The Woman King et sa si belle affiche, nous laissait espérer d'un rôle principal pour Viola Davis, la générale et peu commode Nanisca, cheffe de guerre et de l'armée du Roi, d'une crédibilité guerrière qui transporte. Une femme en limite d'âge, meurtrie par les années de guerre que l'on regrette de ne pas voir à toutes les scènes pour suivre son évolution d'esclave à maître d'armes et tout ce qui pouvait signifier de force et de courage face à une telle condition. Mais de la même manière que les deux non moins parfaites Lashana Lynch et Sheila Atim, elles ne servent que de décor à l'évolution guerrière et bien trop rapide de Nawi (Thuso Mbedu) à la présence moins marquante que ses aînées même si la jeune actrice joue d'une belle expressivité. Nawi, c'est le symbole du renouveau, de celle qui décide de choisir sa voie. C'est le sort de nombres de jeunes filles esclaves ou vendues par leur familles, enrôlées de force et poussées dès leur plus jeune âge à un entraînement intensif. Leur maîtrise au combat décidera de leur avenir entre intégrer le harem du Roi ou la Garde Royale, menée par Nanisca. En choisissant d'axer son récit sur Nawi, personnage réel et dernière des amazones du Dahomey, et en romançant largement leur condition de vie, Gina Prince-Bythewood échoue à nous rendre la grande aventure épique attendue, de bruit et de fureur. Grandes guerrières, elles n'ont ni cheval ni seins coupés, mais leur dextérité, leurs lances et leurs sabres sont tout autant redoutables. La peur qu'elles suscitait chez les hommes, peu habitués à ce type d'adversaires, n'était pas une légende. On peut alors regretter que Lashana Lynch, au caractère de bout-en-train rende un personnage en décalage de son imagerie guerrière et que toutes trois pourtant, seront des plus sympathiques avec leur nouvelle recrue, qui se révèle rapidement rusée et aux performances avérées, malgré le peu d'entraînement.

La cinéaste choisit ce peuple à l'armée exclusivement féminine pour rendre hommage aux femmes d'Afrique et d'ailleurs qui doivent s'arranger entre leur genre et leur société patriarcale. Si leur statut ne leur permettait pas toutes les libertés, il leur permettait de faire respecter celles qui auront permis aux rois successifs de maintenir leur royaume face à leurs ennemis et à la menace coloniale. Et pour la petite histoire pourtant oubliée de la réalisatrice, ce fut une reine qui fut à l'origine de cette armée et non l'invisible et peu investi John Boyega, ici présent.

Ce peuple qui alimentait le commerce d'esclaves de ses ennemis, Nanisca, tentera de le stopper, convaincue de la nécessité à trouver dans les échanges agricoles une bien meilleure solution. De l'ordre du fantasme pour l'époque, Gina Prince-Bythewood opte pour une modernité humaniste essentielle à faire passer le message des droits de l'homme aux plus jeunes, tout en gardant le contexte historique d'échanges commerciaux peu louables, pour les rappeler à la triste histoire, mais qui ne les exemptaient pas de guerres de territoires. Malheureusement en ne choisissant qu'un seul antagoniste, l'envahisseur Oyo, on aura du mal à vérifier l'expertise combative des amazones sur un plus large territoire, en occultant une vision plus globale de cette Afrique de XIXème siècle, de la géopolitique, du colonialisme naissant, de commerces et d'agriculture, tout autant que d'être trop avare en combats acharnés et en chorégraphies guerrières. Le film oscille alors entre drame féministe, rivalités de palais et scènes d'actions décomplexées, rares mais toutes réussies.

Les décors extérieurs, souvent nocturnes et à l'identique, limitent ses environnements, une caméra trop souvent centrée sur ses personnages et ses baisses régulières de rythme nous font regretter que la suite ne soit pas du même tonneau que la scène introductive, avec l'apparition quasi surnaturelle au milieu des herbes hautes, d'une horde de guerrières, au maniement de la hache d'une belle fluidité.

La suite est au profit de longues discussions redondantes et d'une romance peu crédible entre Nawi et un bien gentil métis portugais et esclavagiste (Jordan Bolger)

pour que Nawi trouve finalement dans Nanisca, sa mère qui avait du l'abandonner vingt ans auparavant.

Tout est bien qui finit bien si l'on accepte de ne voir qu'un divertissement lambda aux codes US bien ancrés et qui risque de faire choux blanc dans les caractérisations finalement toujours un peu cliché et d'une dénonciation sans grand enjeu.

Si son récit est bien moins puissant que son sujet, Gina Prince-Bythewood a le mérite de mettre à l'honneur un peuple noir, à l'instar des Massaï à l'Est et de tant d'autres qui ont du et doivent encore se battre aujourd'hui pour conserver leurs terres.

limma
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le 6 nov. 2022

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