Une photographie superbe pour un scénario poussiéreux

Le grand Spielberg revient au cinéma, non pas avec un nouveau film d’aventures, mais bien avec une comédie musicale qui vous semblera déjà sûrement familière. En effet, le réalisateur a choisi de donner sa propre interprétation de West Side Story, s’inspirant directement du musical de 1957 et donc se détachant du film de 1961 qui a popularisé l’histoire au cinéma.


Il s’agit là de la première comédie musicale de Spielberg, l’un de ses vieux rêves et une chose est sûre c’est qu’il n’a pas perdu de sa main experte sur la caméra puisque West Side Story est tout simplement sublime visuellement. Il offre ce grain au film, comme s’il avait été recolorisé et on ne peut rien reprocher à sa réalisation avec des plans magnifiques et des jeux de caméras très caractéristiques. Sur la forme donc, West Side Story est probablement l’un des plus grands films de cette année et offre une véritable leçon de cinéma. Tout de suite, on est jeté dans un film qui nous replonge dans la nostalgie des temps anciens du cinéma.


Mais peut-il surpasser l’original ? Cette question est bien évidemment subjective et il est toujours difficile de surpasser l’original, que ce soit à cause de la nostalgie liée au projet ou la difficulté d’offrir de la nouveauté à une histoire déjà connue. Pourtant, la version 2021 de West Side Story n’est pas dénuée de sens et apporte quelques plus à ce qu’on a déjà pu voir jusqu’ici. Comme nous le disions, c’est une réalisation quasi parfaite de Steven Spielberg que nous offre ce film et il aurait été dommage de s’en passer. Il a tout du prétendant aux Oscars, c’est totalement le genre de film qui sera nommé dans plusieurs catégories et sur bien des aspects ce serait mérité. Chaque plan qu’offre le long métrage peut se transformer en un tableau tant l’image est belle et léchée. Une photographie superbe certes, mais ce n’est pas tout ce qu’il a à offrir. En effet, nous avons de véritables acteurs et actrices qui brillent et se démarquent du reste comme Ariana DeBose qui est tout simplement bluffante que ce soit dans sa voix ou dans l’acting, mais aussi Mike Faist avec son visage si charismatique et Rita Moreno qu’on aurait aimé voir un peu plus.


Toutefois, vous l’aurez remarqué, les têtes d’affiches ne subjuguent pas. À aucun moment je n’ai trouvé Ansel Elgort convaincant dans son rôle. Ce n’est probablement pas de sa faute, mais il n’incarne pas le personnage qu’il est censé incarner, il peine à prouver qu’il a réellement le passé qu’on lui attribue dans ce film. C’est une véritable erreur de casting pour ma part, bien qu’il ait une certaine alchimie avec sa co-star Rachel Zegler. Cette dernière pose un autre problème, elle est tout à fait crédible dans son rôle, mais son jeu étant trop aléatoire elle ne brille finalement pas par une performance remarquable. À certains moments elle était très bonne, à d’autres c’était plus faible, mais jamais mauvaise. Il s’agit d’une de ses premières expériences et c’est tout à fait normal, elle s’en sort tout de même bien et c’est encourageant pour son avenir au cinéma. De plus, Ezra Menas n’a pas particulièrement était reversante dans un rôle pourtant essentiel. Si le scénario ne l’aide pas, son jeu n’est malheureusement pas à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre.


Le gros point noir du film restera son scénario. Il est poussiéreux, ringard et caricatural, loin de ce qu’on peut s’attendre pour un film de Steven Spielberg, surtout en 2021. L’intérêt d’une nouvelle interprétation d’une oeuvre c’est aussi de la remettre au goût du jour et c’est bien là que peine cette version de 2021. Les thèmes abordés sont tellement importants et toujours d’actualité que s’en est dommage de voir des ficelles aussi grosses. Le film dénonce, mais il le fait tellement de façon flagrante et peu subtile que la portée du message n’est pas aussi forte qu’elle aurait pu l’être. Si nous avons encensé la forme du film qui est réellement de qualité, la fond en lui même n’est pas bon et aurait mérité une réécriture. De plus, le mixage des musiques fait parfois tiquer, l’audio n’est pas réellement mis en avant et n’offre pas l’expérience qu’une comédie musicale offre normalement. En effet, si les chansons se fondent parfaitement au film à tel point qu’on pourrait croire que les protagonistes chantent en direct devant nous, ce surplus de réalisme peut en dérouter plus d’uns. Ce n’est donc pas un point négatif puisque chacun appréciera selon ses goûts et c’est sûrement un parti pris du réalisateur. Les personnages quant à eux sont trop clichés dans leur construction, ces bandes de « mauvais garçons rebelles » sont désormais trop clichés et ne se prêtent plus tellement au cinéma d’aujourd’hui, comme cette histoire d’amour qui finalement a du mal à transporter tant elle est vue et revue. C’est l’histoire qui veut ça, celui qui voudra voir West Side Story verra donc bien du West Side Story et, il faut le dire, ce n’est jamais chose aisée de proposer une réinterpretation d’une oeuvre aussi appréciée que celle-ci. Steven Spielberg n’a pas à rougir de ce qu’il propose, encore une fois notre déception se porte sur le faible scénario avec des dialogues racoleurs et une construction qui radote.


En conclusion, West Side Story n’en déroutera aucun, pas ceux qui sont familiers avec l’oeuvre, mais aura peut être plus de mal à convaincre ceux qui découvre par cette nouvelle adaptation. Ça reste tout de même une très belle production, surtout sur les aspects techniques qui transmet parfaitement l’héritage (un peu trop ?) de cette comédie musicale. On appréciera le léger désordre dans la tracklist pour offrir un peu de surprises, la qualité des chorégraphies (bien que parfois inégales) surtout les images sublimes que le long-métrage offre. À noter que le casting est bien plus fidèle à ce qu’il aurait dû être (notamment avec des acteurs originaires d’Amérique latine) et que l’espagnol parlé dans le film n’est pas sous-titré pour lui donner plus de valeur. Le film est coloré, offrant toujours plus à ce visuel déjà riche, mais souffre d’un scénario trop caricatural, même s’il a une bonne volonté.

Boleyn
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le 6 déc. 2021

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