Bonne nuit les petits !



Le cinéma d’animation et moi ça a toujours été une grande histoire d’amour. Qu’il soit destiné à la famille, aux touts petits ou à un public plus mature, j’essaye toujours de laisser une chance à des projets se révélant souvent bien moins uniforme qu’à l’accoutumé, et une fois n’est pas coutume, l’année 2022 a été riche en belles propositions. Et une fois n’est toujours pas coutume, c’est à Annecy que j’ai put entrapercevoir le client du jour dénommé Unicorn Wars. Je ne connaissais pas vraiment son réalisateur, mais la proposition d’une esthétique parodiant les codes et l’univers des héros des tout petits avec en contraste un pamphlet anti-guerre plus qu’adulte ; pour citer UFO, entre Cannibal Holocaust et Full Metal Jacket. Et ce qui est peu dire, c’est qu’on est bien sur l’un des plus gros choc, de l’année, âpre, et qui va je l’espère, clouer le bec à de nombreux spectateurs, si possible pas trop mineur.


Commençons par le contrat de base qui semble au final assez simple. L’histoire d’un régiment d’oursons entrainés depuis belle lurette et amenés dans ce qui est très sous-entendu comme une mission-suicide dans la dénommée « forêt magique ». Et dans cette forêt magique, il y a un groupe de licornes, espèce dite hostile aux oursons, et qui ont chassé des terres les ancêtres de nos protagonistes, alors qu’ils avaient développé leur humanité et découvert que cela était l’œuvre du tout puissant, amen. Au-delà de la charge politique évidente sur les minorités et la satire assez grossière mais réussie de la religion, ce qui saute aux yeux dans ce qui constitue le premier tiers du métrage, c’est la parodie et l’amusement évident qui en ressort. Que ce soit dans la simple parodie de films de guerre, sur la décoration du camp d’entraînement, des clichés du genre tels que la cantine dégueulasse, les lynchages au dortoir ou encore le bureau des supérieurs qui n’ont, et c’est peu dire, aucune considérations pour nos héros. Le tout donc, en rajoutant une surcouche bisounours, qui passe aussi dans les clichés ou plutôt l’aseptisation visuelle de la thématique précédente avec des armes en forme de cœur, des costumes pas très protecteurs, des mimiques et surtout la caractérisation globale des personnages. En soit, on pourrait d’un simple coup d’œil y voir une énième parodie drôle mais pas non plus des plus intelligente malgré le divertissement évident procuré. Car il faut le dire, au début du moins, Alberto Vasquez s’amuse, et n’hésite pas à tomber dans le salas quand il fait notamment un gros plan sur la bite d’un des oursons tout en continuant dans le scabreux mais le plus naïf, quand le pauvre dodu se fait charrier après avoir littéralement pissé au lit. Globalement je dirai que ce premier tiers d’ouverture et de présentation de l’univers, des thématiques, personnages, etc, n’est pas loin de celle d’un Seth Rogen. Une vraie parodie, tombant par moments dans la satire mais en restant à des enjeux simples, ici, le fameux « aller d’un point A au point B » avec des personnages stéréotypés (le gros naïf, le prétentieux qui ne pense qu’à l’apparence, le beau gosse qui semble tout réussir sans effort et plus ou moins lèche cul de ses dirigeants, les jumeaux, le chef qui s’engage dans cette mission suicide pour une promotion et la considération de ses supérieurs, et enfin, notre protagoniste qui semble chercher sa voie par rapport à tous ces troubles fêtes) dont ces stéréotypes sont des vecteurs d’humour dans leur détournement et enfin, de vrais moments d’immaturités voir une utilisation de running gag comme ce cultissime « UNICORNIO BUENO, UNICORNIO MUERTO ! ».


Bon, l’aspect parodique c’est fait, mais c’est quelque peu gratter la surface de l’iceberg. Le film se vend globalement tel quel et à part souligner que tout ça ne s’est pas réalisé par le fruit du hasard, on pourrait penser qu’il n’y aurait plus rien à dire d’Unicorn Wars. Cependant, ce qui saute aussi aux yeux et que je n’ai pourtant pas du tout mentionné, c’est l’esthétique du métrage. C’est simple, Unicorn Wars est à mon sens un des plus beaux films de l’année et même un des plus beaux cru esthétique de l’animation 2D. Bon, superlatifs mis à part, si le mélange des tons d’écritures sont concordants, ceux en rapport avec le visuel le sont encore plus. Plus que de parler de mélange, le film est avant tout un régal pour les yeux principalement car Vasquez développe son style particulier mais propre aussi poétique que noire. Certes, la parodie des dessins animés pour tous petits est bien là, entre le ciel rose bonbon, la faune et flore globale et autre joyeuseté, mais cette esthétique est combinée à une bien plus cauchemardesque. On le remarque notamment sur certains lieux comme l’église en début de métrage et certains personnages comme les Licornes, dont la rupture est d’autant plus forte que la technique d’animation est en elle-même complètement différente. C’est cependant un des défauts du film, la rupture est artistiquement forte et réussie, mais au sein de la diégèse, ça m’a parfois un peu sorti du délire. Enfin pour boire le verre à moitié plein, malgré ces quelques imperfections la luxuriance des environnements rattrape irrémédiablement l’expérience. L’un des côté casse gueule du projet qui est pourtant tout à fait réussi, c’est l’aspect référentiel qu’assume entièrement Vasquez. Si sur le plan thématique il y a des choses à dire, esthétiquement, le film se réapproprie avec pertinence nombre d’influences pas toujours discernables. Parmi elles, figurent notamment les prods disney, ou tout du moins liés au jeune public, qui constituent notamment l’écriture parfois ironiquement naïve et démonstrative mais qui passe aussi dans la flore de la forêt magique, avec ces animaux dont certains mériteraient un mersh (je veux les chenilles) mais aussi ses impressionnants décors ambitieux et majestueux. A coté de ça, il y a évidemment celle des films de guerre, insistant sur certains plans iconiques, comme l’avancée du groupe au sein de la foret, les cérémonies, etc. Mais tout cela est mixé, synthétisé même, par l’approche de Vasquez qui compose avec poésie certains plans que n’auraient pas démérité Ghibli, en atteste par exemple la discussion entre la jeune licorne et sa mère qui est un orgasme visuel.


Le seul gros problème que j’ai avec Unicorn Wars, c’est son dosage. Le film, sur 1h30 englobe une quantité non négligeable de thèmes et autres idées qui pourtant semblent parfois trop racler la surface de l’iceberg. Le parfait exemple c’est son image finale, que je ne vais évidemment pas spoiler, mais qui explique un des mystère resté en suspens au sein du récit. Cette image est en elle-même réussie, mais elle apparait comme un cheveu sur la soupe plus que la cerise sur le gâteau. Disons que ça semble tellement sortir de nulle part qu’il y a un non négligeable côté « sa fé raiflaichir » « nous vivons dans une société ». C’est d’autant plus dommage qu’à côté de ça, Vasquez aborde de nombreux thèmes qui ont le bon gout d’aller au-delà de ce qui se fait de récurrent dans le film de guerre et anticlérical. On y aborde notamment des thèmes familiales au sein d’un flashback incroyablement noir ou encore la question du pouvoir et sa légitimité. Mais certains d’entre eux se réfèrent directement à l’une des influences annoncée par Ufo, soit et je vous jure que c’est réel, Cannibal Holocaust. Non le film ne traite pas de cannibalisme, mais de rapport entre deux communautés. Au-delà du terrain qui est plus ou moins le même (soit, la jungle), on nous montre deux peuples, dont l’existence est légitime, mais les aspirations foncièrement opposées et vouées à s’entrechoquer, ici dans le sang sans que quiconque apprenne de l’autre. Mais plus encore, je suis ravi de reparler d’une des sorties de l’année qu’on pourrait néanmoins qualifier de spéciale ; à savoir The Sadness. Non le film ne devient pas un film de zombie sale et malpoli, disons que la comparaison s’arrête au sale et malpoli. Parce que si vous pensiez voir une œuvre subversive mais pas trop fort, c’est le droit chemin pour vous prendre un revers dans ce second acte déjà bien plus cruel et fort en enjeux, mais qui abouti à 20 dernières minutes dont je ne dirai rien si ce n’est la déclaration d’une étudiante en art assise à côté de moi « ma vie, je vais faire des cauchemars ». Au-delà de la boucherie que constitue certaines batailles aussi improbables que sans pitiés, Vasquez, plus que de faire de l’ultra violence pour l’ultra violence, sonde comme The Sadness, le pire de l’être humain ou tout du moins ses tréfonds. C’est par ailleurs ce qui caractérise cette scène de flashback, mais ce que j’ai beaucoup aimé c’est la manière dont ce procédé s’articule à la fois dans le récit en lui-même mais surtout au sein des attendus du film de guerre en particulier quand au regard sur la psychologie des personnages. Bref, même si c’est pas non plus finaud et pas toujours bien rythmé, Unicorn Wars réussit à la fois son pari de mélange de genres improbables mais aussi à surprendre son spectateur sous la forme d’un mille-feuille thématique incroyablement noir, intense et passionné. Bref, du cinéma.


Malgré tous mes superlatifs et analyses, pour conclure sur Unicorn Wars, ce qui est formidable c’est qu’au-delà de son analyse, on peut avant tout le prendre comme un spectacle visuel sans précédent ou sinon, comme un délire parodique mais loin d’être débile à la méchanceté assumée et crasseuse. A bon entendeur, ça reste un des grands cru de l’année qui prouve encore et toujours la force de l’animation par rapport au réel.


PS: pas eu le temps de voir les fautes d'orthographes, donc j'y reviendrai probablement plus tard.

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le 29 déc. 2022

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