Liberté de la foi : la Résistance spirituelle

Comment écrire sur ce livre ?


Comment rendre compte d’une telle lecture qui m’a bouleversée comme je ne l’avais pas été depuis longtemps par un livre ?


Comment dire ce que représente l’existence d’une telle femme pour l’humanité ?


Je connaissais l’histoire d’Etty Hillesum, j’avais lu La vie parfaite consacrée à son mysticisme par Catherine Millot. Sa rencontre n’en n’a pas été moins sidérante pour autant.


Il faut simplement la lire, l’écouter, la suivre. A travers Etty Hillesum, on a un accès direct à Dieu.


« Autre leçon de cette matinée : la sensation très nette qu’en dépit de toutes les souffrances infligées et de toutes les injustices commises, je ne parviens pas à haïr les hommes . Et que toutes les horreurs et les atrocités perpétrées ne constituent pas une menace mystérieuse et lointaine, extérieure à nous, mais quelles sont toutes proches de nous et émanent de nous-mêmes, êtres humains. Elles me sont ainsi plus familières et moins effrayantes. L’effrayant c’est que des systèmes, en se développant, dépassent les hommes et les enserrent dans leur poigne satanique, leurs auteurs aussi bien que leurs victimes, de même que de grand édifices ou des tours, pourtant bâtis par la main de l’homme, s’élèvent au-dessus de nous, nous dominent et peuvent s’écrouler sur nous et nous ensevelir. » ( p. 107, ED. Points)


« La souffrance a toujours revendiqué sa place et ses droits, peut importe sous quelle forme elle se présente. Ce qui compte, c’est la façon de la supporter, savoir lui assigner sa place dans la vie tout en continuant à accepter cette vie. » (P. 142)


« (…) l’éventualité de la mort est intégrée à ma vie ; regarder la mort en face et l’accepter comme partie intégrante de la vie, c’est élargir la vie. A l’inverse, sacrifier dès maintenant à la mort un morceau de cette vie, par peur de la mort et refus de l’accepter, c’est le meilleur moyen de ne garder qu’un pauvre petit bout de vie mutilée, méritant à peine le nom de vie. »( p.146)


« (…) dans mes actions et mes sensations les plus infimes se glisse un soupçon d’éternité. »(p.149)


« Souvent, on se fâche quand je dis : « Que ce soit moi ou un autre qui parte, peu importe, ce qui compte, c’est que tant de milliers de gens doivent partir. » Il n’est pas vrai que je veuille aller au-devant de mon anéantissement, un sourire de soumission aux lèvres. C’est le sentiment de l’inéluctable, son acceptation et en même temps la conviction qu’en fait, rien ne peut plus nous être ravi. Ce n’est pas une sorte de masochisme qui me pousserait à vouloir partir absolument, à désirer être arrachée aux fondements de mon existence, mais serais-je vraiment très heureuse de pouvoir me soustraire au sort imposé à tant d’autres ? On me dit : « quelqu’un comme toi a le devoir de se mettre en sureté, tu as encore tant de choses à faire dans la vie, tant à donner. » Mais ce que j’ai ou non à donner, ne pourrai-je pas le donner où que je sois, ici dans un petit cercle d’amis ou ailleurs dans un camp de concentration ». ( p. 174, écrit un an avant sa mort à 29 ans, c’est exactement ce qu’elle fera).


« Le seul genre de dignité humaine qui nous reste en cette époque terrible : s’agenouiller devant Dieu. » (p.188)


« A ce bureau, au milieu de mes écrivains, de mes poètes et de mes fleurs, j’ai tant aimé la vie. Et là-bas, au milieu de baraques peuplées de gens traqués et persécutés, j’ai trouvé la confirmation de mon amour de cette vie. » (p.214)


Dernière phrase de son journal : « On voudrait être un baume versé sur tant de plaies. »


Une partie de l’humanité est morte à Auschwitz avec Etty Hillesum.

jaklin
10
Écrit par

Créée

le 21 nov. 2022

Critique lue 209 fois

24 j'aime

27 commentaires

jaklin

Écrit par

Critique lue 209 fois

24
27

D'autres avis sur Une vie bouleversée

Une vie bouleversée
Mnemosynnaf
10

"Le coeur pensant de la baraque"

Il émane du journal et des lettres d'Etty Hillesum une grande force d'âme, qui se communique aussitôt au lecteur. Ces écrits sont admirables à tout point de vue (éthique, littéraire, historique,...

le 21 mars 2016

7 j'aime

3

Une vie bouleversée
aaiiaao
9

Critique de Une vie bouleversée par aaiiaao

Quelle lecture… Etty (je ne peux pas l’appeler autrement, elle m’a semblé si proche de moi) traverse la Seconde Guerre Mondiale à Amsterdam, et scrute les « vastes et libres prairies de son...

le 25 sept. 2020

4 j'aime

4

Du même critique

L'Étranger
jaklin
8

L’ athéisme triste ou le triste athéisme

Après l’approche assez originale de Daoud, il est temps de revenir sur un devenu classique hors- norme : L’ Étranger de Camus. Tant il est me semble t’il aimé pour de mauvaises raisons : une langue...

le 22 août 2018

56 j'aime

91

Douze Hommes en colère
jaklin
9

La puissance du Bien

« 12 hommes en colère » est l’un des films que j’ai le plus vus, avec fascination, avec émotion. C’est un huis-clos étouffant donnant pourtant à l’espace réduit une grandeur étonnante – et le...

le 17 févr. 2019

53 j'aime

34

Les Français malades de leurs mots
jaklin
7

La langue chargée

Etudiant l’abâtardissement de la langue française , Loïc Madec met à nu une France « ahurie et poltronne ». De la culture populaire au jargon des élites, la langue révèle le profond affaiblissement...

le 26 juil. 2019

49 j'aime

125