Pour débuter cette critique il me parait indispensable de battre en brèche toute l'argumentation autour de l'aspect historique du film. En effet bien que s'inspirant de faits réels, à savoir cette armée exclusivement constituée de femmes qui luttèrent aux dix neuvième siècle notamment contre les invasions européennes, le film ne prétend à aucun moment être un témoignage ou une leçon d'histoire véridique, de là l'encenser comme un précis de l'histoire du royaume du Dahomey ou au contraire lui reprocher une romantisation à la sauce occidentale de l'histoire africaine sont dans les deux cas des erreurs. Tout comme William Wallace le héros légendifié de Braveheart (1995) puise son socle narratif dans des sources concrètes il n'est pas pour autant fidèle avec l'Histoire.


Une fois que l'on a accepté cela, nous sommes face à un film d'aventures qui m'a paru d'une très grande maîtrise et absolument réjouissant. Le récit se centre principalement sur Nanisca, générale en cheffe de cette fameuse armée d'amazones à la sauce ouest africaine, qui en charge de la formation des nouvelles recrues devra en parallèle mener la lutte contre les différents ennemis de son peuple.

Il y a d'abord l'ennemi traditionnel, l'ennemi historique le royaume voisin, ce dernier afin d'étendre son influence tout en réduisant de façon presque génocidaire celle du Dahomey, s'allie avec l'ennemi récent, l'ennemi venu d'ailleurs. Les européens alors en pleins désirs de conquêtes, de colonisation de ces terres si riches et surtout des esclavagistes qui dans le sillage de ces envahisseurs contribueront à l'un des plus grands drames de l'humanité.

Il serait tentant à partir de ce postulat de faire un récit manichéen dans lequel le bien incarné par notre héroïne, ses guerrières et son peuple seraient le symbole du David face au Goliath, caractérisé lui comme l'archétype du mal, mais le film est bien plus intelligent que cela et n'occulte pas que si les esclavagistes venus d'occident ont pu si aisément prospérer c'est grâce au concours actifs d'africains qui dans leurs guerres tribales ancestrales ont vu là l'opportunité d'une victoire totale et définitive.


Ainsi l'une des conditions qui selon Nanisca sera indispensable pour faire front face aux envahisseurs, c'est d'immédiatement cesser de livrer ses ennemis comme esclaves, une idée alors révolutionnaire mais qui sera essentielle dans son ascension au titre suprême, celui du titre "la femme roi". Je ne développe pas d'avantage sur ce point, tant le scénario et le montage du film traitent ce sujet de façon vraiment passionnante à découvrir.


Viola DAVIS est d'une présence physique inouïe et n'a aucun mal à convaincre dans ce rôle de guerrière réputée, respectée, redoutée, mais la finesse de son jeu et la précision des dialogues la rendent tout aussi crédible comme porte parole ou plutôt instigatrice d'un message qui va au-delà de la simple opposition avec l'ennemi et les sujets traités plus haut. Le scénario, je reviens dessus, est d'une limpidité absolue, nous savons à chaque instant où nous en sommes et les axes de narrations supplémentaires s'ils contribuent à donner plus de caractère aux protagonistes, n'en grèvent pas pour autant le récit central.


Le film est également selon moi une vraie et forte tribune en faveur du féminisme, ce sont des femmes fortes aussi bien physiquement que mentalement, elles sont maîtresses de leurs destins, de leurs choix, et quand aux détours d'un élément scénaristique le film semble s'exposer à la tentation d'une idylle amoureuse, il a le bon goût de ne pas y céder, permettant à son personnage féminin concerné par cette romance de garder sa destinée en contrôle.


Film d'aventures épique et redoutable d'efficacité jouissant d'une belle mise en scène, d'une photographie fine qui rend de façon magnifique cette lumière africaine et d'un décor naturel sublimé par un sens du cadre rare, film qui m'a subjugué par la précision de ses chorégraphies et par là je ne parle pas uniquement des différentes danses traditionnelles qui l'émaillent mais surtout des scènes de combats, grâce à un découpage précis et une scénographie qui l'est tout autant, ces scènes sont d'un rare plaisir à suivre, à aucun moment nous ne sommes perdus, à aucun moment nous ne comprenons pas où sont les opposants, les ennemis, rythmé sans tomber dans le travers du montage épileptique qui gangrène les scènes d'action actuelles.


Un très bon moment devant un film distrayant, intelligent, vecteur de valeurs qui moi me parlent et qui encore une fois ne se veut absolument pas un cours d'histoire fidèle aux faits mais juste une romantisation d'un élément mal connu en occident mais néanmoins exact, cette armée d'amazones africaines qui contribuèrent de façon indiscutable à la défense d'un royaume, d'un peuple, d'une tradition.

Créée

le 7 juin 2023

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