Le Procès par Hunkydorus

L’introduction du procès m’a tout de suite emballé. L’histoire s’installe simplement et permet de s’identifier instantanément au personnage de Joseph K. qui ne saisit pas pourquoi deux hommes sont chez lui et veulent l’arrêter. L'évolution de cette situation initiale, jusqu'à la rencontre avec le surveillant qui avoue tranquillement au héros qu'il est arrêté tout en lui permettant de continuer sa vie, est très réussie. Ce passage a de suite créé une grande curiosité chez moi pour la suite des évènements. L’absurde s’installe doucement et le décalage marche à merveille dès le début du récit.

L’histoire continue d’évoluer dans l’absurde et d’étoffer le personnage de Joseph K. qui se révèle très bon orateur, dragueur et prétentieux, notamment au cours du 1er procès. Ce chapitre étant sûrement le meilleur du livre pour moi réussissant à créer une situation oppressante, étrange mais où le héros a l’impression de maitriser les évènements qui lui arrivent. Le chapitre consacré au fouetteur m’a également beaucoup enthousiasmé. Il continue de pousser le récit vers l’étrange et le malaise, et parvient à nous faire accepter en tant que lecteur, des situations de plus en plus bizarres.

Mais le gros mois et demi qu’il m’a fallu pour venir à bout de cette lecture illustre bien la dimension fastidieuse de ce petit bout de livre inachevé. En dehors des quelques chapitres enthousiasmants évoqués plus tôt, d’autres sont beaucoup plus éreintants à lire. Kafka cherche à plusieurs moments de son roman à développer l’absurdité de son univers, en usant de répétitions et d’explications interminables. Ainsi de longs monologues épuisants émaillent le roman : l’explication des différents types d’acquittement par le peintre, l’histoire du gardien de la Loi par le prêtre…

Finalement, l’absurde n’est jamais aussi efficace dans le roman que lorsqu’il surgit d’un coup par surprise, plutôt que dans de longs développements sur les rouages du système judiciaire. On aime lorsqu’au détour d’une phrase, on apprend fugacement que les petites filles espiègles du peintre font partie du tribunal ou que la chambre de ce même peintre en fait elle-même partie.

Le récit alterne donc entre des chapitres vifs et surprenants, et d’autres longs et ultra-poussifs, donnant un goût de pot-pourri à l’ensemble. Les chapitres s’enchaînent, sans grande cohérence, et ne parviennent pas à créer une véritable évolution de l’intrigue, à l’image de ce procès qui piétine. La fin du roman (annoncée bien maladroitement dès la 4ème de couverture) arrive finalement comme un cheveu sur la soupe, sans montée en tension, sans ce tourbillon de justice absurde tant attendu. Etrangement, je ne me suis pas trop posé de questions pendant ma lecture sur le sens caché de cette histoire : la critique de la justice, d’une société totalitaire… et j’avoue ne pas ressentir l’envie de creuser la symbolique de cette histoire après ma lecture.

Dur ainsi d’envisager Le Procès, comme un livre fignolé, terminé. Il restera pour moi une lecture un peu fastidieuse, traversée d’éclairs de génie absurdes, mais qui demeurera dans mon esprit comme une oeuvre un peu cassée.