Darkest Dungeon II
7.4
Darkest Dungeon II

Jeu de Red Hook Studios (2023PC)

Je préviens tout de suite, ça va tâcher. Mais vous avez sans doute l’habitude, vous êtes fan de Darkest Dungeon alors faites pas les victimes si je tacle un peu trop violemment votre jeu préféré, je sais très bien que le jeu vous fait quatre fois pire et que vous en redemandez, petits cochons que vous êtes.

On va commencer par un point positif, le jeu est beau. La pâte graphique tout en 3D en « Cell-shading » (J’ai fait anglais en langue seconde t’as vu ?) est réussite et enveloppe bien l’univers sombre et dépravé que nous proposait le premier opus. Il y a de nouvelles mécaniques intéressantes. L’idée de développer le passé des personnages, chouette idée, en plus on garde la belle plume du premier, vraiment on se régale, il y a de quoi boire et manger. DD2, aux premiers abords, t’apparaît comme la bonne surprise, tu lances ta première partie, le jeu ne t’explique rien, mais ce n’est pas grave ! Tu apprends sur le tas, car t’es un vrai GAMER, et les tutos c’est pour les cons. Alors tu embarques tes quatre héros, prêts à faire un « Road Trip » du tonnerre !

Et là tu te rends compte que finalement t’es plus con que tu pensais.

Tu es bien évidemment mort lors de ta première expédition, pas grave ! C’est le principe de tout roguelike après tout, investie tes chandelles, facilites toi la vie, essuie toi la morve qui te pend au bout du nez et arrête de chouiner. C’est Darkest Dungeon mon gars ! Prends le taureau par les couilles et c’est reparti !

Et puis, les artifices du premier rendez-vous s’émoussent, et je me rends compte que j’aurais beau serrer fort fort les fesses, le jeu avait déjà enfilé sa god-ceinture et était bien décidé à me l’enfiler bien profond.

Alors je te vois derrière ton écran à t’esclaffer de mon malheur : « Ça ne serait pas un problème de skill ? Il n’était pas si dur que ça le jeu franchement ! » Et oui peut-être, sauf que si c’est le cas, le jeu ne fait aucun effort pour simuler la sensation d’être en contrôle de la situation. Premier hic, le jeu ne t’explique absolument RIEN, il y a des symboles partout, de toutes les couleurs, des bleus, des rouges, des verts et des pas mûres… Chacun se rattachant à une page de devoir qu’il faudra se taper si tu veux comprendre pourquoi ton personnage vient de prendre feu et de mourir comme un gland au début de son tour. Mais ça limite ce n’est pas grave, tout jeu demande un peu d’adaptation…

Mais vous savez ce qui fait plus peur que des entités lovecraftienne tentaculaires bien veineuses ? L’idée d’être une mère monoparentale qui fait un « Road-trip » de marde avec ses quatre adolescents dysfonctionnels dans la Toyota civic familiale.

Au départ l’idée n’est pas mauvaise, forcément qu’à toujours côtoyer les mêmes personnes tu finis par avoir le goût de les étrangler. C’est la nature humaine, mais est-ce que j’avais vraiment besoin de ça dans mon jeu ? Non merci, j’ai déjà plus faim. Et la cerise sur le Sunday c’est quand tu tombes contre un boss qui va fourrer l’esprit de tes personnages jusqu’à ce qu’ils se détestent et se mettent à pleurer pour un oui ou pour un non.

« Maman ! Il n’arrête pas de me tirer les cheveux ! »

« Non c’est lui qui a commencé ! »

« Ce n’est même pas vrai d’abord ! »

Après trois partis je fulminais, le prochain qui ouvrait sa gueule je l’écrasais avec les chevaux, mais malheureusement personne dans l'équipe de développement n’a pas pensé à cette mécanique. Mais ça, ce n’est que le début ! Car quoi de plus malade que de vouloir healer un coéquipier qui pisse le sang et d’avoir se voisin péter un plomb pour dire « Chouin chouin ! Je voulais du heal moi d’abord ! » alors que lui est quasiment en bonne santé. De quoi rappeler de bons souvenirs bien chiants à tous joueurs de MMO.

Après un moment tu te fais à l’idée, et là le problème inverse fait surface. Tous tes héros veulent s’entretuer, ils ne peuvent pas parcourir un kilomètre sans se lancer des piques et… Tu ne fais rien. Les relations entre les membres de l’équipe ne peuvent descendre plus bas, et le stress qui en résulte tue dans l’œuf toute chance de régler le problème. La solution ? S’en crisser. Oui ton occultiste va faire une moyenne de douze crises cardiaques par combats, mais comme il suffit de le garder sur respirateur artificiel et les pertes de PV occasionnées par la crise d’angoisse deviennent une blague. Voilà donc un plan du jeu entier qui s’écroule. Mais le voyage continue !

Là où DD1 proposait un roguelite d’exception, DD2 a décidé de prendre tous les meilleurs éléments et de jeter ça aux poubelles pour en faire du roguelike mou et répétitif. Tu n’as quasiment aucune incidence sur le jeu, sinon débloquer après chaque partie plus de devoirs et des possibilités nouvelles de gameplay qu’après avoir joué cinq secondes avec, tu décides de jeter dans le fond d’un tiroir sans jamais y retoucher. Dans le premier, tu montes ta petite équipe, tu les bichonnes et tu les envoies braver la mort dans des missions où ils vont en baver. Tu les vois progresser au fil des missions, et tu ressens un pincement au cœur lorsqu’ils passent finalement l’arme à gauche… Et bien dans DD2, tu oublies ! Tu choisis 4 enfants de chiennes que tu ne veux pas apprendre à connaître tellement ils sont insupportables, et tu t’embarques dans une petite aventure qui prend en moyenne TROIS HEURES à compléter ! Youpi.

Chaque expédition est un marathon infernal où il faut prier à tous les dieux païens du hasard absolu que l’équipe que tu as choisie est prêt et apte à affronter l’univers tout entier et ne succombera pas à la volonté de RNGesus à quelques mètres du boss final. Et pour rajouter un peu de poils de poche sur la soupe, les habilités de tes personnages ne vendent pas de rêves. Certains s’en sortent mieux que d’autres, mais dans un effort de balancer ce qui ne méritait pas de l’être, toutes les habilités pour te soigner ou réduire ton stress sont limitées d’utilisations. Il arrivera donc dans une situation très cocasse où, devant un chien galeux et deux vers de terre, je jalouse devant leurs capacités offensives. Alors face à quelque chose de vraiment dangereux je ne vous en parle même pas. Voilà que débarque un monstre capable de démembrer les membres de votre équipe et de te tabasser avec les boutes qui saignent, et pour résister à tout ça, t’as trois aspirines et un pansement que tu peux seulement utiliser une fois par semaine si les astres sont alignés.

Et c’est bien là la plus grande faiblesse du jeu, si tu veux jouer « legit » et ne pas te spoil comme un déchet en ligne, aucune façon de savoir si l’équipe que tu as montée est valide. Alors pour éviter les mauvaises surprises, tu restes en terrain connu, essayer de nouvelles combinaisons pour le plaisir devient un fardeau qui va gangréner ta partie durant les heures qui vont suivre. Dernier problème, toutes les compositions n’auront pas la même aisance pour affronter les différents boss du jeu. Donc, pendant que toi tu es content de ta petite équipe et que tu fais le long et pénible voyage jusqu’à la montagne, le boss est là dans son coin, posé tranquille à se faire des attouchements en passant à l’énorme facial que tu vas te manger en pleine gueule à la seconde où tu vas franchir le seuil de son antre.

« Ce n’est pas grave, ça fait partie du jeu ! Maintenant que tu sais ce qu’il t’attend, tu peux préparer une équipe mieux adaptée ! »

Et refaire les trois heures à se débattre dans la cambrousse comme un diable dans l’eau bénite ? Ah, je pleure d’excitation.

Et quand tu es contraint à recommencer, un manque total d’ergonomie est le mot d’ordre. On ne peut pas skip les cinématiques et impossible de sauvegarder ta composition de héros préférés. En échange on a le droit à un joli fond d’écran de carriole en 3D qui se balade sur un terrain vague, prenant BIEN son temps pour avancer le gros cul de tes bourriquets en CGI jusqu’à l’écran de sélections des perso. Tu as limite l’impression que le jeu te force à prendre une pause, à regarder le paysage pendant la très longue minute de prologue inutile. C’est sympa, le jeu, de me proposer une minute de relaxation pour me mettre de la pommade aux fesses après tout ce que tu m’as mis, mais je suis un grand garçon, et je suis venu ici pour souffrir, OK ?!

Pour terminer, j’aimerais vraiment aimer ce second opus, mais dans l’état actuel les qualités du jeu se noient dans une mélasse qui devient trop vite répétitive. L’univers est toujours aussi génial, le travail sur l’écriture est bien dosé, les graphiques sont magnifiques (même si je ne crois pas qu’on ait besoin de cinématiques mollassonnes pour en profiter) et les combats, bien que parfois frustrant à cause d’une RNG qui semble avoir des favoris (et jamais de mon côté), sont prenants. Ce qui me chagrine c’est que je crois que le jeu est déjà trop loin dans sa phase de développement pour permettre de l’élever au-delà de l’expérience tristement énervante qu’elle est. Il faudrait revoir les bases, trouver une façon ou une autre de motiver le joueur à reprendre le jeu en main qu’un bête sentiment de vengeance après s’être fait sodomiser à froid par le pif. Ouvrir le jeu est devenu pour moi une corvée, partir à l’aventure, essayer de nouvelles stratégies, voir mes héros mourir dans une mare de sang pus et sans doute leur propre pisse et rebelote…

En attendant que Red Hook peaufine le tout, je vais de ce pas repartir pleurer dans le premier, et réellement, le plus bresson des donjons.

Le shack vous salue.

P.S. Si vous n’avez pas eu le courage de tout lire, le jeu est une masterclass ! Achetez-le au double du prix !

Louisph_du_shack
4

Créée

le 23 mai 2023

Critique lue 308 fois

4 j'aime

10 commentaires

Critique lue 308 fois

4
10

D'autres avis sur Darkest Dungeon II

Darkest Dungeon II
Zefurin
9

Pourquoi faire pareil quand on peut faire différent en tout aussi bien ?

Le premier titre de Red Hook m'avait laissé pantois d'admiration : en plus d'être le premier jeu indépendant que j'ai testé, il était également le premier jeu que je qualifierai de "Hardcore pour le...

le 2 juil. 2023

2 j'aime

Darkest Dungeon II
Winslow-C-Furter
9

Poésie en enfer

Accepter le déséquilibre est nécessaire pour mettre un pied devant l'autre.Et cet univers dantesque nous rappelle à la consigne : Ce monde est injuste, la chair est prédatrice, la mort est...

le 11 janv. 2024

Darkest Dungeon II
Aquaticus
9

Mon encre est vos larmes salées

Je vais évacuer les lieux communs d'abord : - la direction artistique est soignée. Par ailleurs, nous avons la chance d'être dans une période où de plus en plus d'expérience artistique sont essayé...

le 12 mai 2023

Du même critique

The Crooked Man
Louisph_du_shack
2

Les griffes de l'ennui

S’attaquer à ce film ne revient pas seulement à tirer sur l’ambulance, mais à rater son passage de plusieurs jours, et au lieu de lâcher l’affaire, de traquer le malade, attendre qu’il se remettre...

le 23 mai 2023

3 j'aime

2

My Hero Academia
Louisph_du_shack
2

À un poil du succès (Critique au langage injurié)

On ne badine pas avec la liberté ici. Après des mois d’attentes interminables, voilà ma critique négative d’une série sans doute terminée que je n’ai pas lue jusqu’au bout ; je suis donc la personne...

le 17 sept. 2023

2 j'aime

3

Babe, le cochon dans la ville
Louisph_du_shack
8

Vendredi 13 - Chapitre VIII : Babe à Manhattan

Vous connaissez Babe? C'est génial Babe, un film avec un tout petit cochon qui décide de devenir berger pour pas se faire manger. Un classique jeunesse! Il est jamais trop tôt pour apprendre aux...

le 6 juil. 2023

1 j'aime