Soupe tiède

Batman fait partie de ces licences mal aimées par le jeu vidéo (et le cinéma, mais c'est une autre histoire). Alors quand sort cet opus tout à fait jouable, c'est la liesse générale. Il faut dire que deux choses jouent en sa faveur ; d'une part la plupart des gens ne connaissent Batman que par la vision déformée et aseptisée des films et dessins animés, d'autre part le public des joueurs a un niveau d'exigence assez bas.

On fait face à quoi ? En somme un jeu sans personnalité ni ambition. Artistiquement le studio livre une version assez générique des différents protagonistes, de même le scénario, plat au possible, est constitué de dialogues à rallonge qui ne mettent jamais les personnages en valeur. Il faudra attendre Origins de la Warner, dégommé avant même sa sortie car changement de studio, pour que les personnages nous rappellent ceux des comics, en premier lieu Batman avec une brutalité enfin mise en avant.

Côté gameplay la base est intéressante sur certains points. Reprenant le système de combat d'Assassin's Creed en l'améliorant, on a un titre proposant un beat'em all rythmique où tout le défi consiste à anticiper nos stratégies tout en conservant la bonne cadence pour accumuler les combos. Le problème est qu'on fait face régulièrement à des combats sans envergure, comme deux pauvres types dans un couloir pour dire de nous faire faire quelque chose, si bien qu'on peut difficilement s'améliorer, sauf en passant par un mode Défi qui n'est pas en rapport avec la campagne.

Il y a aussi les Predator Rooms, où Batman doit jouer de discrétion pour éliminer les occupants. Là encore, partant d'une idée sympa, le jeu se viande en proposant des ennemis avec une perception limitée de leur environnement. On perd donc en crédibilité et en challenge. De plus ces rooms regorgent d'options que les ennemis ne prennent pas en compte. J'attaque depuis une gargouille, pourquoi après les ennemis ne regardent pas en l'air systématiquement ? Ou pourquoi ne les détruisent-ils pas toutes pour nous barrer cette option ? Si le combat contre Freeze dans City a été globalement apprécié, c'est justement parce que les options s'amenuisaient, augmentant la difficulté à mesure et donnant l'illusion d'un ennemi intelligent car "apprenant". Là les ennemis ont un système de peur qui au fond n'est que de la poudre aux yeux, simulant l'intelligence d'un système quand ce n'est qu'une option de comportement ayant peu d'impact sur nos approches. Il manque aussi tout un pan de gameplay sur les lumières, façon Splinter Cell. On parle de Batman quoi... c'est élémentaire.

Le reste du titre est fait de remplissage à base de destructions d'objets et autres conneries à trouver dans les décors qui permettent de gagner de l'XP qu'on dépense dans des compétences. Autre problème, qu'on retrouvera de plus en plus souvent au fil des jeux, le héros qui part de zéro même si ce n'est pas crédible. Cette mécanique de la récompense régulière cache un jeu creux qui, sans ce système, apparaitrait pour ce qu'il est vraiment. Gameplay plat, sans profondeur ni réel renouvellement, qui refourgue des situations similaires qu'on peut approcher de manière différente car on a débloqué tel gadget ; solution de facilité qui permet de ne pas se fatiguer sur le level-design.

La partie plateforme ne demande aucune précision, tout est indiqué et automatisé ou presque. Il reste aussi des menus détails, peut-être plus personnels, mais qui pour moi sentent le jeu sans envergure. Un exemple ; vous établissez un câble pour la tyrolienne dans une room. Lorsque vous passez de gargouille en gargouille, le fil de votre grappin passe à travers le câble comme s'il n'existait pas. J'ai toujours considéré que ces détails participaient à faire d'un jeu une expérience à part, ils insufflent une part de réel, de crédibilité supplémentaire, le genre de détail malin qu'on trouve partout chez Kojima par exemple. Vous passez à travers la pièce, vous avez oublié le câble, Batman se prend dedans et tombe. Mais non, rien de doit entraver l'élimination d'ennemis handicapés par notre héros complètement abusé. Rien.