Ce bouquin pourrait s'appeler Mémoires d'un Connard, ou Histoire d'un Pauvre Type, tant son héros Alfred, oups pardon Octave, est énervant. Il aurait grave fait kiffer Ovide et Spino réunis, lui qui s'en va pleurnichant à longueur de pages : "Je vois le bien, je l'approuve et je fais le mal". Comme s'il était fasciné par sa propre image d'homme maudit, qui ne peut réussir à avoir la moindre mainmise sur ses actions.

L'explication qu'il donne à ce phénomène - car Octave, enfin Alfred, entre deux crises de larmes réfléchit beaucoup - tient surtout à la sociologie d'un siècle marqué du sceau terrible de la révolution et de Napoléon. Une génération sacrifiée, incapable de vivre au présent tant le passé la hante et l'avenir la pétrifie. Une armée de zombies cyniques et désoeuvrés, brouillés avec Dieu et que le Diable au bout du compte ennuie. Bon. Moi je rajouterais bien une autre petite raison, plus psychologique : le cas franchement pathologique d'un jeune homme étouffé par son égocentrisme. Pas un hasard d'ailleurs si le gus est à ce point là obsédé par le modèle de tout bon mégalo à l'époque : JiJi pauvre Rousseau, ses jérémiades, ses balades, ses ratiocinations sur l'homme bon et la société mauvaise, son peigne cassé et son chien Sultan.

Heureusement, Octfred est plus persuadé de sa nullité que de son génie, ça rend la lecture de sa contrition nettement moins indigeste. Disons qu'on a parfois envie de le plaindre (il faut dire que le roué écrit salement bien, et que plus il dit "je suis un gros naze" plus on pense "mais qu'est ce que tu le dis bien !"). Mais surtout, on a envie de lui balancer deux gifles salvatrices à notre tour, pour qu'il arrête de se contempler, tout laid qu'il se trouve, et qu'il passe plutôt à la phase deux de la guérison, tant celle-là (disserter obsessionnellement sur les pourquoi et les comment de ses faiblesses insupportables mais victorieuses) ne marchera jamais. Je ne sais pas, de la danse africaine, de la méditation zen, un voyage culinaire dans les Andes, un truc qui lui permette d'oublier un peu son moi envahissant, quoi.
Chaiev
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste On the Row (2012)

Créée

le 2 oct. 2012

Critique lue 1.2K fois

44 j'aime

7 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

44
7

D'autres avis sur La Confession d'un enfant du siècle

La Confession d'un enfant du siècle
Clairette02
7

Ses lèvres entr'ouvertes tombèrent sur les miennes et l'univers fut oublié.

Envie d'accéder à l'âme d'un écrivain hautement romantique ? Lisez La Confession d'un enfant du siècle. Toutes les personnes qui n'ont pas lu la Confession sont priées de ne pas poursuivre la lecture...

le 7 juin 2012

24 j'aime

13

La Confession d'un enfant du siècle
MlleNana
7

"Tout cela n'est pas la vie, c'est le bruit de la vie"

Qu'il est difficile de donner une note à cette Confession d'un enfant du Siècle. L'histoire en elle-même n'est pas exceptionnelle mais quel génie dans l'écriture ! Les passages où il est question du...

le 4 sept. 2013

11 j'aime

8

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

279 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

268 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

244 j'aime

74