Le truc bien avec le cinéma hollywoodien, c'est qu'on a pas trop à se fatiguer pour souligner ses défauts : il le fait tellement bien lui-même ! Finalement son meilleur ennemi, c'est lui...

Jusque là, je trouvais que David Fincher était un acrobate malin, qui parvenait plutôt pas mal à flirter avec les clichés sans trop tomber dedans, ou alors en tombant dedans mais en en profitant pour les casser.
Bon, ben là je ne trouve plus.

C'est vrai que c'était un peu dingue de ma part, moi pour qui Facebook réunit exactement toutes les mauvaise raisons pour lesquelles utiliser Internet, d'aller voir Social Network. Mais je te faisais confiance, David, je pensais que tu serais capable de transcender le point de départ pour en faire un film sur le pouvoir, ou l'ambition, ou le machiavélisme, ou le vide abyssal qui menace tout Empire qui se veut surpuissant.
Bon ben là j'ai vite déchanté.

Le problème, c'est que j'avais cru - nan mais qu'est ce que je peux être naïf moi des fois - tout ce concert de voix unanimes (pourtant j'avais écrit dans mon petit calepin violet, à la première page : "ne jamais faire confiance à l'unanimité") qui répétait sur tous les tons : C'est dingue, Social Network n'est PAS UN FILM SUR FACEBOOK, et c'est génial ! Donc bon, j'ai un scoop : OUH OUH CE FILM EST SUR FACEBOOK. Et loin d'être génial, c'est la pire chose qui pouvait lui arriver. Car Facebook n'est rien en tant que tel, quand même j'espère qu'on est d'accord là dessus. Je veux dire : comme phénomène de société, comme symbole, ou métaphore, ou baromètre, voire comme symptôme, ok c'est dingue. Seulement voilà, à part ça... euh rien en fait. Non à part que c'est bleu ou blanc, y'a rien à en dire.
Bon ben là j'ai 200 000 ennemis.

Tant pis je continue. Parce que vraiment je suis perplexe. Je vois bien le nombre de bonnes notes que ramasse ce film, et ça me laisse pantois. La seule explication que je trouve, c'est que Social Network est tellement vierge et blanc (comme peut l'être une toile) que tous les désirs et les fantasmes peuvent y être projetés. Parce que si on veut résumer le fond du film (tel qu'il apparait sous nos yeux) ça tient en deux phrases, la première (Zuck t'es qu'un con) et la dernière (Zuck t'es pas un con, mais tu fais tellement tout pour le devenir).
Bon, ben là j'ai spoilé, désolé.

Et entre les deux ? Entre les deux c'est une (très) longue enquête pour voir si la petite amie de Zuck a pas un peu été simpliste pour le coup... Je veux dire, un gars qui invente "ça !", il doit bien être tordu, pourri, ambitieux, etc etc etc... Alors on passe des heures à le regarder taper sur un ordi, boire des bières, parler avec des gens, aller à des procès, et tout ça pour comprendre que.... Ah ben non, tiens, au contraire elle était encore trop gentille sa copine, Zuck est même pas ça ! Zuck (comme Facebook) n'est rien. Et Fincher a beau essayer de nous faire croire que le suspens est du niveau de 24h Chrono, mâtiné de 12 hommes en colère, Blair Witch Project et Psychose, à l'arrivée c'est quand même plus proche d'une dramatique radio des années 80.
Une drama....Aaaaaaaaah ça y est j'ai compris ! ÉVIDEMMENT !!!!! Social Network n'est pas un film sur Facebook, ils avaient raison ! Tout simplement parce que Social Network n'est pas un film !
Bon ben ça va mieux alors...
Chaiev
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le 28 nov. 2010

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