Un premier constat s'est imposé au cours de la lecture de ce livre : je jubilais à la moindre découverte, la plus petite anecdote sur ce studio que j'admire depuis maintenant bien longtemps, et son pilier (pour le moment) inébranlable, Hayao Miyazaki.
Mais difficile de le recommander aux personnes qui "apprécient" simplement la sortie d'une production Ghibli, sans chercher davantage.
C'est un livre écrit par un fan, pour les fans.

Génèse vécue de l'intérieur par l'un des premiers collaborateurs de Miyazaki et Takahata, encore aujourd'hui indissociables du studio (les intéressés étant probablement ceux à le regretter le plus amèrement, ainsi que cela a été souligné par diverses interviews, et confirmé dans cet ouvrage), "Dans le Studio Ghibli..." est un peu difficile à catégoriser.
L'auteur y livre son parcours personnel, intimement mêlé à la création et l'existence du studio jusqu'à nos jours, mais aussi les bruits de couloir de ce dernier, les rapports humains y régnant et une part de la psychologie de ses principaux contributeurs et partenaires, en un enchevêtrement apparemment déstructuré de discussions.

Je m'arrête un instant pour établir un parallèle, qui vaut ce qu'il vaut, avec le film Une séparation vu hier.
Lorsqu'on lit un bouquin anglophone, ou qu'on visionne un film américain, il est rare que nous, lecteur/spectateur européen, soyons déstabilisés.
Références communes, cultures globalement proches, le discours est familier tant sur le fond que la forme.
Ici tout est bien différent.
Les attitudes des protagonistes, sans aller jusqu'à choquer, étonnent régulièrement. Et la narration de Suzuki est empreinte d'une indéniable fragilité. Une simplicité, une franchise confinant parfois à la candeur, dont l'esprit occidental n'aura de cesse de soupçonner l'honnêteté, y voyant possiblement de la manœuvre commerciale, a fortiori venant d'un producteur.
Je ne connais pas suffisamment la culture nippone pour savoir la part de com' et celle d'authentique spontanéité.
C'est en tout cas surprenant et agréablement original à lire, venant de la part d'un auteur, a fortiori d'un producteur.

Bref, en une chronologie approximative, on approche de près les rouages internes qui ont mené à la fondation du Studio Ghibli, et les méandres internes qui régissent son fonctionnement, les quelques heurts qui agitent les lieux lors de la réalisation des chef-d'oeuvres que nous avons ensuite le bonheur de découvrir à l'écran.

Cela a notamment été, pour ma part en tout cas, l'occasion de découvrir le lien extrêmement fort existant entre Maître Miyazaki et son homologue Takahata, dont le statut "d'extérieur" au studio n'est que le résultat d'une décision personnelle, issue de convictions fortes et éthiques. Non pas que le studio soit un repaire de corruption ou autre, mais cela ne correspond tout simplement pas à sa vision du rôle d'un réalisateur de films d'animation, que d'être partie intégrante d'une structure.
Plus que cela, la perception des oeuvres respectives de ces deux génies étant ce qu'elle est chez nous, la notoriété de Miyazaki est supérieure. Or la surprise a été grande en découvrant que les rapports de "hiérarchie" (non pas dans le sens entreprise du terme, mais au sein de leurs relations personnelles) est inversé, et que c'est Miyazaki qui voue une grande admiration à son aîné, cherchant constamment son approbation.

Je reviens beaucoup sur ces deux personnages pour diverses raisons.
Tout d'abord je l'ai déjà évoqué, ils restent (malheureusement selon eux) indispensables à la réussite de Ghibli.
Ensuite l'auteur lui-même leur consacre de nombreuses pages, anecdotes. Cela semble inévitable tant leur rôle a été déterminant dans la naissance et l'épanouissement du studio.
Enfin, pour des raisons purement personnelles bien sûr, vouant moi-même une grande admiration pour ces deux hommes.


Au registre des reproches maintenant.

Si la lecture de ce livre a été une expérience intéressante comme mentionné ci-avant, son côté "fouillis" avait parfois quelque chose d'exaspérant, même si en contrepartie on avait l'impression de discuter autour d'un verre avec l'homme, et qu'il répondait simplement, spontanément, aux questions qu'on aurait pu lui poser. Il relate l'histoire de sa vie à un vieil ami pas vu depuis longtemps, voilà par moment ce que l'on peut ressentir. Oui, ça va jusque là.
On apprécie ou non, pour ma part cela dépendait des moments.

Mais surtout, le texte est émaillé de nombreuses, et parfois longues, citations de livres ou interviews antérieurs, tant et si bien que le contenu purement original donne l'impression lors des pires passages de ne servir que de liant à une accumulation de copier-coller.
Alors certes, nombre de ces références ne sont pas forcément disponibles dans le commerce (non éditées en France, ou émanant de documents internes au Studio Ghibli) et en cela leur recueil est bienvenu.
Mais à d'autres moments, cela laisse une désagréable impression d'assimiler un best-of mal assumé, un peu comme ces épisodes "compilation" dans les séries, qui se contentent de reprendre des extraits d'épisodes précédents.
Cette sensation n'est heureusement pas permanente hein, rassurez-vous.


Voilà voilà.
Pour les inconditionnels de Ghibli, je ne peux que suggérer la lecture de ce bouquin, qui se dévore en 2-3h et donne furieusement envie de vérifier la disponibilité des ouvrages constituant la bibliographie :-P
SeigneurAo
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le 3 mars 2012

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SeigneurAo

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