Dans le Piémont, en 1943, la résistance italienne lutte. Milton en fait partie. Amoureux de la belle Fulvia qui a quitté la région, il revient chez elle et se souvient. Il semblerait qu’il ne soit pas le seul à être attiré par la demoiselle : son ami Giorgio l’est lui aussi. Milton veut le retrouver, mais le jeune homme, résistant également, est prisonnier des fascistes. Son ami va tenter de le faire libérer.
Ce film, le dernier des frères Taviani puisque Vittorio s’est éteint juste après le tournage, est pour moi très réussi. Son enjeu principal n’est pas la reconstitution fidèle de la période historique concernée et du conflit, c’est pourquoi le duo de réalisateurs a pris de nombreuses libertés quant à l’exactitude des costumes ou du déroulé. Ils voulaient permettre à n’importe qui de s’identifier en amenant un côté atemporel. Cette prise de liberté s’est également manifestée lors de l’adaptation du roman qui a inspiré le scenario. De fait, les Taviani ont puisé dans le livre de Beppe Fenoglio sans pour autant le transposer de façon absolue. Il s’agissait pour eux de trouver une vérité et de parler de violence et fascisme d’une manière universelle, allant au-delà du contexte et sans en faire une tribune politique.
Ce n’est pas l’intrigue le plus grand charme de ce film, mais sa beauté visuelle. Il y a une sorte de magnétisme, quelque chose d’envoûtant – aussi amené par les acteurs, dont Luca Marinelli. Il y a une vraie subtilité dans les ambiances créées ainsi que dans les transitions de l’une à l’autre. L’atmosphère oscille entre des moments pleins de chaleur, avec les souvenirs du trio vecteurs de clarté et de douceur, et d’autres plus froids, âpres, en miroir de la violence du présent et de la solitude de Milton. De fait, le glissement dans cette austérité se fait très intelligemment avec le départ en train de Fulvia, qui fait virer la colorimétrie au bleu, emportant la lumière dans son sillage et faisant de son soupirant une ombre.
Certains plans sont sublimes, au milieu de la nature, les silhouettes des êtres se devinant au travers de la brume. Cela apporte un onirisme et une picturalité très forts. J’ai par exemple pensé au tableau Le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich, ou à d’autres œuvres de peintres romantiques. L’homme est ici dans un environnement à la fois hostile et hypnotique, seul et en proie à ses émotions.
Ainsi, si certains reprochent au film son rythme assez lent, monotone, il n’est pour moi qu’un moyen de laisser l’imaginaire se déployer, les émotions affluer, dans un esprit de contemplation qui permet alors de se plonger en soi et effectuer une belle introspection.