'ajoute l'histoire d'amour entre le favori du dictateur et la fille du général opposant. A partir de ces deux axes narratifs, le roman incarne tout à la fois l'univers misérable des laissés-pour-compte, la cruauté du régime totalitaire, la délation comme sport national et le contrôle policier de la population. L'ombre du dictateur parcours tout le roman au travers des agissements de ceux qui servent son pouvoir.
Si Asturias donne une dimension esthétique au langage populaire guatémaltèque, enchâssé dans un cadre culturel bien précis, la réalité qu'il construit dans cette oeuvre devient universelle, s'attachant à montrer les ressorts internes des êtres humains dans un environnement autoritaire.
D'un point de vue littéraire, on sent les influences de l'onirisme surréaliste et de l'oralité qu'Asturias a expérimenté lors des 10 années qu'il a passées à Paris.
Ce roman brillant se pose comme l'archétype littéraire du dictateur latino-américain en renouvelant la structure du récit, le langage et la temporalité.
Tandis que moi quatre nuits...