Inspiré par une critique dithyrambique et mon propre très vague et lointain souvenir, je me suis rapidement procuré ce jeu. J’ai mis directement en difficile, pensant que l’expérience en serait optimale, les jeux de cette époque récompensant la difficulté par la qualité de l’exécution, l’addiction et des souvenirs tendres après coup. Cent fois non! Je ne peux que cracher maintenant, malheureusement.

Essayant de voir quelque qualité qui rendrait quelqu’un nostalgique de ce jeu surestimé, à la vue de toutes les critiques positives attenantes, j’ai remarqué seulement les démembrements, la moustache du héros ainsi que les nombreuses cinématiques où héroïquement il s’échappe, tel un John McClane, alors que des explosions jaillissent derrière. Je voulais rajouter un point pour la moustache effectivement virile du héros, mais je me suis rendu compte que la frustration apportée par ce jeu surpasse de beaucoup trop la valeur, quelle qu’elle soit, de la moustache et des autres qualités suscitées. Car si cette virilité du héros devait ajouter quelque chose au plaisir du joueur, qui se croirait alors super-héros américain sauvant le monde de l’emprise des méchants terroristes russes, iraqiens, japonais etc., ça supposerait présence de plaisir déjà. Mais quel plaisir peut y avoir?

Chaque niveau, et ils ne se différencient guère que par les textures, se trouve être un long couloir mal scripté, avec moult tournants et espaces découverts remplis de snipers et d’embuscades: derrière chaque porte, à chaque fenêtre modélisée, parfois venant de derrière de façon la plus incongrue (et chiante), au moins un ennemi à la con attendant la venue du joueur. Ils ne bougeront la plupart du temps pas d’ailleurs, laissant une seule tactique pour les éliminer, à savoir, s’accroupir à couvert et à en sortir progressivement jusqu’à voir un bout de pied ou de bras et tirer quelques balles. Comme c’est amusant! Autrement on perd de la vie, sauter et louvoyer ne sert absolument à rien, puisque les ennemis sont alternativement bigles et lynx, même en difficile («Challenging», ils appellent ça: plutôt «Frustrating» j’aurais dit, vu que le suivant s’explicite «Unfair»; je n’ai pas osé l’essayer...).

À ce propos, le jeu peut presque se passer du fusil sniper, les pistolets étant comparablement précis: la lunette ne sert souvent qu’à tirer droit (car sans la lunette ça tire n’importe où, oui oui, les fusils à lunette marchent tout à fait comme ça...), et quelqu’un a eu l’idée de génie, l’idée du siècle de mettre du brouillard dans les niveaux ouverts. Du BROUILLARD. Tellement que, d’ailleurs, les ennemis arrivent à y voir très bien, et on se fait canarder par des snipers et les mitrailleurs sans voir où ils sont (mais à force de mourir aux mêmes endroits on retient leurs schémas d’apparition et on les tue à l’aveugle), ainsi que par des tourelles et des tanks (je parle surtout du niveau Sibérie 1, mais ça s’applique à d’autres). Parfois, même en sachant où ils sont postés et quand ils apparaîtront, on y va au coup de chance, tout dépendant de leur premier coup, si ils ratent où atteignent. Super génial.

Comme c’est mal scripté, souvent on les voit littéralement spawn devant nous (je pense à ce long couloir au niveau Allemagne 3, juste après l’activation du compte à rebours, quand un putain de commando à arme à rayon pop juste devant et tire immédiatement, heureusement j’avais sauvegardé là, je le passe un coup sur 2), ou mieux, derrière, dans les zones nettoyées (un magnifique exemple est dans Japon 1, dans un escalier du parking souterrain, où, quand on le monte en reculant, la zone reste vide, et quand on le monte en avançant, un ennemi pop derrière et enlève au moins la moitié de la vie d’un coup de pistolet). En parlant de spawn, les programmeurs ont cru intelligent de rendre les ennemis intouchables, même à bout portant, quand ils effectuent une roulade ou un saut de côté; j’ai beau tirer dans le tas, les balles disparaissent, rarement on les touche. Également, parfois même sans roulade, les balles passent à travers eux, et ça marche fort bien quand on est proche et quand on tire en rafale. Eux en revanche, parce que sinon ce ne serait sûrement pas drôle, non seulement visent très bien avec leurs pistolets (mieux qu’avec des mitraillettes, et ils sont plus réactifs) mais aussi enlèvent en un seul coup toute l’armure et un quart de la vie; leurs balles, évidemment, ne passent jamais à travers nous. Les balles par contre ne passent pas à travers leurs cadavres, règle stricte, du moins pour le joueur: merde à la fin, j’ai une mitrailleuse lourde à la main, vous avez sérieusement programmé que l’ennemi puisse se servir de ses camarades décédés comme bouclier? Car eux ne manquent pas une chance de tirer sur nous à travers ces mêmes cadavres, et nous atteindre.

J’ignore si c’est un bug (mais si c’en est pas, ça m’étonnerait pas), pourtant de sérieux en ont subsisté même dans la version Platinum (à moins qu’elle ne change rien). Et quand j’ai pour la première fois été coincé dans une porte (des toilettes du métro (niveau 1)), je ne me rendais pas compte alors que j’allais subir 30 niveaux de pur masochisme. «Un vieux jeu peut bien avoir quelques bugs», m’étais-je dit... ça s’est reproduit encore 2 fois, une tout à fait à la fin d’un niveau (si ça c’est pas chiant) et la deuxième fois j’ai été coincé dans un ennemi. Le telefrag du pauvre... Si on prend un mauvais angle pour monter à l’échelle on n’arrive pas à sortir sans redescendre, puisque le déplacement latéral est impossible. Un curieux bug permet de monter aussi sur des portes en sautant dans l’intérieur d’une porte ouverte par script (à essayer dans deuxième Irak 1, c’est là que j’ai découvert ça). Certes, c’est à peu près tout, mais avec les changements solide/non solide des ennemis, ça en fait trop.

Le level-design est inexistant. Un seul chemin s’offre devant, ce qui ne me gêne pas en soi, mais allié aux scripts, à l’absence de secrets et à l’aspect complétement artificiel du tout, ça devient un obstacle à l’installation d’ambiance; de surcroît le fait de devoir recommencer chaque passage des dizaines de fois à cause de l’ignorance de l’emplacement des ennemis ou du hasard de leur précision ne fait qu’indiquer combien ce jeu est irréaliste, et joue la carte du réalisme en vain. Car si on voulait faire passer le message de l’impossibilité d’infiltration dans des bases militaires bien gardées, ce jeu donne le meilleur exemple; sauf que c’est pas le but ici.

Non, ici c’est censé être «fun». Hohoho, regardez les démembrements, c’est tellement cool, en plus nous sommes les premiers à le proposer. Certes, peut-être mais vos démembrements sont morbides. Je trouve ce jeu cruel, et d’autant plus qu’il met le joueur dans un cadre réaliste. Je ne me réjouis du massacre que si le cadre entier me le rend attractif (je sais, hors contexte cette phrase sonnerait bizarrement). Or ici John Mullins a été un vrai mercenaire et le journal «Soldier of fortune» existe... ya comme un arrière-goût d’idéologie. Autre élément: l’histoire est parfaitement stupide et univoque, mais se prend vraiment au sérieux. Aucune saveur, contrairement aux histoires autrement stupides et univoques de DooM et Quake 2 par exemple, aucun recul sur soi-même, aucun humour, comme un DTV d’action, suprêmement chiant.

Je ne dis pas que les développeurs ont façonné le jeu sans humour et sans recul, simplement je n’en ai pas senti, les rares fois où j’ai ri étaient à ses dépens.

Quelques mots à propos des items, peu nombreux et aussi peu attrayants. La plupart ne servent à rien sauf occuper un espace dans l’inventaire (car oui, le jeu se prétendant réaliste, les emplacements pour les armes et les items sont limités (en difficile), sûrement par anticipation du fun que les joueurs en éprouveraient): les grenades flash, qui n’aveuglent personne, les lunettes de vision nocturne, dont je me suis pas une seule fois servi, les grenades à rayon d’explosion ridiculement petit, le C4 inutile mais à la limite substitut des grenades si n’en reste plus. Une ou deux armes suffisent pour le jeu entier. Le couteau est sûrement utile en multijoueur; les pistolets sont bien; le fusil à pompe est marrant mais randomisant; le sniper presque inutile; un mitrailleur silencieux inutile; un mitrailleur non silencieux cool en absence d’autre chose; une mitrailleuse lourde irremplaçable; un truc dont je n’ai pas compris l’utilité; le lance-flammes inutile; le lance-roquettes idem, sauf contre le boss hélicoptère; le canon à rayons spectaculaire mais inutile lui aussi. Les armes dont j’ai dit «inutiles» ne m’ont même pas tenté, aucun intérêt, ça tue pareillement, et puis l’arme la meilleure ergonomiquement est présente dès avant le milieu du jeu, pourquoi je changerais?

Pour finir (ça commence à être long là, encore une fois ça ne mériterait pas de s’y attarder autant), les graphismes ne brillent point, en 2014 ils paraissent bien sûr excessivement moches, mais même à l’époque on faisait mieux. Cependant je ne prends quasiment jamais en compte les graphismes, privilégiant le gameplay (qui ici est affreux, comme j’ai développé plus haut). La musique, quoique quelconque, s’intègre assez bien dans les niveaux; RAS.

Du fait de sa linéarité et de son histoire creuse, à aucun moment le jeu ne semble vivant. Le seul sentiment perçu, je me répète, est celui d’un interminable couloir scripté. Avec un seul niveau non-linéaire, et deux niveaux de boss, aussi pitoyables l’un que l’autre. Surtout le boss final, incohérent, con, aidé de 3 tourelles indestructibles (et nous sans endroit pour nous cacher) dont une ne tourne pas à 360°, ce qui, c’est pourtant si simple à deviner, permet de vaincre en se cachant derrière une caisse et en se penchant. La même chose que pendant tout le jeu (mais j’ai pas utilisé le lean). Ajoutons en passant que le boss est codé avec les pieds, il se comporte n’importe comment.

Merci, vous avez brillamment réussi à me dégoûter.
Owen_Flawers
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le 22 mars 2014

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Owen_Flawers

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