"Ce livre est la raison pour laquelle je suis venu au monde". Entré tard en littérature, après un passage agité dans l'activisme politique (de l'extrême droite à l'extrême gauche), Antonio Pennacchi a jeté toute ses forces dans Canal Mussolini : son héritage familial, dans une saga picaresque et tonitruante, qui dépeint les 50 premières années du XXe siècle en Italie, à travers le prisme bien particulier des més(aventures) de ses ascendants, paysans fascistes jusqu'au bout de leurs sabots et fiers de l'être. Le livre, autant chronique historique, fourmillant d'informations, que farce hénaurme déguisée en opéra bouffe est un roman fleuve qui menace à tout moment de déborder et d'inonder la plaine. Pennacchi raconte avec une verve insolente et iconoclaste l'attachement de la famille Peruzzi au fascisme, dont quelques uns des membres moururent d'ailleurs dans les campagnes d'Ethiopie et de Russie. Les personnages sont innombrables, mais la "star" du roman est ce Canal Mussolini, au sud de Rome, et l'entreprise herculéenne que fut l'assèchement des marais Pontins, avec l'aide d'une foultitude de paysans déracinés, issus notamment de Vénétie. L'auteur est le roi de la digression, une anecdote en entraîne une autre et c'est parti pour un long retour en arrière qui précède un nouveau saut dans le temps jusqu'à l'époque contemporaine. Miraculeusement, Pennacchi retombe toujours sur ses pieds et le fleuve reprend son cours. Le romancier a une tendresse avouée pour les Peruzzi, normal, c'est sa propre famille, et explique, on peut même dire excuse, son attachement au Duce, qu'elle a côtoyé à plusieurs reprises. Nostalgie pour les années fascistes ? Certes, oui, même si Pennacchi prend soin, de temps à autre, d'émettre quelques menues critiques. Son style est torrentiel, usant du parler fruste de ces paysans, et en apostrophant régulièrement le lecteur pour lui faire comprendre que "c'était comme cela et pas autrement, qu'on vienne lui prouver le contraire". Autant dire que Antonio Pennacchi se contrefout du politiquement correct. Il raconte avec ses mots, exagère et caricature avec une mauvaise foi évidente. De toute manière, c'est à prendre ou à laisser, et ceux qui font la moue ou protestent contre cette subjectivité assumée peuvent aller se faire voir, dixit plus ou moins l'auteur. On n'est pas obligé d'adhérer au propos, mais bien forcé d'accepter le pouvoir d'évocation de ce roman titanesque et outrancier.

Cinephile-doux
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le 13 avr. 2017

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