Wish - Asha et la bonne étoile
5.3
Wish - Asha et la bonne étoile

Long-métrage d'animation de Chris Buck et Fawn Veerasunthorn (2023)

Il était une fois… un film visant à célébrer les 100 ans du studio d’animation Disney ( appellation réductrice étant donné ce qu’est devenue et ce que représente la société en 2023). Une fois, c’est bien assez, cette célébration est catastrophique.

Rendre hommage n’est pas toujours chose aisée car les spectateurs peuvent rapidement, et à juste titre, comparer la référence et l’hommage en question.

En l'occurrence, dans le cas de Wish - Asha et la bonne étoile, la comparaison est fatale.

Un hommage, a fortiori quand il prend la forme d’un film à part entière, ne peut se suffire à lui-même. Il doit développer sa propre identité, sinon pour prouver que la simple redite est stérile, au moins pour donner à voir quelque chose de différent, oserai je dire, d’original ? Sinon, son existence est vaine, autant regarder l'œuvre originelle.

Concernant le dernier long-métrage d’animation Disney, ça n’était pas l’objectif de la démarche.

Que nous raconte le film ?

L’histoire d’un royaume comme il doit probablement en exister des centaines d’autres dans les carnets à spirales des scénaristes du monde entier. Ou dans leurs disques durs j’en sais rien, reste que le royaume de Rosas, c’est son nom, est d’une pâleur certaine. Rien de ce qui le compose n’a pas déjà été vu et surtout, rien dans la manière de le présenter n’a pas déjà été filmé par les artistes de l’écurie Disney. Une écurie aux projets pharaoniques qui chiffrent en plusieurs centaines de millions de dollars et dont la santé en salle n’est, en ce moment, pas au beau fixe.

Le royaume de Rosas, donc, a été fondé par un couple royal, mais surtout par un homme. Rosas s’est construit autour d’une figure, celle de Magnifico, qui, à lui seul, a le pouvoir d’exaucer les vœux des habitants. A l’âge de 18 ans, chaque citoyen lui livre son vœu et le souvenir de ce vœu. Matérialisé par autant de boules magiques, les vœux sont autant d’étoiles qui constellent dans le laboratoire secret qu’il cache dans son château.

Asha, dont le vœu prononcé à la lumière de la lune a donné vie à une étoile, va tout faire pour combattre Magnifico et rendre les vœux aux Rosassiens.

Ce point de départ met en parallèle une citoyenne, Asha, âgée de 17 ans, qui sera amenée à se battre contre l’autorité considérée comme légitime par les habitants amnésiés de Rosas. Dommage, ça aurait pu être un bon postulat pour pousser la parabole politique et parler désobéissance civile. Dommage.

Je ne vais pas tarder plus que de raison à mettre en avant le paradoxe du film.

Ce que nous raconte Wish - Asha et la bonne étoile c’est qu’il ne faut jamais renoncer à ses rêves, quitte à défier l’impossible et, présentement, l’autorité de l’Etat qui les a dérobés.

Et comment s’y prend il, ce film qui prône la mise en avant de l’identité individuelle et les aspirations de chacun au détriment du dérobeur de rêves, despote adoubé par le peuple ?

Il fait référence. Il passe par l’évocation des précédents films d’animation du studio pour revendiquer que, vous voyez, on a laissé chacun de ces films développer son propre rêve, son propre univers, sa propre identité.

Et, par la même, Disney affirme l’identité collective de ses films. Tous, autant qu’ils sont, s’avèrent liés par ce nom, Disney. Et, par extension, à la magie Disney. Autant vous dire que, pour ma part, la magie est absente de la dernière cuvée.

A y regarder deux fois, l’entreprise Disney est représentée à la fois par Asha et par Magnifico. A grands coups d’opérations de rachats, de lancement de plateforme et de remakes, la fabrique de rêves s’est peu à peu transformée en usine à produit. Honnie par les uns, adulée par les autres, prendre parti est indéniablement devenu incontournable.

Pourtant, et c’est bien le problème, le film passe son temps à se contourner.

Un empilement de références, ça ne fait pas un film. Et, a fortiori, pas un bon.

A l’image de Rosas, cité dépeinte comme le lieu de tous les possibles, ce film ressemble à un véritable melting pot de cauchemar. Puisque les rêves de tous ont été aspirés, tout le monde se ressemble, vivant dans l’attente de ce qui n’arrivera jamais, dans la peur et la soumission.

L’identité du film n’existe que par le passé auquel il fait référence. Les personnages, les chansons, les situations, les dialogues, la musique, rien n’est novateur.

Dès lors, le discours, l’esthétique, l’émotion, sont relégués aux second plan.

Un hommage réussi est un hommage qui comprend ce à quoi il fait référence. Il le comprend, l’intègre et s’en détache. Wish - Asha et la bonne étoile est un hommage raté car il est superficiel et vide.

Asha et ses amis sont des décalques de Blanche-neige et les sept nains, tiré du film du même nom, les ronces magiques invoquées par Magnifico, comme la couleur qui lui est associé font allusion au personnage de Maléfique dans la Belle aux bois dormant, les objets qui prennent vie grâce à la magie, comme une citation, directe de Fantasia… je vais m’arrêter là car la liste est longue. Aladdin, La Belle et la Bête, Raiponce, La Princesse et la Grenouille, La Petite Sirène, les classiques d’animations sont nombreux à y passer ! De Mickey à Peter Pan, ce film pille pléthore de personnages et de films qui ont bercé la jeunesse (mais pas que) de tant de spectateurs.

Et la subtilité est aux abonnés absents. Alors que la référence était déjà explicite et comprise, des répliques nous assènent les coups finaux. Exemplairement, celle, prononcée par un personnage censé évoquer depuis le début du film un célèbre nain compagnon de Blanche-Neige : “et après, on s’étonne que je sois grincheux”. La réplique en elle-même me dérange puisqu’elle vient asséner le coup de grâce. Le contexte la rend horripilante. Comme toujours, c’est appuyé et sans personnalité aucune.

En ça, je peux vraiment dire qu’il s’agit d’un Disney de Wish(.com). Tout apparaît comme un contrefait. Pour couronner le tout, se contourne dans son esthétique. Les personnages modélisés en 3D évoluent dans des décors en “rendu 2D”. Pourquoi pas, mais qu’en faire ? A aucun moment cela ne sera exploité. Résultat, le film paraît déjà daté. Je ne m’étalerai pas sur les design qui sont d’une banalité confondante, tant en ce qui concerne les personnages que les décors.

Cette dernière réflexion me fait me poser la question : y a t-il des artistes qui ont leur mot à dire dans la machine à fric qu’est Disney ?

Si je me pose cette question, quelque peu rhétorique, ça n’est pas pour rien. Je pense que ce film est l’antithèse d’un autre film d’animation sorti cette année : Le Garçon et le Héron par Hayao Miyazaki.

Ce parallèle n’est pas anodin. Là où, d’un côté, la démarche vise à rendre hommage à un studio, l’autre est celle d’un auteur qui continue à expérimenter, à créer du neuf à partir de ses obsessions éternelles.

Deux visions du monde qui entrent en contradiction. Si toute la renommée du Studio Ghibli s’est construite autour de son seul nom c’est bien pour une raison.

Wish part de cet héritage sans rien développer, reprenant la recette Disney à la lettre. Un cadeau bien emballé car tout est identifiable du début à la fin.

L’héroïne est tout de suite une héroïne. Le méchant, tout de suite un méchant. A son sujet, le doute est très léger et, pour qui a vu la bande annonce, inexistant. Les enjeux, les comportements et actions des personnages sont compréhensibles et laissent peu de place à l’ambivalence et à la nuance.

Le Garçon et le Héron perd son spectateur, risque le doute et prend le parti de tenter, quitte à déplaire. L’ambivalence est centrale et le film se présente comme une œuvre testamentaire riche et ambitieuse.

En dehors de tout reproche relatif au cahier des charges du film, je pense que mon gros problème avec Wish est qu’il s’en tient à ce qui est déjà acquis. Tout est balisé, déjà vu, déjà connu, déjà compris. Une sorte de prémâché disneyien. Finalement, le film réussit à l’endroit de son hommage à ce qu’est devenu Disney, à ce que l’entreprise représente. Aussi, il me faut faire preuve d'honnêteté intellectuelle en affirmant que ma réception de Wish - Asha et la bonne étoile est indéniablement liée à mon avis sur la firme. Et si pour certains, il s’agit d’un symbole incapable de proposer autre chose qu’une resucée de rêve, ce n’est pas ce film qui va évaporer leurs reproches.

Je repense à mon enfance. Je voulais que chaque jour soit spécial, que chaque jour soit un mini-anniversaire. Pourquoi ? Quelque part, dans mon esprit, devait traîner l’idée que, à mon anniversaire, je suis le centre du monde, les gens me trouvent différent et surtout, ils pensent à moi. Une sorte d'auto centrisme juvénile.

Pour moi qui, pourtant, suis un spectateur ayant grandi avec les films de ce que n’importe quel critique en manque de périphrase nommerait “la firme aux grandes oreilles”, la désillusion est notable. A voir ce qu’elle est devenue, je ne suis pas étonné si on en appelle à la mort-aux-rats. Là où le dernier Miyazaki innove, expérimente et continue à parcourir des régions inexplorées, Wish donne raison à ceux qui, depuis quelque temps, sonnent le glas d’une maison qui ne parvient même pas à fêter ses cent printemps.

Jekutoo
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le 14 janv. 2024

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