Pour la première fois de ma vie, je suis retourné voir un film au cinéma !


Ce film parvient à réunir tout ce qui a fait le succès de la fiction au cours des âges en le dépoussiérant. À l'évidence, c'est une tragédie ultra classique qui réunit les prérequis de crainte et de pitié, d’Éros et Thanatos, la thématique de l’œil et du regard, du monstre ( "he calls me the Bionic Woman ") etc. ... comme certains l'ont déjà remarqué. Mais je suis déjà plus étonné de voir un vocabulaire plus absent des autres critiques : celui de l'enfance. C'est donc ce sur quoi j'insisterai. Ma critique s'adresse plutôt cette fois à ceux qui l'ont vu et consiste plus en une analyse qu'un résumé.


Ce film donc, reprend un triangle de thématiques qui me fascine (et l'omniprésence de ce triangle dans mes films préférés m'a sauté aux yeux après avoir vu ce film) : celui du lien entre beauté - vérité - enfance. C'est comme si la clé d'une vérité résidait dans la beauté jeune et enfantine. N'est-ce pas après tout la même clé que propose Kubrick à la fin de 2001 ? (on retrouve d'ailleurs une scène utérine dans ce film lorsque Jesse se recroqueville pendant l'agression sexuelle de sa voisine de chambre).
À l'évidence NWR insiste sur ce lien et ce qu'il a de malsain. Si je suis d'accord pour dire que la critique du monde de la mode n'est pas l'objet du film, elle est tout de même très présente. Cette recherche de la baby-face, du petit nez et du "regard de biche apeuré" est partie intégrante du mannequinat moderne comme des formes de beauté antérieures, avec ce qu'elle a de malsain ("I think he makes promises to young girls" dit Malone à propos de l'un des rares personnages masculins). Déjà les contes mettaient en scène ces jeunes princesses apeurées à l'âge classique (et la référence au conte se fait à plusieurs reprises par la musique type conte de fées, en particulier sur la première scène d'embauche au moment où l'agent dit "but you, you are going to be great", mais aussi par le maquillage de princesse lors de la scène de la piscine vide). Et déjà le conte attribuait à la jeune héroïne la peur enfantine de la dévoration (voir Perrault : Barbe-Bleue, Le Petit Chaperon Rouge), et toujours ce motif dans ce film ...


Tout est renouveau pour moi dans ce film qui montre la femme en lignes droites plutôt que courbes (des diamants en somme, Neon Demon, Neon Diamond, j'avoue m'être trompé lorsque j'ai demandé ma place au guichetier !), qui sublime la musique publicitaire en cherchant ce qu'il y a de plus suave, mielleux, sucré dans l'électro (la musique d'intro réussit à m'évoquer physiquement et gustativement le champagne !), qui réussit le tour de force de nous faire hésiter parfois sur la teneur comique ou pas de la scène. À plusieurs reprises cette sensation d'hésitation entre comique et ébahissement, comme lorsqu'on rit de ce que nous croyions être une plaisanterie d'un ami mais qui était en fait tout à fait sérieux. La scène de l'oeil + suicide à la Lucrèce ; la course poursuite aux couteaux exhibant ces formes rectilignes et mécaniques; la scène du miroir brisé (sérieux, je suis le seul à avoir pensé à Golum écarquillant les yeux lorsqu'Abbey Lee veut voir la main de Jesse ?). Je comprends tout à fait que certains trouvent ce film ridicule et grand-spectacle vu l'audace avec laquelle le réalisateur en joue.


Alors oui ce film comporte des faiblesses : le personnage d'Elle Fanning n'est pas parvenu à détruire ma fascination pour le personnage d'Abbey Lee (elle ne réussit pas à être "un fantôme" comme elle le dit et donc le film ne réussit pas à rendre palpable le "truc" de Jesse), la première scène où le créateur voit Jesse est juste ridicule, la musique finale de Sia vient plomber le truc (on était dans un conte de machines, on ne tenait pas à retourner dans notre réalité en reconnaissant quelqu'un). Mais à côté de ça il réussit l'exploit de ne pas nous (me ?) ennuyer une seconde malgré un arc narratif quasi inexistant (ce qui était moins le cas dans les deux films précédents de NWR qui ne m'ont pas plus marqué que ça) et surtout de me faire encore penser à lui plusieurs semaines après l'avoir vu, ce qui n'est pas une mince affaire au cinéma, toujours un peu trop éphémère à mon goût.

Kalistos
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le 7 juil. 2016

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