Luxure, caricature et désinvolture

Ridley Scott nous propose son tout nouveau film alors que Le Dernier Duel est toujours en salle, mais cette fois on est loin de l’époque moyenâgeuse même si Adam Driver reste. House of Gucci c’est l’histoire vraie de la famille Gucci, de la reconstruction de cet empire de la mode au drame qui a touché l’un de ses membres, Maurizio Gucci.


Le casting est tout bonnement incroyable, Lady Gaga campe le rôle de Patrizia Reggiani, cette femme qui deviendra l’épouse de Maurzio Gucci, incarné par Adam Driver. Ce n’est pas tout puisque Al Pacino, Jared Leto, Jeremy Irons, Salma Hayek ou encore Camille Cottin viennent compléter la liste. Du Gucci en veux-tu en voilà, le film ne manquera pas de faire des clins d’oeil à la marque et son histoire, essayant de rester le plus fidèle possible à ce qui s’est réellement passé. Le long-métrage est d’ailleurs basé sur le livre The House of Gucci: A Sensational Story of Murder, Madness, Glamour and Greed de Sara Gay Forden. Ainsi, aucun doute que le tout a été glamourisé pour l’amour d’Hollywood et le titre du livre résume parfaitement ledit film.


House of Gucci revient sur le meurtre de Maurizio Gucci depuis l’entrée en scène de Patrizia jusqu’à la fin, mais il s’attarde également sur les désaccords familiaux, notamment la relation entre Aldo Gucci et son fils Paolo, respectivement joués par Al Pacino et Jared Leto. Tous vont se battre pour les parts de l’entreprise, même les plus innocents. L’importance de la famille est donc au centre du film et les nombreux défauts de cette famille sont parfaitement exposés, c’est la déchirure de personnes liées par le sang pris au piège par le nom Gucci. Pourtant, la faiblesse du film est probablement son scénario. En effet, si on nous offre une comédie dans la première partie, presque caricaturale, le rythme ralentit dans une deuxième partie pas forcément nécessaire à l’avancée de l’histoire ou du moins trop longue. Heureusement, ce passage à vide disparait pour le troisième acte qui est bien plus fort que les minutes passées, mais cette fois exit la comédie pour un véritable drame. House of Gucci souffre donc d’une recherche d’identité concrète, coincé entre plusieurs visions et jamais tout à fait assumées. La partie humoristique est pourtant très bonne, portée par des musiques qui se marient parfaitement bien au thème et qui viennent véritablement élever certaines scènes au point d’en devenir parfois un personnage à part entière.


La partie plus solennelle, plus sérieuse, l’est aussi et offre des scènes fortes avec de très bons jeux d’acteurs. On retiendra d’ailleurs de ce côté là le jeu de Lady Gaga, très bonne dans plusieurs scènes et très convaincante. Elle a ce regard captivant qui arrive à saisir le spectateur pour l’emporter avec elle dans la pièce. Al Pacino est tout simplement formidable dans son rôle de l’oncle, propriétaire de la moitié des parts de Gucci et père. Adam Driver est également très convaincant, il joue très bien son rôle de Maurizio Gucci, pourtant il ne subjugue pas, à aucun moment il ne volera la vedette ou se démarquera des autres. Salma Hayek joue parfaitement le rôle de la voyante, son duo avec Lady Gaga marche directement à tel point qu’on pourrait vouloir en demander plus. L’alchimie entre les deux, la tension entre les deux, nous offre deux personnages très bien joués. La déception sera du côté de Jared Leto, il ne manquera pas de vous faire rire, mais malheureusement il est enfermé dans ce rôle caricatural qui dénote complètement avec le reste du casting. Dans la première partie ça passe encore, dans la seconde ça ne fonctionne plus et dans la troisième ce n’est plus du tout raccord avec le film. Si sa métamorphose est bluffante, le choix d’interprétation peut soit convaincre, soit (comme dans notre cas) laisser place aux doutes.


Que serait un film sur la mode sans vêtements, coiffures et maquillages ? Lady Gaga régale avec plusieurs looks tout droit sorti des archives de la marque ou taillées pour le film avec des coupes qui n’en finissent pas de changer au fil de l’histoire. Nous avons là un véritable festin de la mode, que ce soit sur les personnages comme avec Jeremy Irons qui a un look un peu plus austère à l’image de son personnage ou Jared Leto qui est haut en couleurs, ou sur les quelques scènes de défilés, notamment avec la reconstruction du célèbre premier défilé de Tom Ford pour Gucci. Les fans de mode ne seront pas en reste, nous avons là de quoi faire plaisir à nos yeux et c’est à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre de ce genre de film. Dans l’ensemble, nous avons le droit à un film très sophistiqué et exagéré, il souffre et brille de cette complexité qui aurait pu mieux être domptée.


Trahisons, romances et luxure, le film est détaillé sur tous les aspects. C’est aussi le cas de son image, la photographie du long-métrage est tout bonnement sublime, avec des lieux à couper le souffle ou à envier. Parfois on aurait pu aimer un filtre plus chaleureux pour représenter la chaleur de l’Italie qui parait de temps à autre un peu trop froide. Mais ce filtre bleu/gris accentue probablement la froideur de cette famille et de ses membres.


Au final, House of Gucci c’est un bon film un peu bordélique sur bien des aspects, mais qui transporte par l’interprétation de son casting. Il aurait mérité une meilleure ligne directrice et d’aller jusqu’au bout de son potentiel, certaines scènes manquantes frustreront le spectateur qui connait un tant soit peu l’histoire et probablement aussi ceux qui n’en avaient jamais entendu parler. Lady Gaga est définitivement un actrice, après le succès de A Star Is Born et maintenant ce rôle, House of Gucci mérite d’être reconnu sur plusieurs points et on passe tout de même un très bon moment au cinéma.

Boleyn
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le 23 nov. 2021

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