Petit traité de politique à usage révolutionnaire. Soit les commandements pour bien vivre dans une société anarchiste, basée sur une multiplication de communes réunies dans une sorte d'internationale détachée de toute emprise étatique, et qui de loin ressemble quand même beaucoup à l'image d'Épinal qu'on peut se faire de l'UE. D'ailleurs beaucoup des idées avancées, présentées comme idéales, sont déjà mises en place dans nos sociétés, et occupent une large part dans l'UE, mais pas nécessairement dans le sens du système respectueux des libertés individuelles qui est avancé ici.


Avancé, car malheureusement pas assez développé pour que tout doute soit levé sur cette vision internationalisante, basée sur une union fédérale de corporations révolutionnaires unies contre la "réaction" (soit les États réactionnaires) avec entre autres une armée temporaire, une libre circulation des hommes et des capitaux (citée comme "liberté de commerce") et des codes stricts sur la politique internationale.


Cette même union révolutionnaire devrait toutefois ne pas empiéter sur la souveraineté des peuples, de l'aveu même de l'auteur. Souveraineté reconnue comme la condition sine qua non pour que la liberté de chacun soit garantie, et que la richesse et la diversité des "races" soit assurée. On peut donc y voir une forme de contradiction (surtout à la lumière de la situation actuelle), comme on peut se poser des questions sur le modèle national ici présenté, basé sur une structure pyramidale inversée (de bas en haut, au lieu de l'inverse), selon l'idée que chaque commune est régie par une province, qui elle-même est régie par une région, etc. etc., avec en dernière instance une juridiction nationale qui formerait le socle législatif de base (sans développer davantage quelles seraient les lois prioritaires et constitutives) de ces fédérations locales.


Soit un modèle national non centralisateur, antimonarchique et anticlérical qui imposerait un ensemble de règles communes aux "communes" (ça ne s'invente pas), comme l'union des nations révolutionnaires imposerait un ensemble de règles à ses États membres, soit finalement un modèle très proche de l'UE. Est par exemple soumise l’idée d’armée non permanente, à visée non belligérante, et soumise à l’approbation de tous les États avant d’entrer en conflit. La désapprobation d’un État qui exercerait abusivement son « droit d’ingérence » (compris dans le sens actuel) conduirait à l’excommunication de cet État de la fédération des nations révolutionnaires. Soit une politique militaire commune, régie par l’idée que les citoyens seraient responsables de la sécurité intérieure, armés « comme aux États-Unis ou en Suisse ». Soit une armée populaire pour éviter justement que l’armée professionnelle et étatique ne soumette le peuple à son diktat. Idée encore assez peu développée pour en voir suffisamment les travers…


Pour parler du cœur même de cette société, j'aurais aimé que le concept et la conception de l’auteur du travail soient développés, car à mon sens le travail est ici trop sacralisé, avec la seule condition légère et pas exemplifiée que ce dernier doit être détaché de toute forme d'esclavage et par conséquent de mise sous tutelle de sa liberté au profit d'un employeur privé (le salariat, en gros, en distinguo de la libre association). Aussi, ceux qui ne prendraient pas part au travail collectif, basé sur une multiplicité d'associations, dans le système décrit, sont explicitement qualifiés de parasites, déchus de leur citoyenneté.


Exclusion qui concerne aussi les repris de justice, qui ne seraient pas condamnés à de lourdes peines de prison mais seraient de facto rejetés de la société, et donc déchus de leurs droits, relégués à la « loi naturelle ». Soit une sécession individuelle du délinquant ou criminel, sanctionnée directement par la vindicte populaire, qui a tout droit et qui est même encouragée à le rejeter de ses communautés locales.


Dans l’absolu, le modèle antique est réfuté, pour sa dichotomie philosophes/esclaves, rapporté à la dichotomie contemporaine de l'auteur, à savoir rentiers/prolétaires. Cette distinction serait abolie, à terme, par une meilleure éducation de l’enfance à l’âge adulte, sans distinction de classe, car ces mêmes classes seraient dissolues dans le nouveau modèle social égalitaire et respectueux des différences de chacun (intellectuelles, physiques, sexuelles…). L’objectif est donc d’une certaine manière d’aboutir à la fin de l’aliénation (pas cité avec ce terme) d’une majorité « abrutie » (selon les termes de l’auteur) par une minorité improductive matériellement et intellectuellement, car l’inactivité des classes oisives aurait pour effet de faire décroître leur intelligence et par conséquent tout progrès scientifique. D’où l’intérêt du travail associé aux loisirs pour créer un être équilibré, dont les facultés intrinsèques (définies par plusieurs facteurs déterministes) seraient mises au service de la société, qui par effet mécanique entraînerait le progrès individuel.


Abolition de classes qui conduit à une abolition des privilèges, parmi lesquels l’héritage, qui ne fait que reproduire de génération en génération un privilège de classe. Le profit personnel, tant qu’il est admis par la société, n’est toutefois pas réfuté, car il est reconnu comme un juste retour proportionnel à la force de travail développée au sein de cette société. La fin des classes ne veut donc pas dire la pauvreté pour tous, comme veulent le faire croire les apologètes contemporains du capital (au hasard, Jacques Attali).


On peut également souligner l'importance de l'élection au suffrage universel comme moyen de contrôle de la politique public. Dans la société imaginée, chaque fonctionnaire serait élu démocratiquement, cependant sans préciser s'il ne s’agit que des hauts fonctionnaires, et à quelle échelle ces fonctionnaires joueraient leur rôle.


Ces 30 pages passent donc trop vite pour que les thèmes abordés soient approfondis, ce qui n’empêche toutefois pas les redites, notamment sur la souveraineté des peuples et des individus sur leurs propres existences, et sur la nécessaire éducation de tous pour le progrès social et la participation active de chacun à la société, sous tous ses aspects (travail, politique, éthique…). N’en demeure pas moins que les thèmes développés sont intéressants, au regard de ce qui se passe actuellement au niveau supra-national, et pour mieux les rapporter à ce qui semble avoir été concrétisé, notamment dans l’éducation de tous, avec quelques divergences par rapport au projet initial...

Adrast
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le 31 juil. 2015

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