Narrant le récit d’un jeune batteur dans l’un des meilleurs conservatoires des Etats-Unis, le film tire sa force de la relation qu’il entretient avec son professeur, tyrannique et insensible. Tel le sergent instructeur de Full Metal Jacket, le personnage de Fletcher (joué par un J.K Simmons au sommet) proférera insultes et autres saloperies que peu auraient la capacité à formuler. On en vient même à se demander si ceux là prennent le moindre plaisir dans la musique tant ils décomposent le son et répètent inlassablement les mêmes mesures, jusqu’à faire gicler le sang sur les toms de la batterie. Mais c’est surtout la capacité du réalisateur à nous faire subir à l’image cet entraînement qui reste bluffante. Millimétrée, ultra découpée et pourtant d’une fluidité sans faille, la mise en scène est aussi froide qu’elle est violente et enivrante. Et au delà du simple récit sur la quête de soi et de réussite, plane surtout les institutions et ce qu’elles représentent. L’on se souvient de l’ouverture de The Social Network qui ne se focalisait que sur le prestige des écoles, et la similitude est étrangement présente dans ce Whiplash. Dans la volonté de réussite, dans le prestige de l’art comme de l’institution, c’est avant tout une violente plongée dans cette quête absolue profondément Etats-Unienne.

Malheureusement on ne peut pas dire que cela soit aussi pertinent, l’on en vient même parfois à se demander si le film n’est pas cynique. L’action et les réactions du personnage principal comme celles de son professeur sont parfois déstabilisantes tant ils semblent rongés par leurs désirs de réussite ou de revanche. Une ambivalence qui nuit au film car le côté quelque peu caricatural des personnages n’aide pas le spectateur à ressentir. Il faudra donc être pris dans le tempo, ou rester en dehors tant l’orgueil des personnages est prégnant. Mais ne boudons pas notre plaisir, car Whiplash est une très belle surprise, d’une force incroyable et à la virtuosité telle qu’on en reste bouche bée (la scène finale reste une des meilleures de l’année). La précision chirurgicale du montage, alliée au duel de titans entre l’élève et son instructeur sont la preuve même que le film fonctionne. Plus que l’amour de la musique, c’est un film d’acharnés que nous offre Damien Chazelle.

Par Florian
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le 26 déc. 2014

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