Etymologiquement, le dédale, est un lieu où l’on peut se perdre, un ensemble compliqué, inextricable. Pas étonnant alors que le personnage fétiche de Desplechin porte ce nom. Paul Dédalus, où comment l’on aime se perdre en suivant ces trois moments d’une vie si extraordinaire et si commune à la fois… Vie en labyrinthe, qui ne trouve son sens qu’en toute fin du film, après nous avoir séduit, agacé, enthousiasmé et touché…


Depuis toujours Desplechin cultive le paradoxe avec plus ou moins de bonheur. « Trois souvenirs de ma jeunesse » se place sans conteste au dessus du lot. D’un récit qui se veut aussi obscur que limpide, l’auteur a ciselé les mots donnant aux dialogues vigueur et humour désabusé, un flux de mots dont on se délecte. De l’image, le réalisateur se joue des couleurs, au détour d’une scène le bleu de la sagesse de Paul rayonne de l’écharpe à une palissade en passant par un pilier, ou d’une autre avec le rouge passion d’Esther illuminant son visage et irradiant son entourage… de la vie l’homme se remémore son passé, d’un Roubaix en véritable ville de Western, aux émois d’un vilain petit canard qui séduit par sa singularité et cette la famille si austère… ses pages de vie se réinterprètent ici. Et, coïncidence ou volonté, le cinéphile qu’il est, reconsidère le travail des grands cinéastes tel Bergman (la 1ère partie évoque « Fanny et Alexandre »), Pialat (la jeunesse de seventies de « Passe ton bac d’abord »), parfois même des emprunts à Dolan (ralentis sensuels des « Amours imaginaires »).


C’est un film bouillonnant de plaisir, de désir de sourire que ces trois souvenirs revendiquant sa douce folie et plus encore la passion. Passion d’une vie, passion du verbe, passion de faire un film, passion de la subtile intelligence. Le film très structuré (3 parties, un épiloque) est un chant d’amour à l’étrangeté de la vie, à sa force qui nous tenaille et qui nous pousse toujours plus près de la mort…


Les acteurs participent tous à mettre en vie cet incroyable périple, du royal Amalric, à l’incandescent Quentin Dolmaire, de l’ineffable Lou Roy Leconillet à Françoise Lebrun (que l’on retrouve avec plaisir) jusqu’au très jeune Antoine Bui (Paul enfant) tous sont extraordinaires. On se demande face à un tel émoi pourquoi le film ne se trouve pas en compétition officielle à Cannes... Il porte haut les couleurs d’un cinéma français créatif et intelligent retrouvé.

Créée

le 21 mai 2015

Critique lue 1.4K fois

26 j'aime

2 commentaires

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

26
2

D'autres avis sur Trois souvenirs de ma jeunesse

Trois souvenirs de ma jeunesse
Velvetman
9

L'érudition de l'amour

L’amour est un vieux serpent de mer. Le temps passe, l’identité se dilate, les souvenirs s’égarent et s’éparpillent entre la routine inhérente d’un Roubaix lassant et le romanesque idéalisé d’une vie...

le 13 oct. 2015

76 j'aime

4

Trois souvenirs de ma jeunesse
B-Lyndon
8

Esther. (des vies possibles)

Lors de la première vision du film, et comme devant tous les Desplechin, j'en suis ressorti ému, très heureux. C'est l'effet que me font ses films : leur complexité, leur densité, leur énergie aussi,...

le 22 mai 2015

30 j'aime

11

Trois souvenirs de ma jeunesse
FredEric4
3

De l'art de se toucher la nouille

OMG que ce film est détestable. Que ce soit les choix de réalisation (l'effet rétro de l'annonce des parties, les "split screens" et les effets "scope", la troisième partie qui occupe à elle seule...

le 28 mai 2015

26 j'aime

7

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11