Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans, c’est dans le fond qu’il détonne. Petit bijoux noir, fort d’un humour douteux, dans le bon sens du terme, il approche des vraies thématiques, comme le passage à l’âge adulte. Et possède ce q ‘il faut pour satisfaire l’inconditionnel du genre. Et même un petit peu plus.


Le récit prend place dans la bâtisse d’une sororité, où les séniors viennent juste d’être diplômées, et vivent leurs derniers instants sur le campus. La relation entre les jeunes femmes et la gardienne de la sororité, une vieille mégère ne supportant pas cette jeunesse dépravée, qui fait la fête, boit de l’alcool, fume des joints et s’envoie en l’air, semble s’être dégradée à mesure que la fin de leurs études approchait.


Prenant pour cible l’une des jeunes femmes aux mœurs légères, Mrs Slater se montre imbuvable. Le genre de vieille pour qui une jeune doit être comme elle. Une ouverture d’esprit certaine, qui creuse le fossé séparant Mrs Slater des étudiantes. Pour se venger celle qui est prise en grippe décide de se venger en montant une PRANK, à Mrs Slater.


Bien entendu la farce tourne au cauchemar, la vieille cane par accident, devant les yeux ébahit des étudiantes. Voyant immédiatement la chasse tirée sur leur avenir, puisque se justifier d’un meurtre ça peut s’avérer problématique au moment d’entrer dans la vie active. Elles décident donc de couvrir celle qui à tuer Mrs Slater, et de cacher le corps de cette dernière dans la piscine. Un peu dans l’urgence, puisque le soir venu, une grande fête est prévue dans la maison. Mais elles ne sont pas au bout de leurs surprises, puisqu’un tueur anonyme commence à éliminer une à une les membres de la sororité.


Avec un postulat des plus classique, le film met en opposition deux idées du monde, une conservatrice, incarnée par Mrs Slater, une vieille peau témoin de la dégringolade progressive des mœurs d’une jeunesse qu’elle juge de plus en plus en roue libre. Désagréable, acariâtre, insultante, c’est une dame aigrie, qui ne supporte pas la nouvelle génération.


En face se trouve donc cette dernière, composé de jeunes ayant grandi dans l’ombre du Flower Power, qui sont plus soucieux de s’éclater dans la life, en mode ‘’Carpe Diem Baby’’, que de penser à un avenir attendu, garanti sans frisson. Les années de fac forment en quelques sortes les derniers temps de leur innocence, avant l’entré au service du grand capital.


Avec ‘’The House on Sorority Row’’ le récit traditionnel du Slasher vient être perturbé par le fait que parmi les proies du tueur, il y en a une qui a tué, et les autres qui l’ont couverte. Un gimmick qui se retrouve en 1997 dans ‘’I Know What You Did Last Summer’’, qui permet de questionner la nature morale des personnages. Elles sont prêtes à camoufler l’accident, qui devient un meurtre intentionnel, puisqu’en tentant de dissimuler le corps, elles aggravent leurs cas. À partir de ce moment elles deviennent complices.


Il est possible dès lors d’émettre des questions vis à vis de la moralité des protagonistes. Surtout qu’elles ne sont pas des clichées, et sont présentés comme des jeunes étudiantes intelligentes, ambitieuses et débrouillardes, qui ne sourcillent pas lorsque vient le moment de se protéger entre sœurs. Entre alors en action un mécanisme qui jusque-là n’était pas vraiment pris en compte dans le Slasher, qui est la position du spectateur/rice en tant que gardien/ne moral. L’acte des protagonistes est injustifiable, et en pourtant il est difficile de les juger.


Même si une action plus réfléchie et pragmatique était possible, comme tout simplement faire en sorte que celle qui a tué accidentellement Mrs Slater paye pour son crime. Mais une fois l’acte passé et le serment prêté, et bien les personnages principaux deviennent les complices d’une tueuse, toutes coupables de la mort et de la dissimulation du corps de Mrs Slater. Vieille mégère certes, mais un être humain avant tout.


Du fait, quand les meurtres débutent, et que la silhouette masquée se met à massacrer à tour de bras toutes les pauvres âmes qui passent sur son chemin, c’est pourtant de la sympathie qui s’exprime pour ces jeunes filles qui cherchent à survivre face à l’acte déviant d’une personne dont on ignore tout de l’identité et des motifs. La solidarité entre sœur entre alors en compte, car c’est ensemble qu’elles parviendront à se tirer de ce merdier.


De coupables, elles passent à victimes, en quelques minutes. Ce qui du point de vue du public est une expérience riche, d’autant plus le film est correctement rythmé et ne lésine pas sur les effets gores. S’il possède des défauts inhérents au genre, il en demeure l’un de ses meilleurs représentants. Ne serait-ce que pour ce ballotement sur des questions d’ordres morales.


Les jeunes femmes appartiennent à cette nouvelle génération crainte par une Amérique conservatrice et puritaine, qui ne voit que le mal dans leur comportement. Plutôt que de les accompagner, elle passe son temps à les engueuler, les rabaisser, les humilier, parce que ce sont des jeunes qui veulent profiter des douceurs de la vie. Cette arrière garde générationnelle, incarnée par Mrs Slater, est tuée au début du film par des jeunes filles qui prennent dès lors leur émancipation, par la violence. Refusant que des personnes qui ne les comprennent pas, se permette de juger leur choix et leurs décisions. Mais la vie est une pute et le monde un endroit mal famé, et à peine libre, tout de suite apparaît ce mystérieux serial killeur.


Le croque-mitaine incarne cette nouvelle vision de l’Amérique, qui se met doucement en place durant les 80’s. Cette Amérique de Ronald Reagan, vulgaire, conservatrice, agressive, bourrine, violente, avec une diplomatie se jouant à grand coup de pieds dans la gueule. C’est face à ça que se retrouvent les jeunes femmes, dont l’émancipation et le passage de l’enfance à l’adulte, demeure des épreuves aussi complexes que d’affronter le monde avec ce qu’il a de plus cruel.


Jusqu’au milieu des années 1980, il est ainsi possible de trouver des Slasher avec un sous-texte politique plus ou moins clair. Une aptitude qui disparaît à mesure que le genre tombe dans l’exploitation la plus écervelée. Mais en 82/83, la plupart de ces films évoquent clairement cet entre-deux dans lequel se trouve toutes la génération des années 1960, née des Baby Boomer. Ceux-là même qui au cours de leur jeunesse ont contestés l’establishment.
Une liberté nouvelle est mise à disposition de la génération d’ados des 80’s. Une liberté qui n’existait pas durant les fifties et au début des sixties, qui nait de la constatation et de la contre-culture engendrés par l’assassinat de Kennedy, la Guerre du Vietnam et l’emergence du Flower Power. Les mœurs s’ouvrent, dans une société qui se vue moins austère.


C’est ce changement radical dans la manière de penser l’Amérique qui est évoqué au début des eighties. À un moment où l’administration au pouvoir ne rêve que d’une seule chose : revivre les années 1950. Cette décennie où la famille nucléaire est reine. L’homme au bureau, la femme aux fourneaux, les enfants à l’école pour préparer un métier. Sauf que la jeunesse des 80’s, elle n’est plus tellement dans ces conceptions. Au lendemain du punk, à l’heure du rock, dans une continuité très seventies, l’émergence d’une culture teintée d’un fort libertarisme, l’idée de fonder un foyer, avoir des gosses, un travail stable et une situation, ne passent plus au premier plan.


‘’The House on Sorority Row’’ est certainement l’œuvre du genre la plus radicale, car dans sa réflexion elle reflète trois strate : la génération des fifties, les ados des eighties, et une transition conservatrice qui marque un retour au patriotisme exacerbé, et un American Way of Life sur le retour. Une œuvre symbole d’un changement, qui par un traitement violent et gore, illustre les enjeux de la société au début de l’ère Reagan. Et ce petit Slasher, a su parfaitement capter l’air du temps. Ce qui est finalement le rôle d’une œuvre cinématographique.


À cela s’ajoute le fait qu’à sa sortie, le film fût un carton. Pour un budget d’environs 425 000 dollars, il en rapporta 10 millions. Ce n’est donc pas une œuvre passée inaperçue, elle a touché un large public, qui a pu se reconnaître dans le portrait de cette sororité livrée à l’indicible. Capitalisant au maximum sur l’image de la Scream Queen, puisque tous les protagonistes sont des femmes qui se battent avec ce qu’elles ont, contre un monstre qui ne fait pas de cadeau. Un Slasher atypique dans le fond, classique dans la forme, féministe dans sa démarche, audacieux dans sa bravade au conservatisme, et efficace dans tous les sens du terme.


-Stork._

Peeping_Stork
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Slashers

Créée

le 29 févr. 2020

Critique lue 696 fois

10 j'aime

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 696 fois

10

D'autres avis sur The House on Sorority Row

The House on Sorority Row
Shawn777
5

Plouf

Ce slasher réalisé par Mark Rosman et sorti 1983, considéré par beaucoup comme étant un classique du genre, est en réalité assez moyen. C'est ici l'histoire d'une sororité qui organise en fête dans...

le 2 janv. 2023

1 j'aime

The House on Sorority Row
Emmie-Kenza
8

Critique de The House on Sorority Row par Emmie-Kenza

The House on Sorority Row est un slasher qui se démarque beaucoup de part son excellente photographie. Les couleurs sont magnifiques ainsi que les costumes. L'histoire est un scénario classique du...

le 10 oct. 2020

1 j'aime

The House on Sorority Row
The_Claw
7

Yes, we canne

Un slasher des années 80', tout ce qu'il y a de plus classique. Du coup, pas grand chose à en dire. Le cahier des charges est respecté, les acteurs sont assez bons, les crimes arrivent à intervalle...

le 21 déc. 2023

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

13 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

10 j'aime