Children of Morta
7.2
Children of Morta

Jeu de Dead Mage et 11 bit studios (2019Xbox One)

Il arrive par moments qu'après avoir inséré la galette d'un jeu dans la console, l'on découvre une œuvre assez éloignée de l'idée que l'on s'en faisait. Parfois, cela se manifeste par de la déception, mais à de rares occasions c'est l'inverse qui se produit et l'on se retrouve, manette en main, avec un grand sourire au milieu du visage.
Children Of Morta fait partie de ceux-là et, est certainement une de mes meilleures découvertes de ces derniers mois.
Si je connaissais le jeu de l'extérieur, ayant écouté et regardé quelques vidéos, je partais l'idée en tête que celui-ci ne serait qu'un énième roguelike, certes, beau mais sans grandes innovations, un genre usé jusqu'à la moelle et qui peine à se renouveler, du moins lors de la sortie de Children Of Morta.
Si Children Of Morta n'a pas la prétention réinventer la roue, il propose une façon plutôt originale de mêler mécaniques de roguelike, en l'occurrence ici plutôt lite mais on y reviendra, hack 'n’ slash, mais surtout avec une scénarisation comme pivot principal de la progression et non pas le contraire comme souvent, et c'est uniquement elle qui guidera l'avancée du joueur tout au long de l'aventure.
Mais avant toutes choses, il convient de revenir en quelques lignes sur Dead Mage, les développeurs de notre cher Morta, car ce qui peut apporter un début de réponse vis-à-vis de l’originalité du titre, ce sont les personnes derrières le projet.
Dead Mage est une équipe de quatorze développeurs venant de tous horizons mais plus particulièrement du Moyen-Orient, un point de détail mais qui a son importance car l'on retrouvera de nombreux éléments visuels, ou encore thèmes abordés largement hérités du folklore perse. Passé par une campagne Kickstarter le projet à longuement évolué au fil des années pour sortir finalement en 2019.
Comme vu plus haut, le jeu se présente sous la forme d'un hack 'n’ slash intégrant des mécaniques de rogue like, mais il convient de couper court immédiatement à ces appellations. S'il s'avère effectivement que le jeu s'inspire de ces genres cela ne s'effectue que par petites touches et le vrai cœur de celui-ci se situe avant tout auprès de son scénario via la famille Bergson. Compté par un narrateur à la manière d'un Bastion, l'ensemble des membres de la famille, muets, ne manqueront de faire passer leurs émotions au travers des gestes et des nombreuses cinématiques et autres mises en scène.


Si nous n'aurons pas le droit à d'interminables discours via des textes, il est important de noter qu'il n'y aura pas une seule fois où vous reviendrez à la maison sans une cinématique ou un élément commenté par la voix pour vous accueillir et faire avancer le scénario. Morta fera progresser la narration en parallèle des éléments que vous pourrez découvrir au cours de vos pérégrinations et si vous rentrez bredouille d'un "run" le jeu vous attendra à n'en pas douter avec un dialogue ou une scénette pour entretenir un sentiment de progression.
En cela on oublie la sensation de faire des parties en boucle, sans réel but comme un vulgaire et énième roguelike mais on est plutôt pressé de savoir ce que le run en cours permettra de développer au scénario que cela soit sur un plan secondaire ou concernant l'histoire principale. Même en mourant en boucle (le jeu reste relativement simple en normal) il réussit toujours à faire progresser un élément, chapeau pour le nombre important de scènes et dialogues qu'il aura fallu intégrer, ce qui a été un chalenge d'après les développeurs ayant eu peur de retomber dans certains travers habituels de l'étiquette des genres qu'on lui a collé.


La famille Bergson reste l'épine dorsale du scénario, plutôt cliché, sans sens péjoratif, celui-ci nous amènera à faire face à un mal qui ronge la nature, la Corruption, et qui semble avoir un lien avec les ancêtres de la famille Bergson, rien de nouveau mais plutôt efficace si on prend le temps de s'y intéresser via les collectables. La famille n'est pas au complet dès le début de l'aventure et celle-ci s'agrandit de différentes manières tout au long de votre avancée dans l'histoire, apportant de nouveaux protagonistes, complétant avec émotion le lore entourant la famille et son héritage mais aussi de nouveaux gameplay mais on va y venir juste après. En cela il est important de passer outre ce qui aurait pu paraître comme cliché et s'attarder sur la lecture des écritures mais aussi étudier les visuels que l'on trouvera au fil de nos voyages dans les contrées du monde, le tout étant regroupé dans une bibliothèque de la maison familiale, le hub du jeu.
Je suis certain que cette histoire de famille riche en rebondissements et évènements narrés raisonnera en chaque joueur d'une façon particulière, d’autant plus que Children Of Morta n'hésitera pas à faire disparaître des personnages clés ou supposer que.


Tout aussi important c'est le lien profond qui est établit entre la famille et le gameplay.
En effet la particularité majeure de Children Of Morta est de posséder sept gameplay différents, enfin presque pourrions nous dire. Si ce n'est pas intrinsèquement sept jeux différents, l'ensemble des membres de la famille possèdent leurs propres façons de combattre, suffisamment différente pour apporter une bonne variété au côté action du jeu.
Affrontements rapides ou lents, affrontements proches ou éloignés, orientés magie ou combats à l'épée, le choix de chacun peut s'effectuer de plusieurs manières, ce choix est avant tout dicté par les ennemis que l'on rencontre en parallèle du scénario.
C'est essentiellement la confrontation avec certains boss qui poussera le joueur à changer de membre de famille, pour s'adapter plus facilement à des patterns plus ou moins compliqués en fonction de nos affinités.
Il ne faut pas hésiter à refaire des niveaux pour faire progresser l'histoire et augmenter ses chances de découvrir des éléments permettant l'apparition d'un nouveau membre de la famille au casting et apporter une nouvelle façon de progresser et aider le joueur à faire face à une nouvelle zone.
Children Of Morta de toutes façons ne vous permettra pas d'utiliser le même membre de la famille tout au long du jeu et d'enchaîner les runs sous un seul et unique aspect. En effet après quelques runs ce même membre devra se reposer sous peine de voir son maximum de vie se réduire à cause de la fatigue. Une façon intelligente de "forcer" le joueur à sortir de sa zone de confort et tester les autres membres.
Dans sa globalité j'ai trouvé la partie gameplay et progression de Morta très addictive dans le bon sens du terme et sans une obligation de farm en boucle pour progresser. La multitude de personnages et les gameplay assez différents pour empêcher toute répétition propre au rogue like me font plus penser que Morta est assez éloigné du genre pour le ranger dans la catégorie des très lite plutôt que like, si d'aventure on doit bien le classer. L'aspect rogue lite n'est présent que sous une forme légère, vous récupérez de l'argent lors de vos parties, quelques loot temporaires et vous rentrez chez vous pour ensuite améliorer vos personnages avec l'argent récolté sur les ennemis et boss, c'est le seul collectable que l'on garde vraiment.
Lors de chaque partie le monde se régénère aléatoirement et propose des buff tout aussi aléatoires présent sur la carte et uniquement disponibles durant le run en cours. Néanmoins, aller plus loin sur ce point aurait permit une plus grande variété et fait partie des défauts concernant le gameplay.

Proposant deux difficultés et après avoir complété le jeu en normal, j'ai trouvé que sur la fin du jeu tout devenait un poil plus simple que ce que j'aurai souhaité, en particulier lors du dernier boss qui sur le plan visuel est exemplaire mais expédié facilement si on a bien pris le temps d'améliorer chaque membre de la famille. Le changement de difficulté peut s'effectuer à tout moment alors je vous invite à changer celle-ci si vous êtes un amateur de jeux du genre pour vous mettre face à un défi plus jouissif.
Concernant le bestiaire qui nous fait face durant l'aventure, il n'évolue pas de manière drastique mais repose sur trois thèmes suffisamment différents et cohérents (le monde est séparé en 3 zones de 3 biomes chacune) apportant juste ce qu'il faut en différences jusqu'à voir la fin de Children Of Morta.
Children of morta n'a pas vocation à durer 30 heures et pourrait paraître répétitif pour certains joueurs enchaînant les run au-delà des 10/15 heures mais pour ce qu'il propose tout au long de l'histoire la balance est relativement bonne.
Avec les moyens à sa disposition je pense sincèrement que l'équipe de Dead Mage a dépassé les espérances, et même si sur la durée le gameplay peut s'essouffler dû au manque de collectables, à l'appréciation de chacun, l'ensemble reste très positif d'autant plus concernant les possibilités avec chaque membre de la famille. Notez que le jeu possède un mode coop local (et en ligne sur pc) et je suis certain que dans des modes de chalenge plus élevés cela peut apporter un vrai plus, je n'ai malheureusement pas testé mais j'ai peur que les points notés plus haut comme le manque de collectables ou un bestiaire limité n'apportent pas la re jouabilité suffisante pour de longues sessions.


Un autre point où ils ont dépassé allègrement le seuil de mes attentes, je parle bien-sûr de la partie pixel art.
Children Of Morta est où fait parti des plus beaux jeux pixel art que j'ai pu toucher, alors je ne me fais pas d'illusions, il y a encore un nombre incalculable de jeux se qualifiant de cette catégorie que je n'ai pas encore fait, mais Dieu sait que j'ai été sidéré par certains plans.
La richesse des couleurs et la définition du dessin en pixel fourmille tant de détails que je pensais être face à des tableaux de maitres par instant.
Sans dire que le jeu possède une narration environnementale aussi poussée que Hyper Light Drifter, comme meilleur exemple, celle-ci est présente et je ne peux que conseiller de prendre le temps d'observer ce qui entoure le joueur.
Créé sous Unity et personnalisé avec de nouveaux outils par Dead Mage, Children Of Morta possède un style très dark fantasy, et non je n'oserai pas la comparaison avec celui qu'on cite partout, car ici Morta possède son style bien à lui, que l'on connectera au fait que l'équipe de développement possède un bagage culturel différent de la majorité d'œuvres similaires.
L'animation et tous les effets pyrotechniques ne sont pas en reste complétant à merveille le travail accompli et transmettant au joueur un sentiment de puissance et de réactivité lors des attaques ou quel que soit l'effet magique utilisé.
Il est difficile de transcrire une image en mots alors sur ce point hormis me croire il est difficile pour moi de développer plus en détails, mais sincèrement Children Of Morta est visuellement superbe et je vous invite aussi à regarder leur prochain jeu, Tale of Ronin, à n'en pas douter Dead Mage ont du talent.
Cerise sur le gâteau et toujours dans un choix de véhiculer les racines et origines des membres du studio, la partie sonore transmet de belles sensations de découverte et voyage avec l’utilisation d’instruments peu ordinaires dans l'industrie vidéoludique apportant une touche toute particulière se mariant à merveille avec la patte graphique très prononcé fantasy orientale de Children Of Morta


En conclusion Children of Morta est une belle surprise, un diamant brut qui aurait peut être mérité d’être poli plus en profondeur sur quelques points, telle que la variété des zones et des loots mais concernant son but premier, qui était de réinventer à sa manière la narration familiale au sein d'un jeu vidéo, le tout encapsulé dans un genre qui sur le papier reste difficilement compatible avec une narration poussée, je pense que Dead Mage ont réussi leur pari.
Trouvant le juste équilibre et brouillant la frontière jeu scénarisé, rogue lite et hack 'n’ slash, Children Of Morta s'affranchit de certaines limites inhérentes aux genres, au prix d’un effort conséquent qui a surement monopolisé beaucoup de ressources empêchant le studio d’apporter plus de profondeur au gameplay sur la longueur, même si les sept manières de contrôler les membres de la famille suffisent à tenir le joueur en haleine pour une grosse quinzaine d’heures, tout ce qu’il faut pour finir celui-ci.
Sans compter une superbe direction artistique qui change des canons que l’on voit un peu partout Children Of Morta est bel et bien une œuvre assez particulière et unique qui mérite l’attention des joueurs, même ceux qui auraient été épuisés par la pléthore de rogue like.
Un coup de cœur.

Sajuuk
7
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Collection de jeux Xbox One, Les meilleurs jeux vidéo de 2019 et Journal JV Edition 2022

Créée

le 3 avr. 2022

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Sajuuk

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