Le sang noir de la déchéance, coule, goutte et sèche encore ...

The Will Be Blood est un film surprenant puisqu'il instille tout au long du film au sein du pauvre spectateur des émotions contradictoires et joue sur de multiples antagonismes, des oppositions en son sein.

À cause de ce jeu, de cette manipulation, le film n'est pas un plaisir constant, ce n'est pas un régal continu et ce malgré la justesse de ses acteurs et la maîtrise de la photo et de la réalisation. Pour apprécier ce film, il faut le voir jusqu'au bout. Il faut s'imprégner et profiter de la mise en place de ses contrastes tant scénaristiques que dans la réalisation, jouissance donc face à une oeuvre finie, complète.

Ainsi le titre annonce la violence, la compétition, le sang. On attend une odeur de poudre et des duels au colt, on attend une conquête de l'Ouest. Il y aura du sang.

Or, en fait, on commence par assaillir nos oreilles, à mettre en place une formidable tension, à crisper nos muscles et tendre nos nerfs à travers une ambiance musicale oppressante : concept qui reviendra souvent, celui d'une démesure musicale face à l'action proposée. Là on a un homme seul, un travailleur acharné face aux aléas de la vie, il marche contre le vent et creuse, encore et encore. Il est là pour une chose, pour le liquide noir, pour le sang de la terre, pour la richesse qu'il procure : on sent déjà qu'il n'en ressortira que difficilement avec les mains propres.

Rien à voir avec les canons du Western, on est loin du compte, on se lance donc dans quelque chose de différent.

Nous suivons Daniel Plainview au fil des années, celui qui était un travailleur solitaire et maintenant un loup du système, il dirige sa propre entreprise de forage et amasse les terrains, les conquêtes. Il est suivi de son fils (garnement d'une dizaine d'années) qui par sa bonne bouille aide parfois face à des vendeurs récalcitrants.

Après plusieurs scènes visant à nous introduire ce cadre, ces personnages, l'histoire peut véritablement commencer avec l'arrivée de Paul, un jeune péquenot qui propose contre rémunération foisonnante et verdâtre (liasse de billets) d'indiquer l'emplacement d'un terrain sous lequel dort d'importantes réserves de pétrole.

Suivant son conseil Daniel Plainview va pouvoir commencer son premier contact avec les locaux, tous des adeptes de l'Église de la 3ème révélation dont le pasteur est justement le petit frère de Paul : Eli. La confrontation peut commencer, Daniel Day Lewis et Paul Dano étant tout les deux impressionnant dans leur présence, parfaits dans leurs rôles, l'un noir et plein de charisme, l'autre tout simplement impiffable, faux jeton, haïssable et empli d'une énergie brulante au service de son culte.

Tout le film comme je l'ai déjà dit va alors se construire sur des antagonismes, sur des oppositions, entre les personnages, entre les situations. La balle va d'un camp à un autre dans cette lutte sans merci mais à feu couvert. La deuxième force de ce film réside dans un processus implacable de vieillissement, de déchéance, de corruption. Les personnages vont évoluer, certains se délitant, d'autres vont s'endurcir, certains se devront écraser.

Symptomatique de cette évolution, la présence, ou l'idée, des frères de ces personnages : Henry et Paul. Ils questionnent sur l'identité des personnages principaux, ils provoquent le dialogue, forcent à la comparaison et l'interrogation.

La réalisation est soignée, on lui reprochera cet excès musical par moment, pour comprendre par la suite que tout est voulu : le réalisateur joue avec la lumière, les décors, la mise en scène et le son. Et c'est vraiment bien fait.

L'histoire en elle-même n'est pas forcément passionnante, le tout va se jouer avec ces personnages et ce qu'en fait le réalisateur, arrivant à une conclusion dans un sens logique mais qui ne manque pas de combler toutes nos attentes dans un dernier sursaut, le film ne faisant pas spécialement dans la rapidité. Et tandis que les caractères gothiques s'affichent une dernière fois sur l'écran avant le générique, on se dit avec raison que oui, le sang a coulé, doucement peut-être, mais le fleuve carmin forme un lac où il est bon de naviguer, enfin en paix ...
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le 19 sept. 2012

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