Cover Woody Allen et l'autoportrait cinématographique

Woody Allen et l'autoportrait cinématographique

À noter que je donne ici mon interprétation et que la subjectivité est souveraine au sein de mes analyses. Si je rédige ces commentaires, c’est que je me dis qu’à chaque nouvelle analyse d’un film, on parvient un peu plus à se rapprocher d’une compréhension collective totale.

Liste de

12 films

créee il y a plus de 3 ans · modifiée il y a plus de 2 ans

Prends l'oseille et tire-toi !
7

Prends l'oseille et tire-toi ! (1969)

Take the Money and Run

1 h 25 min. Sortie : 21 juin 1972 (France). Comédie, Policier

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 6/10.

Annotation :

Pour son premier essai à la réalisation (parce que, il faut le dire, l’ensemble a plus l’apparence d’une expérimentation que d’une œuvre à part entière), Woody Allen s’imagine cambrioleur, ne transgressant toutefois pas les lois par anticonformisme, mais plutôt en raison d’une nullité généralisée dans toutes les sphères de la vie. Inadapté, endurant mal l’intimidation sociétale faite à son égard (il se trouve être recherché pour exhibition de tête à claques et voit ses lunettes écrasées volontairement à de multiples reprises, et ce, tant par des inconnus que par un juge, symbole suprême de l’impartialité) et renié par ses parents, Virgil nage dans l’insécurité, allant jusqu’à échouer dans sa criminalité : il incarne donc l’archétype du perdant sympathique, le raté malgré lui. Derrière les airs de simplicité qu’offre le film à travers ses gags efficaces mais vains et son protagoniste explicitement calqué sur Charlot, Prends l’oseille et tire-toi parvient tout de même à élaborer un propos assez pertinent qui témoigne de l’intelligence (pas encore totalement maîtrisée ni ordonnée) de son créateur. Le film peut en fait être perçu comme une forme de plaidoyer en faveur des marginaux, ces braves gens maladroits se heurtant à une société où ils ne peuvent s’intégrer et qui, par son ultra-codification (voir les scènes de braquage de banque), rend risibles leurs actions. Ayant une vision infiniment noble de l’amour (le personnage principal est un véritable romantique comme le démontre nombre de séquences sentimentales) sans encore y voir le second tranchant des relations conjugales, Prends l’oseille et tire-toi esquisse certains des thèmes qui composeront plus tard le corps de la filmographie Woody Allen (le désir inassouvi, le sentiment d’être étranger, le refus du mysticisme ou la remise en question professionnelle), mais s’essouffle petit à petit, que ce soit à cause des gags trop superficiels parsemant le récit ou du postulat de base en soi trop vacillant, et s’achève sans avoir réussi à faire un véritable effet sur le spectateur.

Bananas
6.5

Bananas (1971)

1 h 22 min. Sortie : 3 mai 1972 (France). Comédie

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 5/10.

Annotation :

Avec la première scène annonçant le ton fanfaron qu’arborera le reste du récit (probablement la séquence la plus brillante du film), Woody Allen appose habilement à son film une critique caricaturale des États-Unis (et de ses médias) où il dénonce leur fascination morbide pour la politique étrangère (particulièrement envers les pays d’Amérique Centrale) qu’ils perçoivent comme un divertissement, allant jusqu’à mettre en scène l’actualité. Outre ce propos disparaissant dès que l’ouverture prend fin, bien peu de choses sont à retenir de Bananas, sorte de continuation de Prends l’oseille et tire-toi qui conserve les mêmes thèmes, mais tente maladroitement de les étoffer. S’y retrouve une ridiculisation du système judiciaire états-unien qu’Allen considère être une mascarade sans queue ni tête (cette moquerie prend la forme d’un hommage à la scène du procès de La Soupe au canard), mais aussi une exhibition de la superficialité des relations humaines ainsi qu’une remarque acide portant sur le dégoût humain de la différence (vécu à travers la ségrégation que subit le protagoniste). Éternel adolescent qui vit mal ses multiples désirs refoulés, le personnage principal enfile les échecs sans trop que son moral n’en soit affecté. Lorsqu’on observe attentivement, il devient évident que Bananas est un film vide et sans intérêt, et ce, d’un point de vue scénaristique comme cinématographique (toujours aucun travail de mise en scène ou de photographie). Toutefois, en raison du talent évident dans l’insertion de gags absurdes que possède Woody Allen, Bananas garde un certain charme qui n’en fait ni un bon film ni un mauvais.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander
6.5

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander (1972)

Everything You Always Wanted to Know about Sex but Were Afraid to Ask

1 h 28 min. Sortie : 6 août 1972 (France). Comédie, Sketches

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 6/10.

Annotation :

Avec son troisième essai à la réalisation, Woody Allen fait de ce qui n’avait été alors qu’une caractéristique peu affirmée de son cinéma le véritable thème central de son film : le désir sexuel, qu’il explorera de toutes les façons, des plus classiques aux plus incongrues. Thème-fleuve se subdivisant en de multiples rivières plus ou moins grandes (selon l’intérêt de chaque sketch), le désir, pouvant sembler un sujet propice à l’humour d’Allen, se révèle ici rapidement asséché. Probablement le plus sage des films de sa période pré-Annie Hall, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir… n’abuse pas du gag et use plutôt d’un humour situationnel où la mise en contexte en soi suscite le rire : avec Woody et les robots, c’est l’œuvre la plus empreinte d’un absurde kafkaïen. Doté d’une mise en scène plus élaborée, d’une utilisation de la couleur consciente et d’un travail de la composition où point un début de maîtrise cinématographique, le drôle de film qu’est Tout ce que vous avez toujours voulu savoir…, anecdotique comme l’étaient ses deux précédents, renferme une ingéniosité sympathique (notamment dans le dernier sketch savoureux), mais relève encore de l’éphémère, étant trop pauvre dans son propos si tant est qu’il tient un quelconque propos… Ainsi nous apparaît un film inégal, non désagréable à regarder, mais tout de même faiblard.

Woody et les Robots
6.5

Woody et les Robots (1973)

Sleeper

1 h 29 min. Sortie : 1 mai 1974 (France). Comédie, Science-fiction

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 7/10.

Annotation :

Miles Monroe se réveille d’un long sommeil réparateur, cryogénisé depuis 1973, il se retrouve en 2173 au sein d’une société futuriste haute en couleur. Tentant de fuir le joug xénophobe des autorités, Miles découvrira un monde régi par l’absurdité et étrangement semblable au sien. Dès les premières minutes, Woody et les Robots frappe par sa mise en scène, ses décors et son utilisation des couleurs. Woody Allen s’affirme donc comme un réalisateur et metteur en scène au grand talent en plus d’être un dialogueur et scénariste hors pair. À travers le ridicule de la société de 2173, il dresse un portrait cynique des États-Unis, se moquant des milieux bourgeois aimant à s’autocongratuler. C’est aussi l’occasion pour lui de questionner la superficialité des relations humaines, souvent trop peu profondes et où la sexualité sert d’exutoire et renie tout caractère relationnel (orgasmotron). De plus, son utilisation des couleurs est plus qu’intéressante puisqu’elle brouille toute notion de bien ou de mal, tantôt associant le noir aux autorités/police, tantôt l’associant aux rebelles. De sorte que le blanc se retrouve synonyme de pureté, mais aussi de tyrannie selon celui qui l’affiche. En bref, on assiste à un film très sympathique, accompagné d’une brillante musique composée par Allen, mais qui reste cependant un tant soit peu anodin et n’atteint pas les niveaux de réflexion de ses films à venir.

Guerre et Amour
7.2

Guerre et Amour (1975)

Love and Death

1 h 25 min. Sortie : 10 septembre 1975 (France). Comédie, Guerre

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 8/10.

Annotation :

Entre personnification de la mort (non sans rappeler Le Septième Sceau), existentialisme partiellement assumé et vision pessimiste des amours (« Si l’on veut être malheureux, il faut aimer. »), Guerre et Amour regorge d’une énergie pétulante et, à travers ses scènes électrisantes semblables à des cabrioles, parvient à transmettre un message antimilitariste surmonté d’un aphorisme sur le poids du meurtre. Ici, Woody emprunte encore au registre du burlesque lors de scènes provoquant l’hilarité, mais ne se contente pas seulement de cet humour physique, il l’adjoint d’un humour plus cérébral, versant dans l’introspection. Parsemant le récit de délicieux anachronismes, Allen fait de la guerre une chorégraphie et orchestre chaque geste et mouvement avec la précision d’un orfèvre, ajoutant toujours une ou deux répliques bien senties : « Tu parles d’une ratatouille! » Ainsi se dessine lentement dans le film, tel un crescendo, le rôle type qui définira le protagoniste Allenien : ce fameux peureux impertinent, désabusé et hautain malgré lui, en proie à des craintes démesurées qui font pouffer de rire son entourage, étranger même au sein de sa famille. Dans une scène de fin libératrice, le sympathique protagoniste se voit emporté par la mort mais, au lieu de ruminer ses peurs, accepte enfin son destin et entreprend de gambader avec la mort tels deux amis de longue date : tout le génie comique du réalisateur se révèle enfin et son pessimisme devient plus joyeux, il acquiert une part de céleste. Avec ses monologues où il interpelle le spectateur et met fin à la linéarité narrative de ses précédents films, Allen pave le chemin, prépare le retentissant Annie Hall.

Annie Hall
7.4

Annie Hall (1977)

1 h 33 min. Sortie : 7 septembre 1977 (France). Romance, Comédie dramatique

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Le sommet d'une carrière, le pic d'une œuvre qui depuis quelques films pointait vers le haut, se dirigeait vers la lune. On dit : vise la lune et accroche-toi aux étoiles; Woody, lui, est atterri en plein sur le territoire lunaire, rien de moins. Woody fait d'Annie Hall la catharsis de sa relation amoureuse avec Diane Keaton, et il le fait brillamment, intelligemment, sans omettre aucun détail sur son caractère, se diminuant pour mieux sublimer le personnage d'Annie Hall. Cristallisant la beauté d'un amour, Woody Allen fabrique une œuvre en tout point épatante; une œuvre humaine trahissant les préoccupations d'un être anxieux à l'extrême, mais terriblement sympathique. Renversant.

Pour un avis plus étoffé, voir ma critique.

Intérieurs
7

Intérieurs (1978)

Interiors

1 h 33 min. Sortie : 2 août 1978 (États-Unis). Drame

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

La blancheur diaphane de l’image, les vastes espaces et l’éclairage en clair-obscur se métamorphosent, sous la majestueuse direction photographique de Gordon Willis, en miroirs qui reflètent et répercutent les peines des protagonistes. L’éclairage baroque, digne d’un Rembrandt, inspiré entre autres des images de Sven Nykvist et qui manie l’obscurité et la clarté avec une virtuosité impressionnante, impose un charme gorgé de spleen et encapsule adroitement la tempête émotionnelle au sein du manoir aux cœurs brisés. Tressant un douloureux sillon d’affres et de détresse, Intérieurs est un joyau brut dont les imperfections moirent et accentuent la beauté, encapsulant à travers une pénible mais sublime narration toute l’incompréhension inhérente à la condition humaine. (Tiré de ma critique.)

Pour un avis plus étoffé, voir ma critique.

Manhattan
7.5

Manhattan (1979)

1 h 36 min. Sortie : 5 décembre 1979 (France). Comédie, Drame, Romance

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Dans un mal être des plus insoutenables, les personnages de Manhattan évoluent, tentant tant bien que mal de vivre une vie débridée, libre de toute contrainte et où seule la raison est maître. Seulement, comme toujours dans les films de Woody Allen, l'être humain nage dans le paradoxe et est incapable d'agir de façon rationnelle : de cette constatation naît le chef-d'œuvre qu'est Manhattan, véritable incursion dans le déséquilibre commun des protagonistes. Entre classicisme esthétique époustouflant, introspection sur la place publique à la fois rigolote et tragique et existentialisme allenien où la vie semble n'être qu'un enchaînement sempiternel de défaites et d'humiliations, Manhattan s'impose comme la plus brillante des œuvres incertaines et peut-être comme l'apogée du cinéma d'Allen.

Pour un avis plus étoffé, voir ma critique.

Stardust Memories
7.1

Stardust Memories (1980)

1 h 29 min. Sortie : 5 décembre 1980 (France). Comédie dramatique

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Film de la désorientation conjugale, de la détresse artistique et de la psychanalyse personnelle, Stardust Memories est une œuvre brillamment construite, dotée d'une photographie (aux airs felliniens) magnifique et qui, malgré un narcissisme des plus exacerbés, parvient à émouvoir le spectateur et suggère maints questionnements d'une lucidité redoutable.

Pour un avis (quelque peu) plus étoffé, voir ma très courte critique (censée être un commentaire figurant sur cette liste, mais trop longue pour Senscritique...).

Comédie érotique d'une nuit d'été
6.9

Comédie érotique d'une nuit d'été (1982)

A Midsummer Night's Sex Comedy

1 h 28 min. Sortie : 13 octobre 1982 (France). Comédie, Fantastique, Romance

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Opérant un joyeux et léger ressourcement vers l'humour excentrique de ses premières œuvres, Allen, peut-être encore trop appesanti par les gigantesques gratte-ciels que furent Annie Hall et Manhattan, délivre un film simple et fort peu dense en cela qu'il se contente de sonder un seul thème : le désir (et, par extension, l'amour). Transformant son film en une superbe fantasmagorie, Allen magnifie et surréalise l'image, creusant ainsi le fossé distinguant le propos, au final peu joyeux puisqu'il traite des dysfonctionnements amoureux, de la photographie, empreinte d'inconscience et d'onirisme. « À l’aura rassurante, Comédie érotique d’une nuit d’été, parce qu’il est un joyau plastique et qu’il est doté d’une joie de vivre à la candeur absolue, insuffle à un banal huis clos une énergie excentrique qui confère un charme génial à cette œuvre d’un optimisme inaltérable. » (Tiré de ma critique)

Pour un avis (quelque peu) plus étoffé, voir ma très courte critique (censée être un commentaire figurant sur cette liste, mais trop longue pour Senscritique...).

Zelig
7.3

Zelig (1983)

1 h 19 min. Sortie : 14 septembre 1983 (France). Comédie, Fantastique

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 7/10.

Annotation :

S’en retournant aux ambitions primaires qui avaient motivé son premier long métrage Prends l’oseille et tire-toi, consistant à subvertir le genre du documentaire pour relever l’humour au cœur d’un réalisme plus austère, dénué d’artifices, Woody Allen compose son traité sur l’exclusion sociétale avec une mordante sagacité qui refuse les carcans bienpensants au sein de sa démarche, tanguant en permanence entre la blague savoureuse et les limites du déplacé. Peu à peu, ce que le réalisateur dépeint comme une névrose personnelle chez Zelig se globalise et finit par concerner la population nord-américaine dans son ensemble, les troubles psychologiques d’un individu se fondant au sein d’une plus vaste maladie, un immense malaise sociétal. Le narcissisme usuel d’Allen se meut alors en amère critique des comportements sociaux de son époque (qu’il transpose brillamment aux euphorisantes années 1920); l’œuvre nage ainsi entre des thèmes déjà esquissés par le metteur en scène, mais jamais auparavant autant approfondis et mis en relief. Marginalisation des inadaptés, objectification de l’anormalité (les différents sont changés, par le regard de la collectivité, en phénomènes de foire ou, pire selon Allen, en spécimens de laboratoire), spectacularisation de l’étrangeté, tentatives répétées de catégoriser des êtres humains, de les insérer dans des cases, et antisémitisme généralisé : le procès des États-Unis qu’échafaude Allen est non seulement inattaquable tant son exécution est tranchante et précise, mais il évoque une Amérique sombre, pervertie et foncièrement repoussante. Dévouant pleinement sa virtuosité narrative à la forme empruntée (le documentaire) ainsi qu’à ses carcans stylistiques, l’auteur à la plume acérée remodèle avec force inventivité le mythe du héros public nord-américain. Woody Allen délivre une anecdote (un fait divers même) dotée d’une telle maîtrise du montage qu’elle adopte la forme d’une aventure envoûtante où paraît ultimement, comme la clôture d’une étape dans l’œuvre dantesque du réalisateur, une vulnérabilité nouvelle chez celui-ci, l’énonciation frontale et dépouillée de son incapacité à s’ouvrir (et, par extension, à s’accepter comme il est). Touchant.

La Rose pourpre du Caire
7.4

La Rose pourpre du Caire (1985)

The Purple Rose of Cairo

1 h 22 min. Sortie : 29 mai 1985 (France). Comédie, Fantastique, Romance

Film de Woody Allen

Émile Frève a mis 7/10.

Annotation :

C’est avec une frontalité nouvelle que Woody Allen aborde, en dessinant une intrigue ancrée dans un sordide réalisme, les tréfonds de la pauvreté, les abysses de la médiocrité, de la violence et du mépris; pour la seconde fois seulement, le metteur en scène ne figure plus à l’avant de la caméra, le narcissique invétéré s’étant effacé dans le but de laisser évoluer l’ambiance malade de l’œuvre, de permettre à la détresse de proliférer pleinement et d’ultimement coloniser l’image. L’austérité d’une époque, à laquelle Allen s’identifie, est dépeinte avec justesse et ses travers, conséquences d’un capitalisme impitoyable, sont identifiés précisément, hargneusement. L’insensibilité de son entourage quant à ses comportements, sa peine à subvenir aux besoins de son mari ajoutées à ses envies illusoires de romance romanesque font de Cecilia une Madame Bovary des temps modernes, qui raconte la misère et la mort des mirages capitalistes.
Car bien qu’il aborde à travers cette crise économique ses affres du néant, la marginalisation des extravagants ou encore la pauvreté des créations cinématographiques offertes au grand public, Allen formule une question devenue fondamentale durant la période où il tourne La Rose pourpre du Caire : est-t-il envisageable d’alimenter notre existence uniquement de fantasmes et de rêves candides? peut-on refuser la réalité monotone et fabriquer de toute pièce notre propre réalité? Il y répondra catégoriquement, avec l’une de ses conclusions les plus cruelles, restituant parfaitement l’individualisme ravageur des États-Unis; toutefois, dans le retour à une vie malheureuse, il sera possible pour Cecilia, la protagoniste, de se baigner quelques heures durant dans l’univers réconfortant d’une salle de cinéma. Quoiqu’il se révèle être en vérité un simulacre du monde tangible, le septième art offrira donc toujours (et c’est en cela qu’il est salvateur) une porte de sortie, une échappatoire, momentanée certes, mais d’un lyrisme tellement envoûtant qu’elle saura pendant quelques heures guérir la profonde nausée de ses spectateurs. Ses teintes, volontairement affadies, et son style de réalisation assagi, en retrait, témoignent d’une fragilité nouvelle chez Allen qui ne cherche plus à imposer son style, mais à transmettre, avec la plus cohérente des formes, son brillant sous-texte.

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