Le chant du cygne de John Carpenter

A la fin des années 90, John Carpenter est au crépuscule de sa carrière. Il met en scène deux films de commande, le désastreux remake du village des damnés et la suite des plus dispensable de New-York 1997, Los Angeles 2013, qui signe sa dernière collaboration avec son alter ego Kurt Russell. Avec Vampires, il reprend le contrôle sur l’artistique pour effectuer un dernier tour d’horreur, en forme de doigt d'honneur à l'industrie cinématographique Hollywoodienne.


Au commencement…


Une équipe de mercenaires emmenée par Jack Crow (James Woods), se lance dans le nettoyage d’un nid de vampires. Problème, le maître Valek (Thomas Ian Griffith) n’était pas présent et va revenir décimer presque toute cette équipe. Un duel à distance s’engage entre Jack Crow et Valek.


Le dernier des John Carpenter


Vampires est le dernier film intéressant de John Carpenter. Il est de 1998 mais sonne comme une œuvre des années 80. C’est son style, du moins jusqu’à un certain point.


Les films de John Carpenter ne sont pas seulement des films de genre suscitant l’angoisse et la peur en jouant sur la paranoïa. Ce sont aussi des critiques de notre société, du capitalisme exacerbé, du consumérisme à outrance, de l’extrémisme religieux, des médias et des pouvoirs politiques. John Carpenter aborde ses thèmes de prédilection de manière subtile, au détour d’un échange entre deux de ses protagonistes, d’un regard où d’un plan.


Dans Vampires, il semble en avoir plus rien à foutre. C’est assurément son film le plus con et décomplexé. James Woods enchaîne les répliques homophobes et crache (au sens propre comme au figuré) sur l’église, pendant qu’Adam Baldwin fait preuve de misogynie face à la pauvre Sheryl Lee, qui nous émerveille de son divin fessier. Il la gifle, l’insulte, l’attache, la secoue dans tous les sens, bref le mâle d’un autre siècle dans toute sa splendeur.


Un “je m’en foutisme”, qui se retrouve dans son scénario totalement incohérent. Il est écrit par Don Jakoby qui était aussi à la fin d’une carrière loin d'être aussi prestigieuse que celle de John Carpenter, malgré Tonnerre de Feu de John Badham avant de sombrer dans les films de genre de seconde, voire de troisième, zone comme Lifeforce et L’invasion vient de Mars de Tobe Hopper. Certes, le réalisateur a retouché le scénario pour apporter sa patte mais on sent son envie de tout défoncer, sans faire preuve de nuances, ni de réflexions. Il se défoule et lâche ses dernières cartouches tels Butch Cassidy et Billy le Kid à la fin du film de George Roy Hill.


Don’t give a fuck!


Comme dit précédemment, le scénario est absolument incohérent. Dans la première scène du film, Jack Crow mène sa bande de mercenaires vers un nid de vampires. Ils vont le nettoyer, en les harponnant tels des requins pour les traîner sous les rayons du soleil alors qu'un prêtre leur confère les derniers sacrements. Ils se compliquent grandement la tâche, alors qu’un pieu dans le cœur où la décapitation suffit à mettre fin à leurs tristes existences. Mais la décapitation est réservée aux prêtres et à leurs disciples, ce qui est des plus jouissif. Des têtes volent dans tous les sens, des corps se font découper en deux, le sang gicle de partout jusqu’à s'écouler de la fontaine d’une église.


Dans la scène suivante, le maître Valek vient décimer dans tous les sens, et avec une facilité déconcertante, cette bande de mercenaires raffinés qui était en train de s’enfiler des bières et des putes. Jack Crow et Anthony Montoya (Daniel Baldwin) vont réchapper à sa fureur avec la pauvre Katrina (Sheryl Lee), qui sera traitée comme une pute, ce qui est son statut social mais cela n'empêche pas d'être respectueux envers sa personne.


En résumé, le maître Valek est un vampire de compétition qui décapite et découpe le moindre de ses adversaires, en une fraction de seconde. Pourtant, ce brave type va galérer face à un Jack Crow crucifié, un Anthony Montoya en fin de vie et le prêtre Adam Guiteau (Tim Guinee) qui prend les armes pour la première fois de sa vie, alors qu’il a une armée à ses côtés. C’est vraiment con et incohérent mais c’est foutrement jouissif comme le langage vulgaire de ce vieux connard réactionnaire et raciste de James Woods.


La figure masculine chez John Carpenter


Dès son second film Assaut, John Carpenter créait un personnage de mâle viril à la carrure imposante. Il a les traits de Darwin Joston. Il ne s’agit pas encore du rôle principal. C’est avec son cinquième film, qui marque sa première collaboration avec Kurt Russell, New-York 1997, qu’il devient une figure incontournable et mythique de ses œuvres. Snake Plissken est l’anti-héros par excellence. Il est cynique, solitaire, vit selon ses propres codes et défie constamment l’autorité. Durant quatre films, il aura les traits de Kurt Russell, dont le personnage de Jack Burton, où il fait preuve d’autodérision. Roddy Piper va prendre la relève dans Invasion Los Angeles puis Ice Cube dans Ghosts of Mars mais avec moins de succès. Au milieu de ces deux derniers, on retrouve James Woods. Il n’a pas le même physique. Il est plus proche de celui de John Carpenter. Par contre, il a le même profil psychologique avec une forte tendance à la vulgarité.


Malgré de légères différences, ce sont des hommes machistes typiques du siècle dernier dont les sources d’inspiration sont les personnages de John Wayne et Dean Martin dans Rio Bravo d’Howard Hawks et d'Humphrey Bogart dans African Queen de John Huston, des films qui sont des influences majeures dans la carrière de John Carpenter. Des personnages qu’il a su transposer dans les années 70 à 90, avant de ne plus être en capacité de s’adapter au XXIème siècle.


Enfin bref…


Mon adolescence a été marqué par les films de Sergio Leone, Stanley Kubrick, Ridley Scott, Gérard Oury, William Friedkin, Steven Spielberg et Don Siegel, entre autres, ainsi que John Carpenter dont la VHS de Jack Burton a été visionné à de multiples reprises, jusqu’à son décès.


Au fil des années, la découverte de la filmographie de John Carpenter ne fut pas toujours appréciable. Halloween fut d’un ennui aussi mortel que Massacre à la tronçonneuse. Avec le temps, j’ai su les apprécier. Halloween et The Thing font partie de mes œuvres d’épouvante préférées et Le Prince des Ténèbres a subi le même sort que Jack Burton mais en DVD.


Vampires est sa dernière œuvre notable, annonciatrice de son déclin à venir, d'un auteur qui n'a pas su s'adapter à un monde en perpétuelle évolution (où régression). Pour autant, Il a de beaux restes, comme en atteste son découpage de la scène finale malgré la stupidité des évènements. Sa mise en scène, les répliques d’un James Woods faussement badass et les mises à mort sauvent ce film d’une autre époque de sa médiocrité.


John Carpenter n’a pas réussi à se renouveler, à passer le cap de la fin des années 90, avant de disparaître au début de notre siècle, en laissant un héritage dont l'influence continue de perdurer à travers les générations.





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le 26 juin 2022

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Laurent Doe

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