Dans Far Cry 6, nous voilà débarqués à Cub... euh Yara, pardon, une île tropicale où on danse le mambo sur la plage et où règne un dictateur sanguinaire. Et c'est principalement de lui dont voudra s'occuper le héros (ou l'héroïne, c'est au choix), renonçant à son grand rêve états-unien pour se battre aux côtés de la guérilla locale, Libertad.
Les joueurs du 5 retrouveront les amis (alerte spoiler : ils ne servent à rien), le découpage de la carte en plusieurs zones dirigées par plusieurs sous-boss, la présence ennemie renforcée quand on obtient quelques succès... Même les fans de la première heure ne seront pas dépaysés. Le soft présente néanmoins quelques nouveautés, et c'est bien là que le bât blesse.
Premier grief : les seringues. J'avoue que j'ai toujours été un seringueux compulsif dans Far Cry. J'adore un plan qui se déroule sans accroc. Soit en étant furtif, soit en étant purement et simplement diabolique (une mine soigneusement placée qui vient couper l'élan d'un pauvre soldat croyant sonner l'alarme, ah que c'est jouissif !). Cependant, j'aime aussi survivre, car dans Far Cry, une erreur ne pardonne pas. J'adorais donc me faire une petite réserve de feuilles vertes (et autres, pour des petits boosts de défense ou d'attaque), appuyer sur un bouton et hop, ça repartait.
Ici, impossible. Les seringues ont été rangées parmi les gadgets d'un truc bizarre qu'on trimballe sur le dos, le Supremo, et qui a un genre d'attaque fatale du style giga bombes incendiaires ou volée de roquettes. Ça paraît génial sur le papier, sauf que... sauf qu'on doit maintenant alterner entre les classiques grenades et cocktails Molotov pour avoir des seringues, que ça prend un temps infini, un temps précieux vu l'intensité des combats. Dépité, on ne fait que du soin-survie (qui se régénère automatiquement), en regardant notre pauvre perso souffrir et espérant ne pas crever.
Le jeu nous met très tôt en face d'hélicoptères ou de tanks. Des véhicules quoi, contre lesquels les opus précédents avaient la bonne idée de proposer des lance-roquettes (ou grenades, c'est pareil). Ici, que nenni ! Faudra d'abord compter sur les Supremos, qui mettent un siècle à s'activer et un bon millénaire à se recharger. Les affrontements contre les tanks deviennent lourds (même si bon, avec les grenades IEM ça reste gérable) mais le moindre hélicoptère devient vraiment brise-noyaux. J'entends « arc avec flèches IEM » mais moi avec un arc, j'ai envie de buter des gens en furtif, pas de descendre un hélicoptère parce que le jeu veut pas me donner de RPG-7 pour me vendre son concept fumeux (le Supremo) à la place !
En parlant de RPG... C'est mon troisième grief, après les Supremos. C'est une mode de mettre des éléments RPG dans tous les jeux aujourd'hui, mais là on atteint vraiment des sommets de ridicule dans le n'importe nawak. Est-ce bien logique que des balles fassent MOINS de dégâts quand on les rend explosives, ou capables de percer des armures ? Sérieux, on peut se retrouver avec un pistolet plus efficace qu'une mitrailleuse légère ! On a des zones de niveau comme dans Assassin's Creed: Odyssey, qui brident totalement la liberté d'exploration, au cœur même de la série depuis ses débuts. Quoi encore ? Un gant pour looter les ennemis de plus loin, bon... Des plats à consommer qui donnent plus de munitions pendant un temps limité. Ok, c'est concept, pourquoi pas... Deux stocks de poudre à canon pour fabriquer... une ligne de pêche plus résistante (mais wtf ?!)
La plupart des trucs améliorables, fabriquables (« craftables » comme on dit) dans ce jeu donnent l'impression d'être hors sujet, sans intérêt ou de présenter plus d'inconvénients que d'avantages. Presque tout implique un sacrifice, une spécialisation, là où il faut justement faire face à toutes les situations. « The right tool for the right job » comme dit le père Juan... ouais ben donne-moi des explosifs et deux-trois seringues, et tu verras que j'l'aurai, le bon outil !
Enfin, le jeu reste parfaitement jouable. De plus, Yara est très belle, on se plaît à l'explorer et à profiter de son ambiance. L'aspect infiltration marche très bien, en partie (faut pas se le cacher) parce que les ennemis sont cons comme des masses... mais réellement, l'IA est totalement aux fraises. Bref, globalement, ça reste possible de s'enjailler. Mais voilà... FC 6 est bourré de petites frustrations et de fausses bonnes idées qui gâchent le plaisir, « l'innovation » selon Ubisoft consistant à recycler des logiques vidéoludiques d'autres jeux dans des genres et des licences où elles sont au mieux inutiles, au pire irritantes.
On va passer sur le scénar, oubliable, comme les personnages. Même si sa relation avec son fils est intéressante, Castillo n'a hélas pas le charisme d'un Vaas ou d'un Pagan Min. L'acteur ne fait pas tout, hélas. De toute façon, qui joue à Far Cry pour l'histoire ?
Non, comme je l'ai dit plus haut, on joue à un FC pour la liberté : liberté d'explorer, d'attaquer comme on l'entend. Cette dernière n'est pas morte sous la dictature caribéenne de ce sixième opus. Lueur d'espoir, il a ses petits moments, et n'est pas aussi bâclé que le 5. Tout de même, on sent que la série a vécu des jours meilleurs. Perso, j'attends encore un Far Cry aussi abouti et fun que le 3 ou le 4. Un jour qui sait...