True Romance (Tony Scott, U.S.A, 1993, 1h55)

La naissance de ‘’True Romance’’, qui reste à ce jour l’une des plus belles Comédies Romantiques made in Hollywood, est liée à une histoire plutôt problématique, celle d’une trahison de Quentin Tarantino envers son ami de longue date Roger Avary. Ce dernier travaillait sur un scénario qu’il fît lire à Tarantino. Emballé par l’histoire et son potentiel, le réalisateur de ‘’Reservoir Dogs’’ demande si il peut ajouter des trucs. Avary accepte et Tarantino s’empare de son histoire.


Bien entendu dans les faits c’est beaucoup moins direct, mais toujours est-il que Tarantino va faire de ‘’True Romance’’ une œuvre à son image, avec de longues discussions sur le cinéma de genre et sur le rock n’ roll. Il agrémente les dialogues, crée des situations, allongent des séquences, et fait de ce petit scénario, le sien.


Là où ce n’est pas vraiment cool, c’est qu’il va ensuite le revendre, sans en aviser son camarade Avary. Le scénario est acheté par un studio, la réalisation est confiée à Tony Scott, réalisateur alors en vogue, et un casting de rêve est composé ; Christian Slater, Patricia Arquette, Dennis Hopper, Christopher Walken, Val Kilmer, Gary Oldman, Brad Pitt, James Gandolfini, Chris Penn, Tom Sizemore, Bronson Pinchot, Saul Rubinek… Ça fait quand même une belle brochette.


Même pas crédité pour l’histoire, Avary perd un peu tout sur ce projet que Tarantino fait entièrement sien. Au point que s’y retrouve tout ce qui fait le cinéma du cinéaste, des dialogues aux personnages à la texture complète. Même ceux qui apparaissent quelques secondes à l’écran ont un passif solide et ça se voit.


Il est vrai que Tarantino sait donner vie à ses personnages. Puisqu’ils sont tous issu de films qu’il a vu, il se contente finalement de les faire interagir en imaginant leurs réactions, bien souvent absurdes. Pour les spectateurices c’est absolument parfait, puisque les personnages sont de vraies incarnations, et non pas juste des rôles mal incarnés par des acteurs lambda au jeu approximatifs.


Les personnages, mais aussi la musique, tient une place de premier ordre. Le rock n’ roll toujours, avec les nombreuses discussions sur Elvis, à qui Clarence, le personnage principal joué par Christian Slater, voue un culte. Au point même que le King himself, sous la forme de Val Kilmer, lui apparaît en songe. Mais Il y a aussi des titres récent, comme avec les revenant d’Aerosmith ou les petits nouveaux de Soundgarden. Une bande-son qui sent bon le début des nineties.


Car il ne faut pas oublier qu’aux manettes ce n’est pas Tarantino, mais le regretté Tony Scott. Fort de son expérience de clipper, c’est avec tout un ‘’esthétique MTV’’ qu’il vient nous conter sa vision des années 1990. Au même titre que ‘’The Last Boy Scout’’ en 1991, qui inventait le Buddy Movie des 90’s.


‘’True Romance’’ et son esthétique magnifique, est néanmoins un gros film d’action, une grosse production hollywoodienne, une œuvre mainstream qui témoigne de l’arrivée de nouveaux codes, notamment dans l’expression d’une violence particulièrement brutale et sanguinolente. L’esthétisme du Tarantino de ‘’Reservoir Dogs’’ entre déjà dans les circuits du cinéma à grand spectacle. Et ce n’était que le début.


L’expérience de Tony Scott magnifie le scénario de Tarantino. Qui pour l’anecdote avait piqué l’idée à Roger Avary, pour y apporter sa patte. Ce ne sera pas la seule trahison qu’il fera à son pote d’adolescence. Mais on peut se dire que tant mieux qu’il ai été un connard tellement sa rencontre avec Tony Scott fait des merveilles.


Au risque de me répéter, de toute façon ce ne sera jamais dit assez, ‘’True Romance’’ reste à ce jour la plus fantastique, la plus stimulante, la plus riche, la plus fun et la plus belle des Rom Com jamais réalisées. Clarence et Alabama composent une variation métamoderne de ‘’Bonnie and Clyde’’, comme une mise à jours pop du couple Faye Dunaway et Warren Beatty.


Avec ce que cela implique de violence, inhérente à une société en pleine déliquescence, où trouver sa place est un exercice peu évident pour pas mal de monde. Ce sont ici deux anges, un peu naïfs et très amoureux, qui se retrouvent confrontés à l’horreur pure. Ils évoluent ainsi en réaction à ce monde violent qu’ils découvrent brutalement.


Rapidement Clarence et Alabama réagissent à cette violence, devenant à leur tour aussi bad ass que les trafiquants à leurs trousses. Pourtant, malgré toute la violence qui se dégage du métrage, ce dernier diffuse dans son ensemble ce qui peut s’apparenter à une véritable poésie. Absurde certes, comme celle de la vie en somme, car finalement la plupart des protagonistes sont justes des personnes du quotidien.


En faisant appel à tous les codes de la comédie romantique, du film d’action, du road movie et du film de mafia, le récit passe son temps à osciller d’un genre à l’autre, avec une étonnante dextérité ; merci Tony Scott, qui savait comment raconter une histoire. Ajoutant à cela une ost signée Hans Zimmer (celui de la grande époque, pas celui qui ne fait plus que du Hans Zimmer), ‘’True Romance’’ se présente comme une œuvre complète, riche et passionnante.


En 1993, à la sortie de ce film, Quentin Tarantino est encore au point où il essaye de se faire une place, et surtout un nom, à Hollywood. Si son ‘’Reservoir Dogs’' a marqué les esprits, il restait une petite production indé, avec pour cible un public de niche. Avec ‘’True Romance’’ son idée du cinéma vient bousculer le mainstream. Avec son ultra-violence côtoyant une naïveté angélique, ‘’True Romance’’ est à prendre comme une expérience. À l’image de la séquence sur le roller-coaster, c’est un ride de 2h sans temps mort, rythmé et efficace, qui tape vite et qui tape fort.


Œuvre jouissive par excellence, elle est l’un de ces chef-d’œuvres appartenant à quelques rares réalisateurs, en l'occurrence ici Tony Scott. Tout au long de sa fructueuse carrière, aucune autre de ses réalisations n’a atteint avec autant de classe cette esthétisme hérité des années 1980, et digérée par les années 1990.


En fait ’’True Romance’’ c’est tout simplement génial, ça tabasse sévère, c’est sans temps mort, l’humour y est bien noir comme il faut, et c’est un film qui parle avec un amour inconditionnel d’un cinéma de genre en voie de disparition. Tout en étant lui même la quintessence d’un type de cinéma au carrefour de multiples genres.
Bref, le must du must comme disent les ringards.


-Stork._

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le 24 sept. 2020

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Peeping Stork

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