Pour Comédie érotique d’une nuit d’été, film supprimant, en raison de son ton insouciant, toute sentimentalité qui aurait pu s’en échapper (à la fois sa plus grande qualité et son plus grand tort), Allen se ressource dans la légèreté extravagante de ses premières œuvres et, là où celle-ci parvenait difficilement à impressionner au début de sa carrière, la manipule avec délicatesse et subtilité, alimentant parcimonieusement son film de pointes humoristiques. Prenant place dans une maison de campagne britannique à l’abri des obligations capitalistes ainsi que des intellectuels pédants, le récit acquiert dans son emplacement édénique un catalyseur d’émotions : comme en témoignent de nombreux plans, la faune, sorte de miroir symbolique des protagonistes, est extrêmement fébrile. Les êtres humains le sont donc aussi et Allen, fin analyste des comportements, encapsule cette atmosphère tendue, remplie de non-dits et d’envies inassouvies, avec justesse. Irriguant l’histoire et réunissant une bande de personnages dépareillés fortement en proie aux remises en question (autant professionnelles que conjugales), le désir opère tel un agitateur érotique provoquant maints conflits personnels, mais en bout de ligne se révèle réparateur, ayant conduit au déliement du malaise général. Puisqu’il fait du désir son thème principal, Allen élabore une sympathique anatomie de la sensualité et adjoint aux chassés-croisés amoureux et sexuels qui composent son film quelques interrogations sympathiques formant, lorsque assemblées, une question somme : est-il possible de dissocier l’amour et le désir au sein d’une relation amoureuse? l’amour subsiste-t-il quand le désir n’est plus?
Comme moteur de gags, le film se dote d’une démarche métaphysique qui s’adonne à ridiculiser le rationalisme et le scientisme (ce qui provoque souvent des scènes jubilatoires), mais trahit toutefois une certaine paresse scénaristique lorsque comparée à Annie Hall, Manhattan ou Stardust Memories. Optant pour un romantisme photographique affirmé qui déguise l’apparence du film en une suave mélodie, Gordon Willis (à la photographie) accouche de superbes scènes, sublime les douces nuits d’été et, notamment avec certains plans d’ensemble enchanteurs, démontre une fantastique acuité de metteur en scène. À l’aura rassurante, Comédie érotique d’une nuit d’été, parce qu’il est un joyau plastique et qu’il est doté d’une joie de vivre à la candeur absolue, insuffle à un banal huis clos une énergie excentrique qui confère un charme génial à cette œuvre d’un optimisme inaltérable.