Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu essayes de réunir en une seule gerbe des notes forcément incompatibles pour que le nuage d'harmoniques qui s'en échappe soit le plus cacophonique possible.


Ton Spring Breakers est une bizarre partition. Dès qu'on en pense quelque chose, un détail vient contredire la première impression. C'est un film autiste, mais qui passe son temps à essayer d'accrocher le spectateur, ne serait-ce qu'en l'exaspérant. C'est un film idiot, mais qui agence ses diverses couches avec une intelligence aiguë. C'est un film tonitruant, mais qui ne parle que de silence et de mort.


Plutôt que de nous raconter une histoire rectiligne, tu pars dans tous les sens, en nappe. Jouant en expert du montage visuel et sonore, ta virée dans le cauchemar du spring break fait du sur place, à force de répétition, de flash forward et backward. Comme si le narrateur était omniscient, ou bloqué à jamais dans le temps. Il est stone, et fait tout pour nous refiler sa came. Tu nous montres jusqu'à la nausée ces corps, ces frottements, ces débordements qui n'ont j'imagine d'intérêt que si on les vit, pas si on les voit. Jusqu'à la nausée oui, alors que tout ça ne vaut que pour dire que tes héroïnes (c'est drôle ce nom de drogue, pour une fois ça colle à ravir) s'en foutent bien elles aussi de ces pauvres fêtes de débiles en chaleur. Les vrais enfers on n'y flotte pas, on y descend. Dont acte.


Reste que tout cela a un prix qui se paie : ton film est d'après coup. Comme dit Faith, "ça nous fera des souvenirs", oui plus tard. Mais sur le moment c'est à la limite du supportable. Comme une fête où tout le monde serait saoul sauf nous. On s'ennuie, on voudrait partir, en même temps on est happé, fasciné par le vide de ces tribus sans âmes, d'une fascination à son tour vide d'éclat ou d'intêret. C'est une étrange idée de faire des films repoussoirs. Étrange et belle : c'est si difficile d'aimer ne pas être aimé. Respect.

Chaiev
5
Écrit par

Créée

le 9 mars 2013

Critique lue 6.6K fois

243 j'aime

74 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 6.6K fois

243
74

D'autres avis sur Spring Breakers

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

243 j'aime

74

Spring Breakers
Before-Sunrise
1

Halt Disney

Le film démarre comme un clip de MTV, avec de la musique merdique et la caméra qui tremble. Il n’y a pas de dialogue, juste des cons qui sautent à moitié à poil en buvant de la bière (yeaah on se...

le 16 mars 2013

161 j'aime

39

Spring Breakers
real_folk_blues
2

Vous êtes le maillot faible, au revoir.

Si faire rouler des culs souillés par la bière et la sueur en 120 images secondes pendant une heure trente correspondait à l’image que je me faisais de la représentation du carpe diem contemporain,...

le 13 sept. 2013

140 j'aime

79

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

279 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

268 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

243 j'aime

74