J'ai évoqué dans ma précédente critique du film La Famille Tenenbaum (2002) la contradiction qui selon moi qualifie les films et le style de Wes ANDERSON, à savoir raconter la mélancolie et un certain aspect du drame sous les artifices habituellement dédiés à la comédie.

En repensant à sa filmographie, m'est apparu un deuxième paradoxe chez ce réalisateur, qui je le confesse a toujours remporté mon adhésion. Le thème de l'enfance et plus particulièrement celui de la filiation, et là où on pourrait imaginer que le sujet de l'enfance soit traité comme un chaos et une explosion propre à cet âge, il y ajoute une certaine rigueur adulte. Dans le travail toujours très précis de ses plans, ses symétries quasiment obsessionnelles, les symboles derrière chaque élément mis à l'image, le dialogue qu'il instaure entre ses décors acidulés et la psyché de ses personnages.


Le risque en étant un auteur à ce point identifiable, tant dans ses thématiques que dans sa grammaire de réalisateur est de tomber dans l'auto citation voire la caricature de lui-même, et si les critiques qu'il avait essuyé pour A bord du Darjeeling Limited (2007) mettait en garde contre cet écueil, l'invitant à se renouveler ou à briser son style, lui avait choisi pour ses deux opus suivants de continuer sur cette voie.


A l'annonce de la sortie de The Grand Budapest Hotel (2013) j'étais impatient de voir comment il allait réussir ou à se réinventer ou se complaire dans une recette désormais attendue.

En absolu maître de son art et de son propos, il a avec ce film fait une sorte de bras d'honneur à tous ceux qui l'avaient ringardisé un peu trop vite. Exagérant à outrance tout ce qui fait son style immédiatement identifiable, en creusant encore plus loin ses thèmes de prédilections et sa façon de nous les présenter, on y retrouve son amour pour les chorales de comédiens, les situations rocambolesques.


Il prouve qu'il est à la fois un auteur formidable, un scénariste talentueux, un metteur en scène et un directeur d'acteurs de premier plan. Wes Anderson construit un univers cohérent, identifiable parmi mille, unique et s'il est aisé de croire qu'il est facile de faire du Anderson, tout son génie et toute l'ambiguïté qui le caractérise réside dans ces paradoxes qui qualifient selon moi son oeuvre.


Je l'ai déjà dit, mais j'y retrouve le sens du burlesque des comédies anglaises, mais je ne peux également m'empêcher de penser à Charles CHAPLIN, Buster KEATON ou plus près de nous la fantaisie à la fois sérieuse et onirique d'un Terry GILLIAM.


Bref, je suis absolument conquis et par ce film et par ce réalisateur de qui j'attends qu'il continue à nous émerveiller et nous surprendre en conservant sa patte sans soucis de la crainte de l'auto citation, car il n'est pas donné à tout le monde de faire des films où le style soit aussi identifiable.

La marque des plus grands.

Créée

le 5 oct. 2022

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