Je dois bien vous avouer qu'avec le titre de cette critique, j'ai volontairement arrondi les angles pour attirer votre attention sur la sortie de ce qui est encore aujourd'hui un événement sur l'archipel, un nouveau Godzilla.

Le mélange des genres de Minus One, résulte en un film inégal mais possédant des qualités qui méritent un arrêt de quelques minutes.

Pour être tout à fait honnête, j'ai eu assez peur durant la première partie. Tirant en longueur, celle-ci se rapproche de ce que l'on retrouve avec les dramas régulièrement projetés sur la NHK, la télévision japonaise. Prenant place juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous suivons un ancien pilote de Zero, qui n'a pas eu le courage de sauver les siens, paralysé par la peur lors d'une scène d'introduction violente et chaotique dont je laisse le plaisir à chacun de découvrir et qui résulte en une sorte de stress post-traumatique chez lui.

La situation générale du pays est, comme vous vous en doutez, catastrophique. Anéanti par le résultat de la guerre, le Japon doit tout reprendre de zéro, notez bien cela.

Toutefois, malgré l'urgence de la situation, il est difficile de se sentir investi et de réaliser la difficulté face à laquelle la population se trouve. Lors de ce premier quart, que cela soit à travers des décors par toujours crédibles, le jeu des acteurs quelquefois en deça, ou simplement la manière dont sont filmés ces moments de vie, je n’étais pas tellement rassuré quant à la suite.

Les dialogues n'ont pas l'épaisseur et le côté si naturel qui fait que des auteurs comme Kore-Eda arrivent à donner à des scènes de la vie quotidienne un impact qui dépasse les enjeux.

Au regard de l'état du pays, c’est une ambiance apocalyptique qui devrait régner, mais cette longue introduction tombe un peu à plat jusqu'à ce que le film par de multiples ellipses, s'éloigne petit à petit de la période de fin de guerre pour avancer quelques années après lors de la reconstruction.

On notera aussi que dans un pays qui est historiquement occupé à cette période, on ne verra jamais nos belles petites têtes blondes à l'écran, les étrangers sont simplement absents, on repassera pour la cohérence.

Cependant, quand Minus One se décide enfin à commencer, celui-ci apporte son lot de surprises que l'on a rarement vu dans un film japonais. Tout d'abord, il n'est plus question de cacher la bête, après toutes ces années Toho s'est enfin décidé à utiliser les ordinateurs du 21ème siècle pour nous fournir de superbes scènes de destruction et des CGI de qualités. Sans atteindre les cadors du genre, nous sommes bien loin de Shin Godzilla et de ses scènes de destruction qui donnaient assez mal aux yeux.

Je suis particulièrement heureux de voir les Japonais raccrocher les wagons sur ce point, car avec un même budget, chaque culture n'aura pas nécessairement les mêmes réflexes et codes préétablis concernant l'utilisation des images de synthèse.

De la même façon que bollywood fait les choses différemment, ici aussi j'ai été scotché dans mon siège tout au long de ces pics de tension.

Les scènes, et elles sont nombreuses, ou le Godzilla de Minus One apparaît sont simplement jouissives. Sans aucune pitié dans sa folie de destruction, à plusieurs moments du film, on se demande réellement quand cela va s'arrêter, jusqu'à que l'on comprenne que cela ne s'arrêtera pas, la société ne devra pas se relever de zéro, mais bien de moins un.

Cela donnera d'ailleurs droit à quelques scènes d'émotions, qui n'auront malheureusement pas la portée autant que souhaité à cause du manque de courage de l'écriture, mais je salue qu'il y ait eu un zeste de volonté de "choquer" le spectateur avec quelques morts à l'écran, souvent soudaines.

Le design du Godzilla est d’ailleurs dans la tradition japonaise, large sur pattes, très lent et sans limite.

À cet instant et sans faire abstraction des défauts cités plus haut, je ne peux nier que j’étais bouche ouverte face à l’écran, ne voyant pas le temps défiler.

Ce mélange de tons tout au long des deux heures renforce l’effet recherché par ces scènes de survie face à la bête, contrastant violemment avec le silence des scènes de dialogues, propre aux dramas japonais.

Le scénario en lui-même se déroule naturellement, avec quelques idées intéressantes, en particulier le développement du protagoniste traumatisé par Godzilla bien plus que par la guerre elle-même, qu’il ne pense n’avoir jamais finie, car rentré vivant à la maison.

Néanmoins, je n'ai pas retrouvé l’audace de Shin Godzilla. Réelle critique de la société japonaise, celui-ci apportait des développements passionnants et une écriture adulte qui, si elle est présente par moments dans Minus One, n'atteint jamais la hauteur des enjeux avec sérieux.

Au vu de l'état du pays après la guerre et l'arrivée de Godzilla, on pouvait espérer une tension à son paroxysme, une imagerie sombre et violente et surtout une écriture qui prend en compte cela. Cependant, si l’ensemble est effleuré, il y avait bien plus à exploiter, simplement par volonté de le faire.

Il n'empêche que ce Minus One offre son lot de popcorn time frissonnants.

Avec ses scènes de destruction dignes des plus “grands” films de catastrophe et une partie dramatique venant contraster de manière efficace le chaos ambiant, c'est un vrai plaisir coupable qui s’est créé en moi, et qui prend une dimension particulière au cinéma à n'en pas douter.

Un bon Godzilla qui plaira aux amateurs de la bête, mais qui n'aura peut-être pas la portée de son aîné et qui laisse sur un goût d’inachevé. Malgré cela, je reste sur la même note que Shin Godzilla car pour une fois, chaque scène de Godzilla est vivante et on y croit sans une once de doutes.

La fin réserve quelques surprises de dernières minutes, qui donnent un aperçu de la suite de la licence. La réception du public étant élevée sur l’archipel une semaine après la sortie du film, Godzilla à encore de beaux jours devant lui.

Vu en format IMAX.

Sajuuk
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le 11 nov. 2023

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