La forme est celle d'un ballet contemporain. C'est aussi un roman-photo de luxe. La photographie aux accents métalliques transcende les peaux et la beauté des corps. Les échanges charnels sont des parades puis des combats. L'amour est une image sur papier glacé.


Tout le bonheur du monde (Yo soy la felicidad de este mundo) prend la forme d'un tryptique. On suit d'abord Octavio, danseur à tête d'ange très vite séduit par Emiliano, jeune cinéaste improbable et torturé. Puis la longue séquence d'un film d'Emiliano, mise en abyme audacieuse, crée la rupture avant que Jazen entre en scène en gigolo au cœur tendre.


Julien Hernandez revisite les codes de la romance gay (de l'érotisme soft à la pornographie, de la love-story fleur bleue au romantisme destructeur) dans un collage très sophistiqué dont la structure, le rythme et l'atmosphère dépassent le cadre d'une fiction classique. L'ensemble est destructuré, déroutant et assez envoûtant.


Si le film est le portrait d'un artiste torturé, c'est en négatif qu'il se dessine. Le personnage d'Emiliano est à la fois le moins construit du film, le moins sympatique et le plus caricatural. On apprend à le connaître presque en son absence, par le regard des deux garçons qui tombent amoureux de lui, par le film fantasmatique qu'il réalise.


L'ensemble fonctionne comme une installation. La mise en place artificielle, les scènes comme exfiltrées d'un réel dont on ne garde que les rumeurs (bruits de circulation, conversations lointaines, silence habité), produisent un film maniériste et irréel, comme un long rêve éveillé à la sensualité singulière.

pierreAfeu
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le 30 oct. 2015

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