Quelques années après la mort de Yves Saint-Laurent et avec l'assentiment et le logo de l'entreprise de Pierre Bergé, compagnon du couturier défunt, ce film de Jalil Laspert arrive comme un biopic de prestige officieux. Si le résultat est moins amphigourique que prévu, ce n'est tout de même rien de plus qu'un téléfilm-hommage, propre et agréable. Pour en profiter de façon optimale, il faut le voir un dimanche soir déprimant et accepter l'univers frivole et vaniteux du parisianisme chic, ses légendes et ses acteurs d'aujourd'hui.


Narré par Guillaume Gallienne qui reprend les mots de Pierre Bergé, YSL nous immisce donc dans un monde peu ragoutant. Celui du couturier se situe entre les femmes, les vieux rentiers fatigués, les folles fils à papa, puis plus tard le monde de la nuit. Le personnage est creux mais pathétique, nuancé. Les auteurs ont peut-être forcé sur ses traits défaillants. La petite voix pincée adoptée par Pierre Niney est irritante et ridicule, son articulation si singulière, son phrasé toujours sur le même ton et ses manières craintives sont extraordinairement agaçantes.


Apparemment tombé en amour de la mode selon ses déclarations, l'acteur et encore très fraîchement réalisateur Jalil Lespert ne montre rien de l'art ou des créations de Saint-Laurent, seulement ses petites minauderies, ses états d'âme, son quotidien. Nous avons le droit à ces scènes démarrant sur « Tu me disais que la vie » ou s'achevant sur « Tu aimais la beauté Yves », pendant que l'un est à sa table de travail ou en train de rêvasser façon Zaza de Pull Marine. Le romantisme du film laisse à désirer. Lespert met en scène deux gamins jouant (et faisant du businness) plus que s'adonnant à une quelconque passion. Mais c'est probablement fidèle et puis c'est une option.


Au final, le spectateur n'est pas plus avancé sur la psyché des deux hommes : qu'en est-il des fameux ''démons'' de YSL ? Une petite cuite et un dérapage salace, un vase éclaté contre un mur sont censés révéler sa tension intérieure ? Quand à Pierre Bergé, la vision du personnage est bien édulcorée. C'est un peu comme lorsque les gens, pressés de donner leurs défauts, annoncent en fait des qualités peu diplomatiques. Où est la face obscure ou minable véritable de cet homme ?


Une certaine sympathie se développe pour le personnage campé par Pierre Niney, timide mais surtout inattendue. Contrairement à Guillaume de Guillaume et les Garçons, YSL est productif, a beaucoup de volonté. Sa sincérité s'accompagne d'une exigence, d'une rigueur – même si en raison de sa fragilité, il est peu impressionnant. Néanmoins voilà un membre de la race des « nerveux », comme il s'en réclame. Un nerveux fébrile et pas un flegmatique collant, une nuance considérable en sa faveur.


Cette sympathie émerge aussi en le voyant sous le joug de ce personnage infâme et sans scrupules qu'est Pierre Bergé, businessman vulgaire et nocif. Dommage que YSL n'aille pas au bout de sa colère, car passées quelques années, Bergé n'est plus qu'un « parasite » comme il ose le lui dire. « Toi tu avais du génie, moi j'ai su t'accompagner ». Voilà au moins l'aveu louable de celui qui n'est jamais qu'un simple manager. Ainsi qu'un amant égoïste et médiocre, manifestement.


https://zogarok.wordpress.com/2014/04/29/yves-saint-laurent/

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le 28 avr. 2014

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