L'Eau rouge
7.9
L'Eau rouge

livre de Jurica Pavicic (2017)

Silva, une jeune fille de 17 ans, disparait une nuit de son petit village de Dalmatie. Fuite volontaire ou assassinat, il faut attendre les 2/3 de L'eau rouge pour connaître la réponse. Pourtant, le roman du croate Jurica Pavicic ne saurait être tenu pour un pur polar car bien d'autres considérations ou éléments : psychologiques, sociaux, économiques, politiques, historiques, viennent interférer et rendent la lecture du livre passionnante et excitante pour l'esprit. Le mot de pépite est bien galvaudé aujourd'hui mais c'est bien ce qu'est L'eau rouge, une petite merveille de narration, dont le style fluide est magnifiquement rendu par la traduction d'Olivier Lannuzel, qui mérite cent fois d'être cité. Et, au passage, coup de chapeau aux Éditions Agullo qui ne se contentent pas de miser sur les littératures "dominantes". Si L'eau rouge était un roman américain, nul doute d'ailleurs qu'il aurait eu des retombées presse encore plus importantes et bien davantage de lecteurs français. Revenons au récit qui court sur près de 30 ans, à partir de 1989, et évoque la fin de l'ère Tito, la guerre en ex-Yougoslavie, les années difficiles de l'après avec les ravages du libéralisme et les investissements touristiques, sources de corruption et de destruction des paysages. Le temps passe et le roman nous montre alternativement 7 personnages principaux vieillir, tous affectés d'une manière ou d'une autre par la disparition de Silva. Il y a là son frère jumeau et ses parents, son petit ami, le flic qui mène l'enquête, etc. Chacun d'entre eux vit de manière différente cette absence inexplicable, certains avec colère, d'autres avec résignation, et la ronde des années ne parvient pas à effacer le mystère et épaissit les existences collatérales. C'est tout l'art de Pavicic de trouver un équilibre entre le suspense, l'émotion et la marche du temps dans le lieu où est situé l'action, un petit village proche de Split (to split, en anglais, signifie séparer, mais ce n'est qu'une coïncidence) qui va beaucoup changer en 3 décennies. Plutôt en empathie pour ses personnages, l'auteur est cependant assez lucide sur les failles humaines et les ravages du temps, tout en ne cachant pas son peu de goût pour l'évolution de son pays, qui a perdu un peu de son âme en la "vendant" à la manne touristique. Le livre n'est donc pas des plus optimistes ou des plus joyeux mais à travers un fait divers il réussit à nous plonger dans l'histoire intime et publique d'une nation qui fêtera ses 30 ans d'existence le 25 juin. Et Silva dans tout ça ? La retrouvera t-on vivante ou morte ? Voici la vérité : elle est ...

Cinephile-doux
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mes livres de 2021

Créée

le 27 mai 2021

Critique lue 249 fois

6 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 249 fois

6

D'autres avis sur L'Eau rouge

L'Eau rouge
JohnPaulGeorge
9

Plongée dans une Croatie en pleine mutation !

Silva a disparu en 1989. Durant 30 ans, Mate, son frère jumeau, la recherche à Split, Belgrade, Barcelone, Milan, Göteborg, … Les destins des uns et des autres sont complètement bouleversés par ce...

le 22 août 2021

3 j'aime

L'Eau rouge
michel13012
8

excellent polar noir croate

dans ce roman croate, on découvre à quel point le poids de la famille est étouffante! une jeune fille disparait dans un petit village, et tout déraille ( pour la famille, les voisins, le...

le 11 nov. 2021

2 j'aime

L'Eau rouge
jmlaffont
9

Critique de L'Eau rouge par jmlaffont

Plutôt qu'un polar, "L'eau rouge" est une fresque sur l'évolution de la Croatie de 1989 à 2017. Vingt-huit années qui vont la voir passer du statut de l'une des six républiques populaires de la...

le 2 oct. 2023

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

75 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13